Les réactions peu compatissantes sur les réseaux sociaux à la suite de l’agression de deux magistrates en poste à Mayotte, relayées par la députée Estelle Youssouffa devant le ministre de la Justice, incite le Syndicat de la magistrature à prendre la plume dans un communiqué. La députée mahoraise aurait repris des courriers de ses électeurs, « qui se félicitaient de ce que les magistrats puissent être agressés et comprennent ainsi enfin la nécessité de se montrer intraitables dans le traitement de la délinquance, appelant à plus de sévérité et dénonçant un laxisme judiciaire. ».
Le Syndicat de la Magistrature (SM) et l’Union Syndicale des Magistrats (USM), représentés à la Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, expriment leurs regrets que la profession n’ait pas été défendue par le Garde des Sceaux, surtout « les collègues mahorais » face « aux attaques verbales et aux agressions physiques qu’ils subissent » tout en « essayant de garantir à tous un égal traitement par la justice dans un territoire en grande souffrance ».
Faire passer les messages en audience
Le reproche d’une justice trop clémente en réponse aux actes de violence, est régulier. Essentiellement parce que les forces de l’ordre s’escriment à arrêter des auteurs de violence, mineurs, qui sont ensuite relâchés conformément à la loi, c’est donc la justice des mineurs qui est en cause, pas les magistrats. Le ministre est d’ailleurs attendu sur le plan national sur ce point, sa première réforme n’ayant pas convaincu. En revanche, quand le panel des peines peut s’appliquer, il ne manque pas d’engorger presque à 300% la prison de Majikavo, comme l’écrivent les deux syndicats.
Mais comme nous l’avons rapporté après les multiples audiences du tribunal, si la peine est importante, le procès doit faire œuvre de pédagogie. Et là-dessus, les magistrats ne sont pas égaux. On se souvient d’un Laurent Sabatier, ex-président d’un tribunal qui était encore de Grande Instance avant de devenir Judiciaire, et qui prenait le temps de faire vertement la morale à ceux qui se trouvaient à la barre, avec explications sur la portée de leurs gestes à l’appui. C’est toujours plus utile qu’un départ du tribunal sans suites.
La population mahoraise pourra remercier les deux syndicats pour la phrase finale, puisqu’ils demandent également que « la situation d’insécurité régnant à Mayotte, touchant tous les habitants de l’île quelles que soient leurs professions, soit véritablement prise en compte dans sa réalité concrète et quotidienne, difficilement mesurable et imaginable pour ceux qui résident ailleurs ».
Alors que les porte-paroles sont nombreux pour évoquer le camp de migrants, ils manquent pour pointer la délinquance qui tue à petits feux le territoire.
Anne Perzo-Lafond