Intuitivement facile à observer, et interactive, la carte Adonis colore en vert foncé les zones à faible taux de pesticides, et évoluant graduellement vers le rouge pour celles qui en font un usage inconsidéré.
L’indice de fréquence de traitement phytosanitaire (IFT) communal est une estimation du niveau d’utilisation des pesticides pour chaque commune française sur la base de l’assolement de la commune (rotation des cultures), du type de pratique (conventionnelle ou bio) et des IFT régionaux de référence issus de données statistiques ou locales. La carte est issue de plusieurs données croisées en métropole, Solagro précise que pour les DOM, le travail de ses ingénieurs a permis d’intégrer les données des différents territoires.
En métropole, le Nord, le Sud-Ouest et le Sud-Est sont les plus densément exposés au traitement phytosanitaire, contrairement au massif central, à la Bretagne et à l’Est de la France.
En Outre-mer, la culture de la canne à sucre à La Réunion et en Guadeloupe fait l’objet d’un traitement élevé d’herbicide, représentant à elle seule 53% de tous les traitements pesticides : « L’utilisation d’herbicides est particulièrement élevée sur une grande partie des zones littorales de La Réunion. Les molécules utilisées pour désherber et leurs métabolites contaminent l’environnement (eau) et les autorisations d’usage sont progressivement retirées (comme le S-métolachlore dont l’usage est interdit depuis avril 2024) ». La filière canne-à-sucre déjà très subventionnée doit aussi « poursuivre la mise en œuvre de pratiques alternatives au désherbage chimique », pour diminuer la pression globale des pesticides.
A Mayotte, sous le vert, le Diméthoate
Mais on pense bien sûr au chlordécone en vigueur pendant 20 ans pour protéger les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe du charançon du bananier, de 1972 à 1993 aux Antilles. « Pendant ces vingt années d’utilisation, cet insecticide a entrainé une pollution des sols, des eaux douces et du milieu marin ». Les agriculteurs ont été eux-mêmes exposés à ces pratiques, avec des problèmes de santé inhérents. Depuis, le Plan Banane Durable a permis de faire évoluer les traitements. « Ces améliorations sont visibles en Guadeloupe avec une baisse de plus de 50% des IFT depuis 2012 (passant de 6,74 à 3,2), à la différence de la Martinique où l’IFT total de la banane est resté élevé, autour de 7,3 en moyenne depuis 2012 ». Ce qui explique la forte coloration des cartes des deux départements. « Malgré des progrès notables depuis le début des années 2000, la banane reste une des cultures les plus traitées dans les départements et régions d’Outre-mer, avec seulement 4% de bananeraies en bio en France en 2022 ».
Ce qui est peu le cas à Mayotte où il est noté que « les systèmes agricoles dominants agroforestiers et vivriers de Mayotte et de Guyane permettent à ces deux départements d’enregistrer un usage réduit des pesticides. »
Dans notre département, l’usage de pesticides comme le Diméthoate, notamment dans l’agriculture informelle, incite la Direction de l’Alimentation à des contrôles réguliers avec saisies des marchandises notamment des tomates dont les doses dépassaient les taux légaux. Ce fut encore le cas en juin dernier, où le traitement au Diméthoate était relevé, un insecticide prohibé depuis février 2016 par la Commission européenne, à la suite de la décision de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) jugeant cette molécule comme « présentant des risques inacceptables pour les animaux et les hommes », avait relevé la DAAF. Mais les surfaces touchées n’ont aucune comparaison avec les cultures de bananes et de sucre de canne des autres DOM.
Toujours à Mayotte, les agriculteurs ont été accompagnés par le plan Ecophyto, qui a désormais évolué en « Stratégie Écophyto 2030 ». Il se décline en cinq axes : Accélérer la recherche d’alternatives pour se préparer à la réduction du nombre de substances actives autorisées ; accélérer le déploiement dans toutes les exploitations des solutions agroécologiques ; mieux connaître et réduire les risques pour la santé et pour l’environnement de l’usage des produits phytopharmaceutiques ; recherche, innovation et formation ; et Territorialisation, gouvernance et évaluation.
En mesurant l’empreinte des pesticides, ces cartographies et outils permettent la mise en place de politiques de réduction efficaces, pour encourager la transition agricole vers des modes de cultures plus durables.
Anne Perzo-Lafond