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Réfugiés de Cavani : portraits démantelés

Jeudi 25 janvier au matin, sur le parking du stade de Cavani, une foule se forme. Parmi eux, des représentants de l’Etat, du collectif des citoyens de Mayotte, des membres associatifs, des forces de l’ordre et des journalistes. Tous attendent le début du démantèlement du camp de réfugiés, annoncé par le Préfet. Notre rédaction s’est immiscée dans le camp pour donner la parole à ceux qui continuent de vivre malgré leurs pertes.

D’abord, il y a Najmera, qui marchait à nos côtés en transportant son linge encore mouillé de la pluie diluvienne qui s’était abattue. Il y a trois mois, Najmera a quitté son village à quelques dizaines de kilomètres de Goma en République démocratique du Congo (RDC) en raison des combats menés par un groupe armé. Certains de ses amis et voisins sont morts, des femmes et des enfants ont été violés. Najmera et son mari ont alors décidé de fuir leur pays avec leurs sept enfants. Mais durant la traversée entre la Tanzanie et les Comores, son mari et quatre de ses enfants ont été « perdus dans l’océan ». Najmera ignore s’ils ont survécu à ce drame.

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Des hommes se lavant dans une eau impropre dans le camp de réfugiés de Cavani, jeudi 25 janvier 2024

Lorsqu’elle en parle, son timbre de voix s’amenuise, Najmera fixe le sol, inerte. Dans le camp de réfugiés de Cavani, ses trois enfants tombent malades un à un : « Nous n’avons pas d’eau potable, tous les enfants du camp sont très fragiles, ils ont faim (…) mes enfants ont de la fièvre et des diarrhées, ils sont déshydratés. » Najmera a fait une demande de carte de séjour et est toujours en attente d’une nouvelle sur le traitement de son dossier : « Je suis dans le processus administratif, je ne peux rien faire d’autre qu’attendre ». Malgré cela, Nadmera ne regrette pas son choix d’être venue à Mayotte, elle ne souhaite pas revenir en RDC. Elle rêve d’ « une vie en sécurité« .

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Toilettes installées pour les réfugiés dans le camp de Cavani, jeudi 25 janvier 2024

En déambulant dans le camp, proche de ce qui s’apparente à une rivière, plusieurs personnes nécessitent de se laver mais craignent de s’y baigner. L’odeur qui s’en dégage est à la limite du supportable. C’est pourtant ici que Halima, Asad, Zeinab, Nur et Saman, boivent, se lavent et font leurs besoins : « Nous n’avons pas d’eau, la seule eau disponible c’est l’eau de la rivière (…) nous avons des toilettes à l’entrée du camp mais il y a des rats et des mouches. » Saad explique qu’un bon alimentaire d’une valeur de trente euros leur est donné par mois, représentant ainsi un euro par jour pour manger et boire. Après avoir fui la Somalie en raison des attaques des milices shebab, ces somaliens ne croyaient pas vivre dans des conditions encore plus difficiles que lorsqu’ils sont partis. Pourtant, leur choix est ferme : aucun de ceux que nous avons rencontré ne souhaitent revenir dans leur pays d’origine. 

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Une femme se bouchant le nez face à l’odeur nauséabonde dégagée par le cours d’eau dans le camp de Cavani, jeudi 25 janvier 2024

C’est le cas également de Amina, qui dit : « I will never come back to Rwanda »*. Un homme d’une trentaine d’années nous confie aussi avoir honte d’être ici et ne comprend pas pourquoi « les gens nous regardent, nous les africains, comme des criminels » alors qu’ils n’ont « que fui la guerre », « on ne veut pas de nous ici mais nous sommes réfugiés, c’est légal en France d’accueillir des réfugiés, pourquoi est-ce qu’on s’en prend à nous? ». Depuis plus de sept mois qu’il est sur le camp, Mahir est toujours dans l’attente de son titre de séjour.

Il y a un an, Gad a fui la guerre au Nord-Kivu*, dans l’espoir d’une vie meilleure. En venant sur le 101ème département français, il ne pensait pas « être reçu comme cela en France », il ne pensait pas que les gens l’insulteraient, lui voleraient son argent, lui cracheraient dessus, que des délinquants s’en prendraient à lui. Mais son premier mot de remerciement va à la police : « J’aimerais remercier la police qui nous protège, grâce à eux, je suis encore en vie ». 

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Le démantèlement du camp de réfugiés de Cavani a commencé ce jeudi 25 janvier 2024 et devrait se terminer d’ici deux mois d’après la Préfecture de Mayotte

En RDC, Gad travaillait dans la culture de pomme de terre et vendait ce qu’il produisait. Sa vie était comme il le décrit « à peu près stable ». Jusqu’au jour où les conflits entre l’armée régulière et des groupes rebelles ont repris et où rester en vie est devenue une bataille permanente. « On me tirait dessus, on me menaçait. ». Gad explique qu’il a fait le choix de vivre et que partir en était la condition : « Je n’avais pas le choix (…) pour vivre il fallait fuir ». A partir de là, a commencé une véritable traversée de lieux en lieux, d’incertitudes en incertitudes : « Nous avons quitté notre village, pour aller dans un autre village, puis un autre village, pendant plusieurs semaines (…) Puis nous avons quitté notre pays pour aller en Tanzanie (…) Mais les réfugiés ne sont plus autant acceptés qu’avant (…) Nous ne pouvions pas rester en Tanzanie (…) On nous a parlé de Mayotte, comme une île française, et pour nous la France, c’est la terre des droits de l’Homme, alors on a cru que l’on pourrait avoir une vie meilleure ici (…) mais nous ne savions pas que nous allions dormir dehors ici à Mayotte. » Depuis plusieurs semaines, Gad ne dort plus dans le camp car la situation est « trop dangereuse » et dort dehors. Jeudi après-midi, il avait rendez-vous avec les services de l’Etat, dans l’espoir d’obtenir une carte de séjour, qui lui permettrait de travailler et ainsi manger à sa faim. 

Lorsque nous lui demandons s’il regrette son choix d’être venu à Mayotte, sa réponse est sans équivoque : il ne regrette pas car « la misère c’est très dur mais toujours plus supportable que la mort. »

*Traduction de l’anglais : je ne reviendrai jamais au Rwanda.

**Province de l’Est de la République Démocratique du Congo.

Mathilde Hangard 

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