Lorsqu’on lui demande ce qu’elle a appris lors du cours d’Education économique, budgétaire et financière (EDUCFI), Farahate Layana prend un air sérieux, « que quand on a de l’argent, il faut commencer par les dépenses les plus importantes, comme les courses et le loyer, et ne pas être attirée par le superflu ». A la même question, son voisin prend une pose désinvolte, les jambes croisées, le regard au loin, « oui, il faut faire attention à son loyer en premier », en rêvant déjà de l’appart dans lequel il nichera ses rêves d’adolescents.
« Vous avez travaillé pour vous et votre famille, car il faudra relayer », les encourage Patrick Croissandeau, directeur local de l’IEDOM, l’Institut d’Emission des Outre-mer, qui agit au nom de la Banque de France dans les Outre-mer. Car ce qui est visé, c’est d’éviter que des familles tombent dans le surendettement victime des sirènes de la société de consommation.
Depuis 2016, la France s’est dotée d’une stratégie nationale d’éducation économique, budgétaire et financière (EDUCFI), comme 70 autres pays dans le monde, et c’est la Banque de France qui la décline, donc l’IEDOM ici.
L’action a été lancée en 2017 à Mayotte, en partenariat avec le vice-rectorat d’alors, et a été réitérée donc cette année à grande échelle après deux années de crise sanitaire. Surtout, les élèves ont reçu pour la première fois un Passeport EDUCFI.
« Nous avons fait deux fois et demi plus fort qu’au national ramené au nombre d’élèves, puisque l’enseignement EDUCFI a touché 24 classes ici ! », se réjouissait le recteur Gilles Halbout. Six établissements en ont bénéficié, « et j’y vois trois effets bénéfiques pour les citoyens éclairés en devenir que vous êtes. Bien sûr, la gestion d’un budget qui permet d’éviter de tomber dans la précarité, mais aussi la compréhension des grands enjeux du monde notamment que toute dépense implique une recette, et enfin, un travail multidisciplinaire, quand même très axé sur les maths ».
Un cadenas, et pas seulement sur le coffre
Les enseignants de maths et d’histoire qui ont assuré cette heure de formation n’ont pas eu de mal à faire passer les messages, « nous avons utilisé l’accroche de leur vie quotidienne, ils ont été immédiatement intéressés, et nous nous sommes aperçus que certains avaient des connaissances pour avoir regardé les comptes de leurs parents. » Des banquiers en herbe qui pallient là une insuffisance de maitrise du français de la famille.
Pas mal d’entre eux ont des compétences intuitives pour gérer un budget, « on sait qu’on ne peut pas dépenser plus que ce qu’on a, et qu’il ne faut pas gaspiller », mais ont appris aussi, « je ne savais pas que la banque ne stockait pas notre argent, qu’elle le faisait circuler, mais ça ne me choque pas. On a aussi appris que la banque peut nous prêter, et qu’il faut rembourser », commente Intichane.
Les sites en ligne ont aussi fait l’objet d’une alerte poussée, « on nous a dit de nous méfier des arnaques, mais je ne me souviens plus comment on reconnaît les sérieux », nous explique une élève, sa voisine se retourne, « il faut qu’il y ait un petit cadenas sur l’identification du site. »
La discussion est interrompue par la sonnerie, ou plutôt des percussions, « ce sont les élèves qui ont créé le son qui nous sert de sonnerie, avec des djembes et d’autres instrument traditionnels », nous rapporte une élève. Nous sommes bien dans le collège qui avait lancé les préfigurations des classes à horaires aménagés musique.
Anne Perzo-Lafond