« Tout part d’une bonne volonté », soutient l’avocat du prévenu, Me Dedry. Séparé de la mère de l’enfant, le jeune homme de 18 ans accepte de garder son fils de 16 mois le temps d’un après-midi. Alors qu’il boit avec des amis le long d’une route à Ouangani, l’enfant manque de traverser. Rattrapé par son père, l’enfant est battu à coup de fouet. Alertée par les cris de son fils, la mère accourt et demande à son ex-conjoint d’arrêter de frapper leur enfant, en vain. Démunie, elle se rend au commissariat.
« C’était pour l’éduquer pour ne pas qu’il aille sur la route »
« Pourquoi avoir frappé votre enfant ? », interroge le président du tribunal, Clément Le Bideau. « C’était pour l’éduquer pour ne pas qu’il aille sur la route », explique le prévenu. Mais alors qu’il ne fait état « que » de quatre coups de fouet, la mère évoque avoir vu son ex-conjoint frapper leur enfant une dizaine de fois à l’aide d’un fouet. À la barre du tribunal, le décalage de ces versions fait éclater de rire le prévenu, qui s’agite nerveusement. Il réitère : « Je l’ai frappé juste quatre fois », comme si le nombre de coups échappait au qualificatif de violence, en ajoutant que son ex-conjointe « prend l’enfant et le donne à ses amis, donc je peux faire pareil (…) on avait déjà fini de boire, la bouteille était vide (…) si vraiment j’étais alcoolisé ou pas capable de le surveiller, je l’aurais laissé à ma mère. »
Une attitude « décousue »
Lorsqu’il évoque sa vie, le mis en cause déclare « je me débrouille. » L’individu de 18 ans vit encore chez sa mère, dans une maison mitoyenne de celle de son ex-conjointe et transmet chaque mois 50 euros à sa mère, chargée de donner une part de cet argent à son ex-femme : « Tous les mois mon père me donne 150 euros, je donne 50 euros à ma mère (…) pour acheter des couches (…) et je prends 100 euros pour mon week-end (…) Le week-end, je fais des voulés et j’élève des chiens. » Face aux magistrats, le jeune homme semble ne pas pouvoir ou vouloir s’occuper de son fils.
« Je m’étais déjà dit que je n’allais plus frapper mon enfant »
Majeur depuis quelques mois, le casier judiciaire de l’individu est déjà étoffé. À plusieurs reprises dans le passé, il a été condamné pour avoir dégradé des biens, menacé de mort des personnes, mais aussi pour avoir exercé des violences sur des personnes dépositaires de l’autorité publique, et sur sa compagne. Grâce aux questions d’un assesseur, on apprend que l’homme a lui-même été victime de violence lorsqu’il était plus jeune : « C’est pour ça que je suis mauvais », admet-il la tête baissée.
« L’éducation passe par des explications mais pas par des actes de violence »
Son passé n’émeut guère le parquet. Heurté par sa « mauvaise foi » et son « agressivité », le Ministère public estime que le prévenu n’arrive pas à « diminuer son agressivité, ni même s’il a envie de la diminuer » et requiert huit mois emprisonnement, une interdiction de porter une arme pendant une durée de cinq ans, mais surtout le retrait de l’exercice de l’autorité parentale du prévenu. Trop c’est trop, conclut le parquet : « L’éducation passe par des explications mais pas par des actes de violence (…) Monsieur est incapable de prendre des bonnes décisions, il n’est pas en capacité de prendre en charge un enfant, encore moins un tout petit. Il est en récidive, il est sorti de prison, il est repassé devant le tribunal pour enfants (…) »
En fin d’audience, interrogé par son avocat, le prévenu avoue aimer « énormément » son enfant. Son regard absent, parfois énervé ou honteux, donne la sensation que le prévenu « n’est pas avec nous » pour reprendre les mots de son conseil. S’il offre un « théâtre d’attitudes détestables », au-delà de ce geste disproportionné à l’égard de son fils, Me Dedry rappelle que le prévenu voulait seulement protéger son enfant : « Monsieur est maladroit dans tout ce qu’il fait (…) mais tout part d’une bonne volonté : celle d’interpeler son enfant pour le protéger. » Pour lui, condamner un jeune homme de 18 ans, à dix-huit mois d’emprisonnement et lui retirer son autorité parentale pour ces faits « n’a pas de sens ». Durant sa plaidoirie Me Dedry interroge le tribunal sur l’intérêt de la justice pour la société de condamner avec fermeté un individu qui a grandi dans la violence : « Quelqu’un qui n’a connu que de la violence, on lui rend uniquement de la sévérité (…) ce Monsieur il a besoin d’aide, notamment des soins (…) une obligation de formation. »
Si pour la défense, emprisonner le prévenu « ne lui servira pas », le tribunal l’a déclaré coupable et l’a condamné à six mois d’emprisonnement. Un retrait de l’exercice de son autorité parentale a également été prononcé à son encontre. Immédiatement incarcéré, le prévenu cogne nerveusement la barre du tribunal, avant d’être emmené par les forces de l’ordre au centre pénitentiaire de Majikavo.
Mathilde Hangard