« Cette aide de l’Etat va contribuer à préserver ce site exceptionnel, témoin de l’histoire de notre île ». C’est avec une émotion certaine que le président de la Communauté d’Agglomération Dembéni-Mamoudzou (CADEMA), Rachadi Saindou, s’est exprimé hier au pied de l’une des cheminées de l’usine sucrière d’Hajangoua, vestige imposant visible depuis la route.
Ce site fait partie des dix-huit monuments prioritaires ayant été retenus pour le Loto du Patrimoine 2022. Une opportunité rendue possible grâce au dispositif imaginé par la mission Stéphane Bern et la Française des Jeux récoltant des fonds pour la Fondation du patrimoine. Dans le cadre de la cinquième édition de la mission pour la sauvegarde du patrimoine en péril, la CADEMA s’est ainsi vu remettre un chèque de 460 000 euros afin de réhabiliter les vestiges de l’usine.
Des travaux de sécurisation et de débroussaillages
Certes, si des chaudières sont encore visibles à l’instar des trois cheminées ou encore d’un moteur à vapeur et des hydroextracteurs, les vestiges sont soumis aux aléas climatiques entraînant, entre autres, des chutes de pierre. La végétation luxuriante courant le long des murs fragilise les édifices, témoins d’un pan entier de l’histoire industrielle de Mayotte. L’aide financière permettra dans un premier temps à la CADEMA d’entreprendre des travaux de sécurisation et d’engager des opérations de débroussaillage.
En outre, l’intercommunalité prévoit, dans un second temps d’autres actions de valorisation de l’usine sucrière notamment avec la réhabilitation de la voie d’accès, un cheminement piétonnier en prévoyant une signalétique appropriée ou encore l’organisation de visite guidée. Cette démarche participe incontestablement à « transmettre la mémoire de ce site », selon Dominique Marot, vice-président de la CADEMA, aussi bien envers la population de la commune qu’à celle de l’île toute entière.
Une histoire récente à préserver de l’amnésie
Le domaine sucrier d’Hajangoua, construit en 1870, est l’un des plus anciens de Mayotte. S’étendant alors sur une superficie de 702 hectares dont 95 dédiés à la canne à sucre, il préfigure l’essor de cette industrie sur l’île. Il a notamment contribué à « la transformation du paysage », note le préfet de Mayotte, notamment avec la création de nouveaux villages. Les ruines constituant jadis la maison de maître témoignent de la prospérité d’antan du site. Néanmoins, en 1898, il est laissé à l’abandon suite au passage d’un cyclone. La propriété a été mise en vente en 1902. Au milieu du siècle dernier, une cocoteraie et une bambouseraie, toujours visible aujourd’hui, occupent le site.
Certes, il s’agit d’« une histoire récente » mais qui n’en reste pas moins « menacée par l’oubli ou la confidentialité », souligne le délégué du gouvernement. Grâce à l’aide apportée par la Fondation du patrimoine, l’occasion est donnée de « rendre aux mahorais la lecture de leur passé dans des temps où les repères sont importants », poursuit Thierry Suquet. Pour Rachadi Saindou, il s’agit d’un patrimoine racontant à sa manière « l’évolution industrielle de notre île ».
L’usine sucrière est le quatrième projet mahorais retenu par la Fondation du patrimoine après l’usine sucrière de Soulou en 2018, la mosquée de Tsingoni en 2019 ou encore l’ancien tribunal de Mamoudzou en 2020. A travers ces lieux de mémoire, le passé est peu à peu rendu visible aux contemporains comme autant de repères historiques, indispensables boussoles pour guider les actions d’aujourd’hui.
Pierre Mouysset