Cette réunion de travail au sujet de la « Task Force sécurité et immigration clandestine » au conseil départemental ne pouvait pas mieux tomber puisque ces deux points sont précisément ce qui a engendré l’actuel mouvement de colère de la population. « Les Forces Vives étaient les bienvenues, mais personne n’a pu se déplacer à cause des actes de délinquance commis ce matin sur les routes mahoraises », explique Ben Issa Ousseni, le président du conseil départemental. D’autres élus ont supposé en coulisse qu’ils ne souhaitaient en réalité pas venir à cause du clash de la réunion de la veille qui s’est terminée en queue de poisson. « Les manifestants ressentent nos limitations en tant qu’élus et cela les exaspèrent. Ils souhaiteraient davantage d’audace de notre part et des actions immédiates fortes. Malheureusement, dans le cadre de nos fonctions, nous ne pouvons que faire des propositions au gouvernement qui est libre de les suivre ou non. Nous ne pouvons pas lui forcer la main », nous explique Munia Dinouraïni, adjointe au maire de Mamoudzou, chargée du développement économique. En tout cas, malgré l’incident d’hier, les élus soutiennent les Forces Vives et ont décidé de retravailler leur « Task Force » en prenant en compte leurs propositions.
Organisation d’un congrès des élus de Mayotte
Les élus de Mayotte souhaitent organiser prochainement un congrès au cours duquel plusieurs doléances et propositions seront faites au gouvernement pour lutter contre l’insécurité et l’immigration clandestine. Pour le moment, 19 points seront jetés sur le papier, mais le document est mouvant car encore tout frais. « Nous constatons la dégradation continue de la situation sécurité et l’intensification des flux migratoires avec l’apparition de nouvelles routes migratoires et nous regrettons l’insuffisance des réponses apportées par l’Etat face à ces phénomènes qui déstabilisent le département de Mayotte », peut-on lire dans la première version de ce futur document. Plusieurs propositions pour remédier à cette situation sont faites et seront présentées au gouvernement. Certaines émanent directement des Forces Vives comme l’abrogation du titre de séjour territorialisé, la fin du régime juridique d’exception, la mise en place de l’état d’urgence sécuritaire et la fin de la délégation de mission régalienne à des associations « dont l’activité engendre un appel d’air et provoque de tensions communautaires croissantes à Mayotte » et l’interdiction d’implantation de nouveaux camps de migrants sur le territoire.
Les élus proposent également que le gouvernement autorise à faire intervenir l’agence Frontex pour sécuriser les frontières et d’accorder un titre de séjour aux bacheliers d’origine étrangère « qui ne peuvent ni rester ni être expulsés, situation qui créé un terreau propice au développement de la délinquance ». Par ailleurs, ils souhaiteraient que le préfet sollicite systématiquement l’avis des maires avant d’accorder un titre de séjour ou de loger des migrants dans leurs communes « afin d’éviter les troubles à l’ordre public ». Ils proposent aussi l’encadrement militaire des jeunes délinquants dans le cadre de travaux d’intérêt éducatif pour les mineurs ou d’intérêt général pour les majeurs. Enfin, ils souhaitent la mise en place d’une dotation exceptionnelle à la police municipale pour augmenter leur capacité de flagrance et leur réaction rapide sur le terrain. D’autres mesures sont peut-être à venir. Hélène Pollozec a notamment émis l’idée de supprimer l’antenne de l’OFPRA à Mayotte (seul l’OFII est présente ici) pour dissuader les demandeurs d’asile de passer par cette voie pour atteindre l’hexagone. Ben issa Ousseni a également tenu à rappeler au cours de cette réunion que le combat des Mahorais devait être contre l’immigration clandestine et non pas contre les étrangers. « Il m’a été rapporté des insultes et agressions d’enseignants d’origine africaine, envoyés par la métropole, depuis le début du mouvement. Je ne cautionne pas ces actes et je tiens à rappeler à tous que notre combat est contre l’immigration clandestine et non contre les étrangers venus d’une manière légale sur le territoire. De même, le futur directeur de cabinet du préfet a été la cible d’attaques sur ses origines sur les réseaux sociaux. C’est avant tout un Français et toute personne prête à collaborer avec Mayotte est la bienvenue sur notre territoire ! », a-t-il martelé.
Une aide exceptionnelle au secteur économique
Mohamed Fahardine, le vice-président du Medef était également présent en visio pour évoquer l’impact catastrophique de cette nouvelle crise sur l’économie mahoraise déjà fragilisée par les crises précédentes. « Les entreprises n’en peuvent plus et nous nous dirigeons vers une insécurité alimentaire », a-t-il déclaré. Maymounati Ahamadi a proposé au MEDEF de lister les dommages engendrés par les actes de délinquance et les blocages afin que les élus puissent faire débloquer une enveloppe à destination du monde économique.
Nora Godeau