Combien coûte un migrant africain aux Comores ? La question, nous l’avons posée à un agent de police en poste à Mohéli, parmi ceux qui assurent la garde des migrants venus de Burundi, RDC, Soudan, entre autres et retenus dans l’île. « Je n’ai pas un chiffre pour un migrant. Mais je sais que cela coûte cher à l’Etat, car nourrir des dizaines de personnes chaque jour, ce n’est pas aussi facile que tu le crois », a-t-il répondu. A ce jour, on ignore le nombre total des migrants et le coût réel de la prise en charge. Mais des sources laissent croire que les autorités déboursent « jusqu’à 50 mille euros par mois pour couvrir les charges obligatoires ».
Des obligations humanitaires
Depuis maintenant des mois, les autorités comoriennes font face à la dure réalité de la prise en charge de ces hommes, femmes et enfants fuyant les conflits, la misère et qui se retrouvent aux Comores. Le phénomène inquiète les pouvoirs publics qui sont soumis à des obligations humanitaires conformément aux traités internationaux signés par les Comores.
« L’Union des Comores est de plus en plus au cœur des problématiques liées au phénomène de la migration internationale. Considéré, jadis, comme pays d’émigration, notre pays est devenu, ces dernières années, un pays de transit et de séjour d’immigrés, en particulier ceux de l’Afrique de l’Est », indique un rapport transmis, il y a deux ans, au bureau de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Celle-ci apporte un appui technique pour permettre au pays de mieux gérer le flux de ces migrants.
« Il convient aussi de noter qu’un besoin élevé d’un renforcement de capacité en matière de gestion et en administration migratoire se fait vraiment sentir dans le pays afin qu’on puisse disposer des ressources humaines qualifiés, capables de proposer des plans de mise en œuvre des cadres et des politiques migratoires en adéquation avec la réalité de notre pays », ajoute encore le rapport.
Des migrants exploités par des réseaux criminels
Les Comores ont en effet mis en place un cadre institutionnel sur la gestion des migrants. Deux textes de loi ont été adoptés en la matière. Une brigade mixte a été instituée en 2022. Des unités de prise en charge ont été mises en place dans les îles. Mais toujours est-il qu’aucun budget propre n’est disponible. Les structures en question fonctionnent au prorata et les migrants ne vivent pas de conditions confortables. « Il peut y avoir des jours sans que l’on nous alimente des fonds, les migrants peuvent ne pas manger comme il faut », nous dit le policier contacté à Mohéli.
À la question de savoir pourquoi les autorités n’engagent pas un plan de rapatriement vers leurs pays d’origine, des techniciens proches du dossier avancent des problèmes d’ordre juridiques. « Certains refusent de dire d’où ils viennent, d’autres n’ont même pas de passeports, on ne peut pas les renvoyer dans n’importe quel pays, c’est très compliqué mais on y travaille toujours avec le bureau de l’OIM pour avoir de solutions », nous dit une source proche du ministère de l’Intérieur.
Les migrants arrivent aux Comores avec la complicité de Comoriens qui opèrent dans la région, en Tanzanie plus particulièrement. Ces migrants qui aspirent rejoindre l’Europe, en passant par Mayotte, sont exploités par des réseaux criminels. La justice comorienne a commencé à sévir et vient de tenir les deux premiers procès contre des Comoriens accusés de jouer les facilitateurs dans l’organisation des voyages clandestins de ces migrants venant d’Afrique centrale. A suivre.
A.S.Kemba, Moroni