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Mamoudzou

Engorgement routier à Passamainty : des pistes en attendant le bus scolaire

Les embouteillages géants qui se forment chaque matin et chaque soir depuis mardi au sud de Mamoudzou auraient pu être évités. Si la CADEMA propose ses solutions, notamment les bus scolaires, elles risquent de ne pas être applicables de suite. Le spécialiste transport Mohamed Hamissi s’agace du manque d’anticipation.

« Allumez le feu ! », une injonction qui passe mieux en chanson que sur les ronds-points de Passamainty. Les feux tricolores y sèment la panique depuis mardi, jusqu’à engorger Mamoudzou par effet domino à des heures très tardives. Que s’est-il passé ?
Comme l’avait annoncé la CADEMA, la communauté d’agglomération qui a initié le premier réseau de transport en commun public terrestre de l’île, le début des travaux sur les ronds points de Passamainty devait créer des perturbations. Mais de là à paralyser la circulation, il y avait un pas.

Jean-François Bergeal, directeur de projet de Narendre, un des trois mandataires ayant la maitrise d’ouvrage et qui connaît bien le dossier pour y travailler depuis 2016, s’explique : « Nous supprimons les deux giratoires de Passamainty en ayant proposé une déviation pour pouvoir poser une canalisation d’eau potable. Celle-ci empêche tout retour à la circulation lorsque nous interrompons les travaux, il est donc inutile de les effectuer de nuit. D’autre part, la nationale passe par le futur pôle d’échange multimodal de Passamainty, l’espace où on pourra changer de mode de transport, et il n’est pas configuré pour une circulation si dense. Et dans le sens Nord-Sud, une petite chicane ralentit le flux. » Il indique vouloir renforcer la signalisation au sol.

Rachadi Saindou tente de mettre en place des solutions dans l’urgence

Deuxième diagnostic, l’alternance déséquilibrée du feu : « Il favorise les véhicules en provenance de la Nationale au Sud, au détriment de ceux qui arrivent de la route de Vahibe ». Le mandataire en est certain, « tout va se réguler, depuis deux jours cela va mieux, le pic de dérangement est derrière nous. » Mais Jean-François Bergeal l’avoue, « on ne pensait pas que ce petit aménagement aurait une telle répercussion. »

Si ça va mieux, c’est que la variable d’ajustement semble encore une fois être la population mahoraise, contrainte de se lever de plus en plus tôt, des automobilistes auraient confié mettre le réveil à 3h du matin pour arriver à l’heure à Mamoudzou.

Les bus scolaires en préfiguration de Caribus

Rachadi Saindou, président de la CADEMA, a une proposition, « mettre en place des navettes dans la commune de Dembéni » : « Nous allons récupérer une dizaine de bus scolaires qui prendront les passagers à Hajangua, pour ceux qui viennent du Sud, et à Tsararano, pour ceux qui arrivent de l’Ouest. Mais il faut que les gens jouent le jeu. » Pour cela, des parkings sont nécessaires, « nous sommes en train d’acheter un terrain de 500 places, nous allons sur place cet après-midi, et à Tsararano, les véhicules pourront être laissés au niveau du marché. » Nous l’avons interrogé sur la disponibilité des bus, « nous courrons les entreprises pour en avoir ».

Les bus arriveront au rond-point de la barge, il faudrait donc orienter les taxis vers l’acheminement des passagers, or, ce n’est pour l’instant pas prévu.

Jean-François Bergeal veut agir sur l’alternance des deux entre les deux flux

Si cette mise en place anticipée d’un réseau de transport en commun par les bus scolaires sonne comme une préfiguration de Caribus en diminuant la pression automobile, rien n’est fait donc, car il va falloir du temps pour trouver des bus et finaliser les parkings. On a le sentiment que la CADEMA est dépassée par la tournure que prennent les évènements. Si le chantier est prévu pour durer 2 mois, dont un mois de vacances scolaires qui vont alléger les routes, on sait que la ponctualité est rarement l’apanage des chantiers.

