C’est la deuxième fois que Christophe Bonnet se rend à Mayotte. « J’essaie de venir au moins une fois par an », indique-t-il. Si le Secrétaire national Éducation Formation Recherche Publiques de la CFDT chargé de l’océan Indien est dans note île c’est d’une part pour assister à l’Assemblée générale qui a lieu aujourd’hui, mais aussi et surtout pour rencontrer les adhérents du syndicat, et entendre ses collègues sur le système éducatif dans l’île et ses difficultés inhérentes. « Je viens à Mayotte pour apporter le soutien de la CFDT aux agents mais aussi et surtout pour constater et évaluer les conditions de travail », explique-t-il. Après avoir été au collège de Dembéni et à la Cité scolaire de Bandrélé, le constat du secrétaire national est sans appel : « les conditions de travail de nos collègues sont difficiles et les études pour les élèves le sont tout autant. Au collège de Dembéni par exemple, près de 2.000 élèves y sont scolarisés alors qu’il a été construit pour en recevoir 800. Idem pour la Cité scolaire de Bandrélé où l’espace est exiguë et les élèves beaucoup trop nombreux pour travailler dans de bonnes conditions ».
Les élèves de Mayotte ont le droit à la même scolarité que ceux dans l’Hexagone
« L’État a l’obligation d’offrir des conditions de scolarité normale pour tous les élèves que ce soit dans l’Hexagone mais aussi pour les Outre-mer », or le compte n’y est pas, estime Christophe Bonnet. Certes la démographie à Mayotte n’est pas la même qu’en métropole…mais l’État doit mettre les moyens tant au niveau du nombre de professeurs que de l’attractivité du territoire. « Il y avait encore 135 postes vacants à la dernière rentrée de septembre, raconte le secrétaire national. Je n’ai pas de solutions miracle mais il faut rendre ce territoire plus attractif pour les enseignants. Cela peut passer par exemple par des aides à la mobilité avec des affectations précises, des aides pour les nouveaux arrivants afin qu’ils puissent se loger, mais aussi en faisant des efforts de formation au niveau local pour les Mahorais notamment ».
L’université de Mayotte doit se développer
Le secrétaire national de la CFDT océan Indien doit rencontrer le président de l’université de Mayotte, Abal-Kassim Cheik Ahamed, prochainement. « Je voulais le voir durant mon séjour dans l’île mais il est en métropole, nous avons prévu de nous rencontrer à mon retour pour discuter du statut de l’université et de son avenir ». En effet, comme nous a confirmé Christophe Bonnet, l’université de Mayotte n’a d’université que le nom. « Le statut de l’université de Mayotte est calqué sur un établissement comme celui de l’institut national universitaire de Champollion à Albi… Les effectifs, à la fois des étudiants (ndlr, environ 2.000) et des d’enseignants sont trop faibles pour que ce soit une université de plein exercice.
A titre de comparaison, la plus petite université de métropole est celle de Nîmes où l’on compte environ 6.000 étudiants. Il faudrait ainsi doubler voire tripler le nombre d’étudiants sur le campus de Dembéni pour qu’elle devienne une université de plein exercice et ne plus dépendre d’autres universités dans l’Hexagone pour les formations… ». En outre, Christophe Bonnet considère qu’il faudrait ouvrir davantage de formations de niveau bac+3 et bac +5 avec en plus une école doctorale. « Il devrait y avoir une offre de formations plus complète et adaptée aux spécificités de ce territoire. C’est un projet qui doit être porté par l’État mais aussi le Département de façon conjointe afin d’avoir un véritable plan stratégique », tout en ayant conscience que « le problème du foncier est un frein au développement de l’université dans la mesure où on ne peut pas éternellement pousser les murs ».
Mettre le paquet sur le 1er degré
Même s’il est difficile d’évaluer le décalage entre le niveau des élèves mahorais et ceux de métropole, le constat est unanime puisque de nombreux élèves de Mayotte sont en difficultés, notamment avec la langue française. « Mayotte est un territoire particulier, le français n’est pas la langue de tous les jours. C’est un vrai sujet concernant le 1er degré. Je ne pense pas qu’il faille interdire la langue locale pour enseigner. Je pense qu’il y a un travail spécifique à faire dans l’apprentissage de la langue, sans pour autant éviter l’obstacle, il y a à mon sens des choses à inventer ». En effet, selon lui pour le 1er degré on est loin du compte de ce qui devrait être fait, notamment en ce qui concerne le nombre d’heures de cours. « Il ne faut pas se voiler la face, les élèves du 1er degré à Mayotte ne reçoivent pas l’équivalent de l’enseignement qui est pratiqué en métropole… Les professeurs des écoles ont besoin d’aide et de conseillers pédagogiques pour mieux être formés aux problèmes et aux besoins de l’île ».
En outre le secrétaire national Éducation de la CFDT est assez dubitatif sur le dédoublement des classes en CP et CE1. « Je ne suis pas convaincu par ce dispositif, il a été facile à vendre…mais on voit ses limites quand il rencontre des difficultés. Je pense qu’il faut reprendre ce sujet en permettant aux équipes enseignantes de faire un travail collectif de fond pour faire face aux élèves en difficultés. Il faut écouter les enseignants et ne pas les infantiliser comme aurait tendance à faire le gouvernement depuis maintenant quelques temps, il faut sortir de ça ». Christophe Bonnet n’oublie pas les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) qui ont un rôle essentiel. « Nous devons garantir leurs droits… l’inclusion des élèves est une chose essentielle, ce doit être un objectif. Il faut faire ça sérieusement, et pour cela il faut qu’on se donne les moyens », insiste-t-il.
Des élèves mahorais fatigués
C’est l’autre constat que fait Christophe Bonnet concernant l’ensemble des élèves à Mayotte : une fatigue généralisée. « Les déplacements sont véritablement un souci à Mayotte. Les élèves se lèvent très tôt, parfois au beau milieu de la nuit, pour être en cours à 7 ou 8 heures, et repartent souvent tard le soir. Ils sont trop fatigués pour suivre une journée de cours complète. Certains sont parfois trop passifs, ils manquent d’énergie et n’osent pas intervenir en classe. Là non plus je n’ai pas de solution miracle, mais il faudrait peut-être créer davantage d’internats mais également des cantines car les carences nutritionnelles sont également un problème quand vous avez des gamins qui arrivent le ventre vide le matin à l’école. Il conviendrait peut-être de mieux répartir les filières et les formations dans l’île afin d’éviter au maximum les longs déplacements pour les élèves mahorais ».
Même s’il n’a pas de solutions aux nombreux problèmes du système éducatif dans le 101e département, Christophe Bonnet se veut être à l’écoute des enseignants afin de faire remonter les informations au niveau national de la confédération de la CFDT.