Qu’elle soit hybride, électrique ou thermique, une voiture remplit la même fonction : amener ses passagers à destination. Pour l’enseignement, c’est presque pareil. Durant deux années de crise sanitaire, où l’enseignement en distanciel s’est imposé comme une nécessité, mais tout en laissant des élèves sur le bord du chemin, une réflexion sur l’école 2.0 s’imposait. Pour Chantal Manès-Bonnisseau, la rectrice de La Réunion, qui ouvrait ce mercredi un colloque en visio-conférence, « l’enseignement hybride » a vocation à « aider les enseignants à repenser leur pédagogie avec de nouveaux supports de nouvelles technologies , d’autres interactions avec les élèves et une autre gestion du temps ». Pour elle, « enseigner ne s’improvise pas. C’est un métier, et il a été valorisé par la capacité de nos professeurs à s’adapter ».
Mais le passage parfois brutal au distanciel ne s’est pas fait sans dégâts. « Du côté des élèves certains se sont montrés plus impliqués à distance qu’en présentiel, mais pour d’autres ça a été l’inverse; les élèves ne sont pas toujours très à l’aise avec ces outils » constate la rectrice. Un euphémisme. Sur une île où l’illectronisme est aggravé par l’illettrisme tout court, on n’imagine que trop bien la difficultés pour des élèves peu formés aux nouvelles technologies à suivre des cours à distance, ouvrir les pièces jointes fournies par les enseignants, ou, pour leurs familles, suivre les résultats scolaires de l’enfant, malgré la création d’une application mobile « pro note » destinée aux ménages non équipés en ordinateur.
Toujours est-il que le métier doit « se transformer avec le numérique » estime l’Education nationale. L’enjeu du colloque, c’est « de partager les bonnes pratiques » selon le recteur Gilles Halbout soucieux de « les étendre et les dupliquer » tout en « analysant les mauvaises ». « Il y a des choses qu’on croyait bien et qui étaient un peu brouillonnes et d’autres qui se sont révélées excellentes. Par exemple l’utilisation des smartphones était peu développée avant. Aujourd’hui on voit que ça peut être un élément de révision, d’auto-test, notamment dans les transports au commun », plaide le recteur de Mayotte.
En revanche constate ce dernier, « l’utilisation de l’ENT (espace numérique de travail, NDLR) a montré ses limites, car peu adapté à un enseignement hybride » note-t-il encore.
Pour lui, un des gros chantiers à l’heure du numérique, c’est de se concentrer sur « l’accès aux sources, l’esprit critique, et comment se servir de ces sources. Il faut continuer à apprendre le cœur de l’apprentissage mais aussi apprendre à utiliser les outils numériques.
Et il ne faut pas négliger les savoirs fondamentaux », rappelle le recteur, qui note à juste titre que lire, écrire et compter sont indispensables à l’usage du numérique dans son ensemble.D’une manière générale, Fabrice Chaudron, conseiller du recteur en matière de numérique, voit dans l’enseignement hybride une manière de mieux préparer les élèves au monde du travail. « C’est plus d’autonomie pour les élèves. Ça leur apprend à s’organiser et à gérer le temps de travail » estime-t-il, partant du postulat que « le rôle de l’école c’est aussi une préparation à l’entrée dans le monde professionnel ».
Une réflexion intéressante à condition de ne pas oublier qu’un enfant n’est pas un salarié, et que sa quête d’autonomie ne doit pas faire négliger son besoin de cadre, car c’est là aussi le rôle de l’enseignant. Sans quoi le virage du numérique laissera encore bien des jeunes sur le carreau.
Y.D.