« Pablo et Pilou ». Si les deux protagonistes aurait pu être les personnages « d’une bande-dessinée », « d’un dessin animé » ou d’une comptine pour enfant, le quatrième et dernier jour de ce procès ne permet pas le doute qu’en au ressenti ayant conduit le dénommé Pablo à poignarder Pilou en mai 2016, alors que le jeune se trouvait dans un bus scolaire.
« Il voulait lui donner la mort »
Pour l’avocate de la partie civile, le jour de l’agression, « c’est un commando » qui a pris le chemin de l’arrêt Croix-Rouge de Passamainty. « Un commando manipulé par Pablo pour faire croire que Pilou est un caïd renommé », affirme-t-elle dans sa plaidoirie, avant de mettre en garde l’auditoire, « si aujourd’hui vous avez des agneaux, ce n’était pas le cas le jour des faits ».
« Une dizaine de coups de couteau et on me dit qu’il n’y a pas de volonté de tuer ?! », pour l’avocate, cet acharnement laisse peu de place à l’incertitude quant à la volonté de Pablo de supprimer Pilou : « il voulait lui donner la mort ». Si ce dernier est encore en vie, c’est avant tout « grâce à son sternum » ainsi qu’à la réactivité de la chauffeuse du bus qui parviendra à le conduire à l’hôpital. Vivant, certes, mais comme le rappelle l’avocate de la partie civile, pour celui qui voulait marcher dans les pas de son père plaquiste, les sévères séquelles à ses mains ne lui permettront pas d’exercer ce métier. « Ils ont bousillé ma vie », rapporte l’avocate en reprenant les mots de Pilou.
« Deux écueils à éviter sur ce type de dossier »
Des séquelles que l’avocat général, au cours de près de deux heures de réquisitoire, aura l’opportunité de détailler. La victime, 6 ans après les faits, revit encore « les sons et les images » du jour de son agression. Atteint d’un syndrome post traumatique, Pilou a également développé une hyper-vigilance dans son quotidien. Autant de souffrances ayant entraîné une « modification de sa personnalité au point où il ne se reconnaît plus lui-même », tempête l’avocat général. Aussi, entend-t-il mettre en garde les jurés contre « deux écueils à éviter sur ce type de dossier ». Le « temps » qui « ne peut être et ne doit pas être un refuge pour les criminels » ainsi que la notion de « tentative », ne minimisant en rien la portée du geste.
Son réquisitoire s’est également minutieusement arrêté sur le rôle de chaque membre de ce « commando » : qui de choisir l’arrêt de bus, qui de confirmer le bus de Pilou, qui de bloquer le bus, qui de désigner la place de Pilou dans le véhicule… En prenant en considération la portée symbolique de la nature de l’arme – un couteau dont « il faut porter le fer dans la chaire de l’autre », le nombre de coups – « une dizaine » dont l’auteur précise que « pour certains » il a « frappé fort » – et la préméditation – pour laquelle les membres du « commando » savait que « Pablo voulait frapper Pilou » et qu’il « voulait se venger », l’avocat général a requis des peines de 3 à 5 ans pour les complices et de 13 ans pour Pablo.
« Il n’y a ni préméditation ni volonté de tuer »
Autant d’éléments avancés par l’avocat général que les 6 avocats de la défense ont tenté de faire vaciller. La vision manichéenne du « gentil Pilou et du méchant Pablo » est remise en question. Pilou n’avait-il pas en 2015 molesté Pablo alors que ce dernier avait volé un téléphone portable ? Ne serait-il pas le chef du gang P113 ? Certes, si depuis lors, Pablo a nourri un profond ressentiment enclenchant une dynamique de vendetta, « la vengeance étant actée dans le dossier », ce n’est pas pour autant qu’elle devait rimer avec « assassinat ». D’ailleurs, au départ, n’était-il pas prévu « de le conduire dans les bois pour lui raser les cheveux afin de l’humilier ? ». Pour eux la chose est claire, « il n’y a ni préméditation ni volonté de tuer »
Concernant la présumée préméditation de l’expédition, les avocats de la défense font remarquer, entre autres, que l’arrêt Croix-Rouge étant un arrêt de bus, il était normal que ce dernier stoppe à cet endroit. En outre, au regard des expertises psychologiques et psychiatriques des prévenus, certains avocats ne manqueront pas de faire valoir leurs médiocrités cognitives comme gage d’incapacité à pouvoir préméditer une telle expédition.
Certes, si pour l’avocat du dénommé Pablo, « il ne s’agit pas de demander l’acquittement », son client reconnaissant la gravité de la portée de son geste, il entend néanmoins une considération de la part des jurés sur le parcours qu’il a entrepris.
Néanmoins, après délibérations le tribunal, à l’encontre de Pablo, a requis une peine supérieure à celle demandée par l’avocat général : quinze années de réclusion criminelle ainsi qu’une interdiction définitive du territoire français. Pour les autres prévenus, un a écopé de huit années de prison, un autre six années, deux ont été condamnés à cinq années, un à quatre années. Pour les quatre derniers, ce sont trois années de prison dont deux années avec sursis qui ont été retenues. Tous ont, par ailleurs, une interdiction de détenir ou de porter une arme pendant une durée de 15 ans. A noter que deux mandats de dépôts ont été décernés.
Pierre Mouysset