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Aide juridictionnelle aux clandestins décidée par le conseil constitutionnel : peu d’impact à Mayotte qui avait anticipé

En octroyant cette aide à tous les justiciables de France quelle que soit leur situation administrative, les Sages ont ravivé le débat sur l’immigration clandestine aux portes des élections européennes. A Mayotte peuplée pour un quart d’étrangers en situation irrégulière, la pratique était quasiment entrée dans les mœurs du barreau.

Le Conseil constitutionnel vient de livrer une décision très commentée sur les chaines nationales en décidant que l’exclusion des étrangers en situation irrégulière de l’aide juridictionnelle de prise en charge de leurs frais d’avocats était contraire à la Constitution. Une décision qui peut jouer les lames de fond dans un contexte où la manière dont la France a géré son immigration irrégulière contribue à propulser le Rassemblement national vers le haut des sondages des élections européennes.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er mars 2024 par la Cour de Cassation des trois questions prioritaires de constitutionnalité concernant 3 salariés de nationalité étrangère en situation irrégulière qui avaient recours à un avocat. Ce dernier arguait d’une différence de traitement injustifiée entre d’un côté les étrangers en situation régulière qui peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle, et ceux qui sont en situation irrégulière sur le territoire qui en sont exclus.

Selon l’article 2 de la loi du 10 juillet 1991, l’aide juridictionnelle permet aux justiciables qui ont de faibles ressources financières de bénéficier d’une prise en charge intégrale des coûts de la procédure par l’État. Étaient concernées globalement les personnes de nationalité française, les ressortissants de l’Union européenne et les étrangers résidant régulièrement en France.

« Inégalité devant la justice »

L’aide juridictionnelle représente plus de la moitié des affaires du barreau de Mayotte

Dans une décision rendue ce 28 mai 2024, le Conseil constitutionnel fait droit aux griefs évoqués par la défense des trois salariés. Il estime que « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées » et que soient respectés « le droit d’agir en justice » et « les droits de la défense. » En clair, que la loi de 1991 créait une inégalité des citoyens devant la justice. Et que par conséquent, « ces dispositions sont contraire à la Constitution ».

Un jugement moins révolutionnaire qu’il n’y parait cependant. En réalité, jusqu’à cette décision, la loi de 1991 prévoyait que les personnes en situation irrégulière étaient exclues de l’aide juridictionnelle mais avec plusieurs dérogations. Parmi les étrangers en situation irrégulière, y avaient droit : les mineurs, ceux qui étaient mis en cause ou parties civiles dans une procédure pénale, ainsi que, ceux « à titre exceptionnel, lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès ».

Or, cette dernière mention était la plus communément admise dans notre département, où les étrangers bénéficiaient alors de l’aide juridictionnelle qu’ils soient en situation régulière ou non, nous explique le bâtonnier du barreau de Mayotte Yanis Souhaili : « De toute façon à Mayotte, la grande majorité des étrangers en situation irrégulière bénéficiaient déjà de cette aide juridictionnelle au motif de l’exception mentionnée par la loi. Le Conseil constitutionnel a considéré qu’il y avait rupture d’égalité devant la loi, on peut rajouter qu’il est compliqué d’en rajouter sur des situations qui sont déjà en détresse. »

Un tremplin pour Bardella

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Jordan Bardella accueilli par les policiers de la PAF au centre de rétention de Pamandzi en décembre 2022

Au barreau de Mayotte, plus de la moitié des affaires relèvent de l’aide juridictionnelle, « environ 50 à 60%. Sur 2023, celle-ci représente 1,2 million d’euros », indique toujours l’avocat. Les barèmes de prise en charge sont établis par l’État, et théoriquement les conditions de ressources du justiciable sont examinées. « Ce n’est pas toujours le cas mais cela pourrait l’être l’année prochaine avec des contrôles menés dans le cadre de la mise en place de ‘l’Aide juridictionnelle garantie’ », une procédure s’adressant aux avocats commis d’office qui n’auraient pas obtenu le règlement de leurs honoraires.

Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, ancien premier ministre de François Mitterrand, a en tout cas réussi le buzz en provoquant des cris d’orfraie dans la classe politique quelques semaines après le débat houleux sur la loi Immigration, et à quelques jours des élections européennes où Jordan Bardella, tête de liste du RN rafle 34% des intentions de vote et doit voir cette décision comme un tremplin supplémentaire.

Ce dernier n’a pas manqué de réagir sur X, voyant une décision qui « va encore aggraver le désordre migratoire en France », quant à François-Xavier Bellamy, tête de liste LR, qui ne pouvait pas être en reste, toujours pour les mêmes raisons de pression politique, il déplore que « les Français vont donc payer l’explosion des procédures pour protéger ceux qui violent nos lois et nos frontières ».

A Mayotte, pas de révolution en vue dans les salles d’audience.

A.P-L.

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