Nous avons contacté celui qui avait pensé le réseau Caribus, mais qui lors du changement de gouvernance n’avait plus les manettes pour mener la réflexion portant sur la phase de travaux. Mohamed Hamissi se dit carrément « révolté » : « Il y a eu un refus d’écouter sur des sujets aussi sensibles, et ce n’est pas faute d’avoir prévenu». Tout n’est pas de la faute de la CADEMA. « Ce qui était prévu au PGTD*, c’est que le réseau de transport en commun du conseil départemental, hors agglomération de Mamoudzou soit mis en place. On aurait eu des bus depuis le Sud jusqu’à Passamainty, et depuis le Nord jusqu’au Hauts-Vallons. Pour l’intérieur de l’agglomération de Mamoudzou, nous avions prévu que le financement mis en place pour que les taxis passent à un véhicule 9 places, leur permette de proposer un transport en commun. On aurait eu un réseau interne et externe d’alternative aux voitures. Mais de toute façon, les automobilistes auraient été dérangés dans leurs habitudes, c’est certain. »

Mohamed Hamissi : « Il ne faut pas avoir peur d’adapter le plan de circulation »

Le bouchon matinal néfaste à la santé

Mais le gros retard pris par le CD et les taxis qui n’avaient pas tous adhéré à l’évolution, n’ont pas permis ce préalable aux travaux de Caribus. « C’est un problème de coordination entre le conseil départemental et la CADEMA ». Qui pourrait causer encore des dégâts, nous y reviendrons.

Maintenant, il va falloir trouver des solutions. « La proposition d’utiliser les bus scolaires n’est pas inintéressante mais c’est toute une organisation car les bus sont déjà sous contrat avec le CD, rapporte l’ingénieur, or, on leur demanderait d’assurer le service public en changeant leur organisation. Ce serait possible pas avant 6 mois. » Or ça presse, et il met en garde contre « le problème de santé publique » que cela engendre, « les gens doivent maintenant se lever à 3h, bientôt 2h ! Il ne faut pas dire aux gens de s’habituer, ce n’est pas possible. »

Il soutient que le schéma de circulation déployé à Passamainty ne correspond pas à ce qui avait été indiqué : « Tous ceux qui viennent du Sud et de l’Ouest arrivent à la Croix rouge de Passamainty, il faut donc adapter le plan de circulation pour éviter que les deux flux se rencontre. Soit mettre des voies en sens uniques, soit utiliser les méthodes de calcul de simulation de trafic.

Circulez !

Les travaux Caribus à Kawéni épargnent la circulation, mais pas pour longtemps

La démolition de l’ancien pont dès le début de la phase travaux n’est pas une bonne chose pour lui, « il aurait permis de délester la Nationale pour ceux qui arrivent de Vahibe. Lorsque j’étais étudiant, on nous expliquait qu’il faut maintenir la fonctionnalité de la ville. Ça n’a pas été fait. »

Et Mohamed Hamissi a son avis également sur le rôle néfaste des feux tricolores : « Ailleurs c’est une bonne idée, mais à Mayotte, ça ne marche pas au regard du comportements des automobilistes qui peuvent à eux seuls créer des bouchons en avançant par intermittence. Il faut laisser les gens se débrouiller pour passer, ou mettre la police municipale aux heures de pointe, car, sifflet en bouche, ils seront plus efficaces pour faire circuler les gens ». Et il rappelle tricolore installé en 2007 au rond point SFR… qui n’avait pas fait long feu en raison de sa contre-productivité.

Il conclut en rappelant que « le travail de réorganisation du système de circulation, c’est à la CADEMA de le faire, pas aux entreprises de BTP. Mais elle doit le faire en coordination avec la ville de Mamoudzou sur cette phase de travaux qui va être autrement plus paralysante quand on va attaquer le poumon qu’est Kawéni. » Et met en garde, « attention, car il en va de l’attractivité du projet et de l’image de Caribus ».

Anne Perzo-Lafond

* Plan Global des Transports et des Déplacements

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