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Mamoudzou

Les ressources en eau de Mayotte sont à « un niveau haut, voire très haut »

Les coupures d’eau se multiplient sur le territoire, en dehors du planning des tours d’eau, en place depuis plus d’un an. Dans ce contexte, notre rédaction a fait le point sur l’état des ressources en eau du territoire, superficielles comme souterraines. 

Méfiez-vous, un robinet qui marche est un robinet qui essaie peut-être de fuir. Si les coupures d’eau s’accentuent depuis plusieurs semaines sur l’île, le niveau global des ressources en eau du territoire est à « un niveau haut, voire très haut », d’après les hydrologues de la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte (DEALM).

Moins d’eau au-dessus, plus d’eau en-dessous

Dans le cadre du suivi des eaux de surface et des eaux souterraines, des comités de suivi de la ressource en eau sont régulièrement organisés par les acteurs de l’eau du territoire. Quinze jours plus tôt, lors de la dernière réunion du comité, le niveau d’eau des nappes phréatiques, surveillé par les équipes du Bureau de recherches géologiques et minières de Mayotte (BRGM), a été qualifié de bon, voire de très bon. « On est sur des niveaux globalement haut, voire très haut par rapport aux années antérieures », a rapporté la DEALM. Habituellement, à cette période, sèche, les normales saisonnières tendent vers une baisse des niveaux d’eau. Mais ce mois d’octobre 2024 semble faire exception. Grâce aux pluies accumulées cette année, le niveau des ressources souterraines est meilleur que celui des années antérieures. Dans les cours d’eau, la situation est différente. Les eaux de surface sont en période d’étiage, ce qui correspond en hydrologie, au débit minimal d’un cours d’eau. Néanmoins, la DEALM se veut rassurante : « C’est toujours dans la normale saisonnière, légèrement moins haut que d’habitude mais de ce côté-là (ndlr : à propos des eaux de surface), pas d’inquiétude particulière. » 

Les retenues culinaires sont cinq fois plus remplies qu’en octobre dernier

Retenue collinaire, Mayotte, eau potable, Philippe Vigier
La retenue collinaire de Combani le 7 novembre 2023

D’après nos sources, la retenue collinaire de Dzoumogné aurait atteint un taux de remplissage de 59% mi-octobre. L’an dernier, à la même période, le remplissage de la retenue du Nord était à 10%. Combani est également en meilleure santé hydrique que l’an dernier, où le niveau d’eau contenu dans la retenue est à 49%, contre 13% en octobre 2023. 

Niveau des ressources et moyens de production, une nuance subtile 

Depuis plusieurs semaines, les coupures d’eau, qui n’ont jamais cessé sur le territoire depuis plus d’un an, se multiplient, en raison de « réservoirs insuffisants » par rapport aux besoins de la population. À titre d’exemple, le 16 octobre dernier, la société mahoraise des eaux (SMAE) informait les usagers de Mamoudzou Centre et Tzoundzou 1 que les stocks d’eau dans les réservoirs de l’UP Mamoudzou et Passamainty étaient « insuffisants par rapport aux demandes en eau des secteurs respectifs. »

Sur le banc des mis en causes, plusieurs prévenus baissent les yeux. Si l’état des ressources en eau, superficielles comme souterraines, est jugé bon, par rapport aux autres années, la multiplication des coupures d’eau proviendrait d’une capacité de production d’eau insuffisante issue des dérives du syndicat des Eaux de l’époque Bavi comme nous l’avons constamment dénoncé, et d’une persistance de fuites au sein du réseau d’eau potable, aggravées par la succession des coupures d’eau quotidiennes sur l’île. Actuellement, les moyens de production produisent 40.000 m3 d’eau par jour pour le département, mais cette production est nettement insuffisante par rapport aux besoins de la population, estimés par le comité de suivi de la ressource en eau à près de 45.000 m3. D’ailleurs, cette estimation avait déjà été évaluée à 44.000 m3 voire 46.000 m3 en janvier 2024 par le comité de suivi, pour la consommation d’eau de la population à cette même période. Les besoins n’ayant pas diminué, l’estimation pourrait ainsi être supérieure à ce qui est annoncé. D’après nos sources, la croissance démographique devrait faire augmenter de près de 2.000 m3 par an les besoins en eau de la population du département.

