Les saisons se suivent et ne se ressemblent pas, et tant mieux, la précédente nous ayant asséché les gosiers. Cette année, les cirés et parapluies sont de sortie, les rivières sont abondantes, et chacun a les yeux rivés sur les retenues collinaires, nos deux pourvoyeuses de ressource en saison sèche. Celle de Dzoumogné déborde dans les cours d’eau avoisinant depuis quasiment un mois, et si celle de Combani atteint un niveau encourageant, 65% de remplissage mercredi dernier, nous avons contacté Météo France pour savoir ce que l’avenir lui réserve, nous réserve.
A mi-chemin d’une saison des pluies qu’on nous indiquait comme plus dense mais plus concentrée dans le temps, peut-on attendre de nouvelles ondées bienfaitrices pour cette retenue collinaire ? « Nous allons avoir une fin de mois de février plutôt asséchante. C’est-à-dire que nous aurons de belles matinées, avec parfois quelques pluies en après-midi ou en début de soirée, comme ces derniers jours », nous rapporte Floriane Ben Hassen, Directrice territoriale de Météo France.
En janvier, des dépressions sur la région avaient joué leur effet de traine, nous apportant des nuages, mais là, c’est plutôt l’inverse : « Un minimum dépressionnaire traverse actuellement Madagascar et nous apporte des masses d’air sec, nous aurons seulement quelques pluies éparses, jusqu’à environ début mars. »
Un Ramadan sous les parapluies
C’est donc après que ça s’arrange, ou que ça se gâte, tout dépend du point de vue, de celui du consommateur d’eau ou du randonneur ! « A partir des environs du 10 mars, ce sera plus humide, nous devrions avoir un retour des pluies en continue ». Un début de Ramadan sous les parapluies donc.
Nous avons eu une première quinzaine de février prolifique, « à la moitié du mois, nous étions à plus de 70% de ce qu’il pleut sur un mois de février entier, si l’on compare aux normales* ». L’ensemble du territoire n’a pas été logé à la même enseigne, « Mamoudzou et Petite Terre ont été plus secs, contrairement au Centre de l’île. »
On peut parler de records de précipitation sur Mtsamboro sur les mois de novembre à janvier, ce qui explique le bon remplissage de la retenue de Dzoumogne, qui bénéficie d’un bassin versant fécond, depuis le détournement de la rivière Mapouera en 2017. Si celui de Combani est plus réduit, un des participants au Comité de ressource en eau nous avait rapporté des propos la semaine dernière, « elle a une bonne dynamique de remplissage ». Sur la même ligne, Floriane Ben Hassen note que la retenue « se remplit au même rythme que 2022 qui avait été une bonne année, les courbes sont comparables. » Les acteurs se veulent donc rassurants.
On a frôlé les 34°C le 13 novembre… vers des sommets dangereux
Si on y prête moins attention lorsqu’il pleut, les températures jouent aussi des coudes pour atteindre le haut du tableau. « Elles sont plus élevées que la normale* sur l’ensemble de l’année 2023. Les mois d’octobre, novembre et décembre ont tiré la tendance vers le haut, avec +1,52° par rapport à la moyenne. Sur l’année entière, on a pris plus de 1°. » Nous sommes même sur des records de chaleurs pour les 3ème et 4ème trimestres 2023, avec des dépassements respectivement de 1,35°C et 1,52°C, ce qui tire la tendance vers le haut et aboutit à ce degré supplémentaire sur l’année 2023. « Cela correspond à une température moyenne annuelle de 28,07°C. L’année 2023 bat donc l’année 2019, avec 28,05°C, de peu », comme on peut le voir sur le diagramme. Le mois de novembre a été le plus chaud de l’année, « 32,9°C en moyenne, soit 2,1°C de plus que la normale », et le jour non pas le plus long, mais le plus chaud de l’année fut le 13 novembre, avec 33,9°C au thermomètre à la station de référence de Pamandzi.
Ce sont surtout les maximales en journée qui tutoient les sommets, soit +1,26°C par rapport à la normale, « ce qui est véritablement exceptionnel, battant largement 2019. » Les températures minimales, en fin de nuit, étaient également très élevées. La nuit la plus « fraîche » est naturellement enregistrée en hiver austral, 20,1°C le 29 juillet, « cela signifie qu’en 2023 le mercure n’est jamais descendu en dessous de 20°C », et la nuit la plus chaude, 28,5°C, le 11 décembre 2023.
Un impact non négligeable sur les habitants qui ont l’impression que leur seuil de supportabilité est un peu plus atteint chaque fois, surtout pour ceux qui n’ont pas de système de brasseur d’air ou de climatisation qui ont alors du mal à récupérer un peu de fraicheur la nuit.
Une étude de juillet 2022 de l’université de Penn State (Pennsylvanie), portant sur le seuil de supportabilité de la chaleur pour le corps humain, au-delà de laquelle il n’évacue plus la chaleur qu’il produit, le fixe à 31°C à 100% d’humidité, et 45°C lorsque le taux d’humidité est de 60%. Et on sait qu’à Mayotte, on approche plus souvent du premier contexte que du second. Au-delà de plusieurs heures exposées à ces conditions, les mécanismes de régulation de la température ne fonctionnent plus parfaitement. La transpiration doit être compensée par un apport d’eau, et le cœur s’accélère pour permettre une augmentation du débit sanguin nécessaire à l’évacuation de la chaleur. La canicule de l’été 2003 en Europe a causé plus de 70.000 décès supplémentaires, indique une autre étude, de l’université de Montréal, qui mentionne que la génétique semble moduler l’effet des températures chaudes extrêmes associé à une augmentation du risque de décès chez l’humain. Nous ne sommes donc pas tous égaux face aux températures extrêmes.
Des températures élevées qui provoquent également d’avantage d’évaporation des masses d’eau. Elles peuvent aussi avoir un effet sur la formation de système, « les eaux qui nous entourent sont plus chaudes, ce qui est favorable à la cyclogenèse. Mais, l’influence majeure sur l’élévation des températures reste le dipôle positif de l’océan Indien, et le phénomène El Niño. Et également, le réchauffement climatique mondial. »
Regardant son thermomètre en ce début 2024, Floriane Ben Hassen fait le constat d’une « même tendance de températures à la hausse. » On peut en dire autant du climat social sur les deux premiers mois de l’année !
Nous aurons cette semaine les tendances à 3 mois.
Anne Perzo-Lafond
*Moyenne des 30 dernières années