Deux jours après avoir atterri en urgence à Naples en raison d’un « dysfonctionnement technique », le Boeing 787-8 immatriculé F-ORLB de la compagnie Air Austral a repris les airs. Ce mardi 30 décembre, l’appareil assurait le vol UU976 reliant Paris à Dzaoudzi, après avoir effectué la veille le vol UU979 en direction de la capitale.
Un geste commercial qui ne dissipe pas les doutes
Une reprise d’exploitation qui constitue une bonne nouvelle pour la compagnie réunionnaise, désireuse de stabiliser sa croissance sur le long terme. Malgré un contexte difficile, Air Austral a en effet enregistré une hausse de son chiffre d’affaires d’environ 2 % sur l’exercice 2024-2025, soit près de 42 millions d’euros supplémentaires. Toutefois, cet épisode n’est pas sans conséquence et ravive certaines inquiétudes chez les passagers au moment de réserver leurs billets.
Il faut dire que cet avion n’en est pas à son premier incident. Dans la nuit du 14 septembre 2025, il avait déjà été dérouté vers Djeddah, en Arabie saoudite, à la suite d’une urgence en vol. L’appareil avait également connu une immobilisation de près d’un an à Teruel, en Espagne, dans l’attente du remplacement d’un moteur.
Dimanche 28 décembre, sur le tarmac de l’aéroport de Naples, après de longues heures d’attente, les passagers s’apprêtaient à embarquer avec un sentiment mêlé d’appréhension et d’impatience. Pour beaucoup, la volonté de rentrer à Mayotte l’emportait sur la peur, même si les crispations étaient visibles sur les visages. Certains n’ont d’ailleurs pas hésité à photographier l’appareil, à la fois pour immortaliser ce moment et pour garder en mémoire cet avion à l’aileron décoré du Piton de la Fournaise, souvenir qui pourrait ressurgir au moment de réserver un prochain vol.
À la suite de l’incident, Air Austral a adressé un courriel explicatif aux passagers concernés, afin de détailler les circonstances. « Un dysfonctionnement technique a été détecté par les systèmes de surveillance de l’appareil, sur le moteur de recyclage d’air d’une partie de la cabine qui permet notamment la ventilation de l’air climatisé et le refroidissement de systèmes de navigation », a précisé la compagnie. « C’est un événement sans gravité car ce B787 dispose d’un second moteur pour assurer ces fonctions. Toutefois, conformément aux procédures de sécurité de la compagnie, l’équipage a pris la décision de dérouter l’appareil pour une vérification au sol de la navigabilité de l’avion ».
« Votre sécurité et votre sûreté sont la priorité absolue de notre compagnie. Votre assistance sur place et nos excuses s’inscrivent aussi dans la volonté d’Air Austral de vous témoigner toute notre considération en dépit de ce retard d’exploitation », a conclu la compagnie qui a mis en place une procédure de réclamation pour les passagers concernés.
Si un remboursement partiel ou un avoir pour retard de vol a rapidement été proposé, ces gestes commerciaux ne dissipent pas totalement les interrogations sur la sécurité. Air Austral dispose d’une flotte limitée, composée de huit avions, dont seulement cinq long-courriers — deux Boeing 787-8 et trois Boeing 777-300ER — principalement affectés aux liaisons entre La Réunion, Mayotte et Paris.
Une dépendance à Air Austral toujours importante
Sur la ligne Mayotte-Paris, la compagnie reste largement dominante. Lorsqu’il est pleinement disponible, un appareil comme le F-ORLB peut assurer entre cinq et neuf vols directs par semaine, soit une vingtaine à une trentaine par mois et plusieurs centaines sur l’année. Si la majorité des vols se déroulent sans incident, les déroutements successifs vers Djeddah puis Naples en l’espace de quelques mois ont semé le doute.
Malgré les appels au boycott apparus sur les réseaux sociaux après l’incident, les alternatives restent limitées. Air Austral assure en moyenne cinq vols directs hebdomadaires entre Mayotte et Paris, pouvant monter jusqu’à neuf en haute saison. Corsair propose également des vols directs, mais avec une fréquence plus faible, généralement jusqu’à quatre vols par semaine. Les autres compagnies desservent la métropole avec escale, des trajets plus longs et moins attractifs.
Côté tarifs, les prix pratiqués par Air Austral pour un aller-retour Paris-Mayotte se situent le plus souvent entre 700 et 750 euros, taxes comprises, des montants comparables à ceux de Corsair sur les vols directs. Cette configuration renforce la dépendance des habitants de Mayotte à Air Austral, tant en matière de fréquence que de coût.
Une dépendance qui interroge sur le niveau de transparence exigé de la compagnie, alors même que la confiance de certains passagers s’effrite et que les possibilités d’alternatives restent limitées. Contactée, Air Austral n’a pas, pour l’instant, répondu à nos demandes de précisions.
Victor Diwisch