Des estimations peu gourmandes 

Pourtant, ces besoins en eau des habitants de Mayotte ne sont pas si conséquents, si l’on compare le nombre de mètres cubes produits par un territoire, comme la ville de Nantes, dont le nombre d’habitants équivaut pratiquement à celui de la population mahoraise (323.204 habitants* à Nantes, 321.000 habitants* à Mayotte). À elle-seule, la nouvelle Usine de La Roche de Nantes, produit jusqu’à 160.000 m3 d’eau par jour, soit près de 3,5 fois des futurs besoins en eau estimés pour les habitants de Mayotte.

Pour augmenter les capacités de production d’eau sur le 101ème département français, les acteurs de l’eau misent sur le Plan Eau Mayotte 2024-2027 dont l’objectif est de « rattraper le déficit de production d’eau potable », en agissant sur trois volets simultanés : la construction d’une nouvelle usine de dessalement à Ironi-Bé, la poursuite des forages, la réparation et la modernisation du réseau d’eau potable existant.

10.000 m3 d’eau/jour attendus pour l’usine d’Ironi-Bé

Usine de dessalement, SAUR, Mayotte, Vinci, Stereau
L’usine de dessalement de Petite-Terre attend sa grande sœur pour fin 2025

L’usine de dessalement d’Ironi-Bé pourra produire 10.000 m3/j. Suite à l’appel d’offres pour la conception, la réalisation et l’exploitation de la future usine, plusieurs entreprises ont été retenues. D’après la Préfecture, une étude sur les conséquences environnementales de ce projet sera « mise à disposition du public dans quelques semaines permettant à chacun de s’exprimer sur le projet dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale. »

Forages : « On dépassera les 3.500 m3 »

Depuis le mois de janvier 2024, cinq forages ont été réalisés. « La difficulté avec les forages c’est qu’on n’est jamais sûr qu’ils soient productifs avant de creuser », rappelle la DEAL. Mais d’après le BRGM, qui a réalisé des études d’implantation, sur les 10 forages prévus, 70% d’entres-eux pourraient être productifs, soit 7 forages sur 10. L’objectif de chaque forage est de produire 500 m3 d’eau par jour. À ce stade, les cinq forages sont déjà productifs et 3.500 m3 d’eau par jour pourraient être produits avec un sixième forage : « On les dépassera certainement les 3.500 m3 ». Si la 7ème campagne de forages était annoncée pour débuter en mars 2024 jusqu’en juin 2025, les acteurs n’y sont pas encore arrivés. 20 forages supplémentaires sont prévus dans cette 7ème campagne, qui accroisserait également le niveau de production d’eau. « On va démarrer vers le premier trimestre 2025, ce qui est en préparation, c’est la 7ème campagne, avec 20 forages, ce serait encore une augmentation. »

Sauve qui pleut 

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En décembre 2023, les pertes d’eau avaient été estimées à près de 15 000 m³ par jour, soit près de 40 % de la production totale d’eau par jour, par la DEALM

Troisième cible : la recherche et la réparation des fuites du réseau de distribution. En janvier dernier, la chasse aux fuites s’était déjà engagée depuis plusieurs mois. Sur les 800 kilomètres du réseau d’eau existants, la SMAE avait recensé près de 625 fuites. À l’époque, la directrice de la SMAE, Françoise Fournial, avait rappelé que la difficulté de cette identification avait été de déceler des fuites alors qu’il n’y avait pas d’eau dans le réseau. En janvier 2024, si la plupart des fuites avaient été réparées, d’après la SMAE et les entreprises concernées, certaines restaient encore à la charge des propriétaires. Depuis, plusieurs fuites semblent persister.

Le fameux coup de bélier

Dans un communiqué de presse en date du 20 septembre 2024, si la Préfecture de Mayotte déclare que « la réparation des fuites sur le réseau est indispensable pour pourvoir préserver la ressource et poursuivre la modernisation du réseau », force est de constater que les tours d’eau, quotidiens depuis plus d’un an, ont considérablement affaibli le réseau d’eau existant. Avec un phénomène de surpression qui apparaît au moment de la variation brusque de la vitesse de l’eau, en raison d’une fermeture ou d’une ouverture rapide d’une vanne (comme pour les coupures et les réouvertures de l’eau), les fuites se sont multipliées et continuent d’impacter les organes les plus fragiles du réseau à hauteur de 10% des fuites existants, avait indiqué Ibrahim Aboubacar, DGS du Syndicat LEMA. Tant que les coupures perdureront, les fuites se poursuivront.

Mathilde Hangard

Source : Insee

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