Au regard de l’hygiène dans les quartiers d’habitat illégal, on ne pouvait s’attendre à mieux, voire pire étant donné le faible nombre de décès liés à ces maladies. Accès à l’eau potable souvent réduit aux bornes fontaine, rupture d’approvisionnement quotidienne en eau du robinet en raison d’un déficit d’infrastructures, réseaux de collecte des eaux usées encore à réaliser… le contexte sanitaire est très dégradé à Mayotte.
D’autre part, Santé Publique France mentionne dans son étude la vulnérabilité régionale de notre île, puisque « entourée de pays qui peuvent connaître des difficultés similaires, avec des possibilités d’importation de certaines pathologies à Mayotte. »
Au regard de cette situation, un bilan des maladies hydriques que sont la diphtérie, l’hépatite A et la fièvre typhoïde, est établi par l’organisme. Ces pathologies sont à déclaration obligatoire. Ce bilan repose sur les données de déclaration faites par les soignants à l’ARS entre le 1er janvier 2022 et le 31 août 2024 puis transmises à Santé publique France.
Un bébé décédé de la diphtérie cette année
Entre le 1er janvier 2022 et le 31 août 2024, 17 cas de diphtérie ont été déclarés, 9 hommes et 8 femmes, et dans des localisations variées de l’île (12 en 2022, 2 en 2023 et 3 en 2024), c’est 3 cas de plus par rapport au nombre de cas enregistrés entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 (14 cas). Les deux foyers rapportés sur la période concernaient les villages de Handrema et Ongojou. (Cf. figure 1). On ne sait pas s’il s’agit de cas locaux ou importés, ni si les malades avaient été vaccinés.
Sur ces 17 cas, deux étaient sévères, dont un passage en réanimation d’un enfant de 10 ans en 2022 et un décès d’un enfant de moins de 1 an survenu en 2024.
« Les enquêtes mettaient fréquemment en évidence la consommation de poisson ou de légumes achetés au bord de la route, et la consommation d’eau de rivière à des fins d’hygiène ou de préparation des aliments. »
La fièvre typhoïde est présente à Mayotte depuis de nombreuses années. L’incidence de la fièvre typhoïde en France hexagonale est de l’ordre de 0,25 cas pour 100 000 habitants, contre 16 pour 100.000 à Mayotte entre 2016 et 2024, soit « près de 70 fois supérieur à ce taux ». Le nombre de cas est variable d’une année à l’autre sur l’île. En effet, 123 cas ont été recensés sur l’année 2022 tandis que seulement 15 cas ont été recensés en 2023. Entre le 1er janvier et le 31 août 2024, 48 cas ont été déclarés à Mayotte.
L’année 2022 est l’année avec le plus fort taux de déclaration observé sur les huit dernières années, alors qu’en 2023, année caractérisée par une sècheresse exceptionnelle, la crise de l’eau et les restrictions associées, le taux de déclaration était avec celui enregistré dans les années 2020 et 2021 (années de la covid-19) le plus faible depuis 2016. Il est donc difficile d’indexer les coupures d’eau comme facteur aggravant dans ce cas.
Des maladies attrapées sur le sol mahorais
Entre 2022 et aujourd’hui, 80% des cas ont été hospitalisés, et 9 passages en réanimation ont été recensés. Aucun décès n’a été notifié. Des grands regroupements de cas sont tout à fait possible à Mayotte, comme ce fut le cas dans la commune Koungou avec 59 cas enregistrés en 2022. En France hexagonale, près de 80 % des cas de fièvre typhoïde sont des cas importés. La quasi-totalité des cas à Mayotte sont acquis localement. Près de 75% des cas avaient moins de 19 ans.
Mêmes causes et mêmes effets, l’utilisation de l’eau de la rivière à des usages d’hygiène, de préparation des aliments ou même récréatifs sont cités comme des expositions possibles. Également l’achat de poisson ou de légumes au bord de la route. Mais comme pour la diphtérie, les données ne sont pas assez précises pour fournir des statistiques, indique SPF.
Enfin, l’hépatite A, infection virale touchant le foie, connait à Mayotte un taux de déclaration près de 10 fois supérieur à celui de la France hexagonale. Depuis le 1er janvier 2022, le nombre de cas déclarés annuellement sur l’île, 71, est globalement stable, (respectivement 29 en 2022, 22 en 2023 et 20 en 2024).
Dans 41 % des cas, il a fallu hospitaliser le patient. Des hospitalisations en général de courte durée, aucun passage en réanimation n’a été rapporté, ni de décès.
De possibles importations des Comores ou de Madagascar sont rapportées pour certains cas. Concernant les expositions à risques, il est fait mention lors d’enquête d’un recours à des eaux de provenances non sécurisées (rivières, approvisionnement à distance du domicile et stockage, …).
Accès à l’eau et vaccin, un duo gagnant
En conclusion, les spécialistes de la santé pointent la consommation d’eau non potable ou d’aliments contaminés comme facteur d’hépatite A et de fièvre typhoïde. Egalement le faible taux de couverture vaccinale chez les enfants qui permet la multiplication des cas de diphtérie, « une maladie pourtant évitable par la vaccination. L’île de Mayotte reste vulnérable à la menace que représentent ces maladies à déclaration obligatoire ».
SPF critique les conditions sanitaires : « Les difficultés d’accès à l’eau potable grandissantes poussent une partie de la population à recourir à des sources d’eau non sécurisées (rivières, eau récupérée hors du domicile et stockée, etc.). De plus, les enquêtes menées autour des cas révèlent fréquemment la consommation de denrées alimentaires comme le poisson ou divers légumes achetés dans des commerces informels, ainsi que l’utilisation d’eau de rivière à des fins d’hygiène ou de préparation des aliments. »
En conséquence, les deux leviers que sont la garantie de l’accès à l’eau potable pour tous et l’amélioration de la couverture vaccinale sont vues comme des leviers importants dans la réduction des risques sanitaires liés à des maladies comme la diphtérie, l’hépatite A et la fièvre typhoïde. « Ces infections, pourraient être mieux contrôlées grâce à la poursuite des efforts déjà entrepris pour améliorer la qualité de l’eau, en approvisionnement continu ».
A.P-L.