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Festival de Cannes 2022, l’île aux parfums fait son cinéma muet

Comme tous les ans, « la grande messe » du cinéma mondial s’est déroulée sur la côte d’Azur, dans l’hexagone. Mais cette année encore, Mayotte figure aux abonnés absents du Festival de Cannes. Pourtant l’évènement culturel le plus important au monde, reste le meilleur lieu pour promouvoir la diversité et la capacité créative des cultures d’outre-mer et des territoires isolés, à travers des films.

Cette année, le prestigieux Festival de Cannes, plus grand rendez-vous annuel du cinéma international, fêtait ses 75 ans sous le beau soleil de la côte d’Azur. Un événement si important, que chaque pays, territoire ou département daigne être représenté, pour porter fièrement ses couleurs. À défaut de ne pas avoir chaque pays ou territoire dans les diverses sélections, le village international et le marché du film ouvrent une porte sur les diverses cultures où les créateurs sont au rendez-vous. Pourtant, encore et toujours, Mayotte est tristement inscrit aux abonnés absents.

Les Territoires isolés et la sélection cannoise

L’entrée à Cannes, pour les films venant des outre-mer est peu commune. Le peu de films produits dans nos territoires et département sont rares, mais donnent souvent lieu à de belles surprises à quelques exceptions près. Dans quelques années, ça sera peut-être un évènement d’avoir l’un de ces films figurant dans l’une des compétitions.

Il y a toujours eu des films sur les territoires isolés à Cannes. La plupart sont des films étrangers, sur des histoires du continent africain ou sud-américain.
Le parallèle avec notre île reste universel.

Cette année, figurait dans la compétition de la Quinzaine de Réalisateurs, The Dam (Le Barrage) de Ali Cherri, une coproduction Franco-Libannaise, se déroulant sur une terre aride du Soudan. Une métaphore sur la violence des coups d’états, vu par un fabricant de briques en terre, souhaitant construire un étrange barrage naturel. Le film bien que très beau dans son esthétique, peine à convaincre dans sa narration très lente et le message qu’il souhaite transmettre. L’œuvre laisse en mémoire le projet de l’impossible face à l’environnement qui se déchaîne. Sophie Dulac distribution sortira le film dans le courant de l’année.

L’effet miroir du festival

Toujours à la Quinzaine, dans un registre plus classique, Les Harkis de Philippe Faucon. Nouveau long métrage d’un cinéaste déjà bien installé; le film se centre sur ces algériens ayant combattu pour la France à l’époque de la Guerre d’Algérie. Dans une certaine sobriété Philippe Faucon nous raconte l’époque (récente) de la fin des colonies Française et l’impact qui suivra. Le réalisateur nous rappelle l’injustice causée par les gouvernements français, qui nous poursuivent encore aujourd’hui. Difficile de ne pas penser aux soldats Mahorais qui ont combattu pour la France sans réelles reconnaissances de la patrie qu’ils ont choisi. Parfois un peu trop académique, l’œuvre garde une part cinématographique intéressante dans sa mise en scène aux plans fixes soignés. Pyramide Distribution a daté la sortie du film pour le 12 Octobre 2022.

C’est aussi à la Quinzaine des réalisateurs que l’on pouvait découvrir le premier long métrage de Fabian Hernandez, Un Varon. Une co-production franco-colombienne, ayant bénéficiée de l’aide au cinéma du monde du CNC. Destin d’un jeune colombien en quête « d’identité », dans un quartier difficile de Bogota (Celui de la jeunesse du réalisateur). Dans une efficacité simplifiée, le film suit son héros mystérieux dans les rues d’un quartier compliqué, de jour, comme de nuit. La lumière, les cadres et le décor nous laisse nous embarquer dans cette histoire assez simple, parfois bancale et fragile et au fond difficile. On aime à penser aux premiers films de James Gray, mais aussi aux jeunes de Kaweni, qui pourraient se retrouver dans ce héros, qui souhaite devenir quelqu’un, « Un vrai gars ». La sortie programmée en France par Destiny Films, est prévue pour le printemps 2023.

Du côté de la sélection Un Certain Regard, on a pu découvrir War Pony de Riley Keough et Gina Gammel. Le récit initiatique de deux générations de jeunes amérindiens dans l’une des dernières réserves indiennes, là où la survie financière reste l’unique projet de ces américains oubliés. Tourné dans un contexte quasi documentaire, les acteurs et le cadre correspondent à la réalité. Le film est une des vraies découvertes de cette édition. La mise en scène et la direction artistique est digne d’un grand film en immersion. Sa justesse et sa puissance a d’ailleurs a procuré émotions auprès du jury de la caméra d’or, qui a fait le choix de le récompenser. Encore une fois, le parallèle flagrant avec la jeunesse de Mayotte, ne manque pas à l’appel. Le film n’a malheureusement et pour le moment, pas de distributeur officiel en France.

L’envers du décor, changement de tapis rouge

Enfin, c’est dans la compétition de la sélection officielle qu’a été donné l’unique et vraie place à un film majeur, Pacifiction de Albert Serra. Tourné en Polynésie Française, le nouveau film du cinéaste espagnol se centre sur les derniers agissements coloniaux des commanditaires français de l’état à Tahiti. Les points communs avec Mayotte, à travers la réalité sociale, politique et les paysages, nous rappelle que l’outre-mer est toujours basculée au second plan des priorités nationales. Le film est puissant, nous en reparlerons très prochainement. Il a marqué ces heures cinéphiles cannoises, où le jury a préféré d’autres œuvres tout aussi marginales, comme la Palme d’Or de cette année, le trépidant Triangle of Sadness de Ruben Ösltlund. Satire anti-capitaliste, qui se déroule « en partie » sur… une île.

Il n’y avait donc officiellement parmi toutes les sélections, un seul film pour représenter les outre-mer à Cannes cette année. Sidération, tristesse et incompréhension au rendez-vous des cinéphiles. Mais finalement, le pire n’est pas ici.

Pas de représentants culturels

Caméra d’or entre les main de Gina Gammell co-réalisatrice de War Pony © Getty Image – Pascal Le Segretain

Le rendez-vous annuel que représente Cannes, est un réel tremplin pour appuyer les besoins nécessaires à produire des films dans les territoires quasi vierges, dont Mayotte en est le parfait exemple. Les nombreuses tables rondes et les apéritifs sont quotidiens durant toute la quinzaine.

Cette année, nous étions seul.

Pire encore, Le bureau Outre-Mer du CNC n’était même pas présent pour des rencontres sur la Croisette. Bien que la demande fût faite par le délégué général de SRF (société des réalisateurs), principal actionnaire de La Quinzaine des Réalisateurs.

Le mépris et l’aveuglement porté à l’égard des DOM-TOM est flagrant, parfois même blessant. Pourtant quand on parle directement avec des acteurs de la culture, une grande excitation se fait, au milieu des questions classiques : Où est situé Mayotte exactement ? On peut faire des films à Mayotte ?

Mayotte figure inconnue et fascinante

Notre 101ème département Français, est peut-être le plus isolé, et le plus oublié, mais il souhaite plus que tout, devenir une terre de cinéma. Nous avons déjà évoqué ce sujet dans nos pages. Lorsque l’on parle de notre île avec son histoire et sa culture, revient souvent l’affirmation : Mais il faut faire des films !

C’est ensemble que nous pouvons faire force. Au-delà de l’espoir de voir les prochaines années une équipe de Mayotte fouler le tapis rouge cannois, la plus grande des fiertés serait de ramener une Palme d’or ! On y croit !

Par notre envoyé spécial Germain Le Carpentier

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