C’est une journée comme une autre qui commence mercredi 20 décembre pour les agents de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM). Quand soudain au sein du bâtiment A de l’agence, neuf agents travaillant au sein d’un open-space* ont été pris de malaises et de vomissements. Les collègues se trouvant dans les bureaux à côté de cet espace n’ont rien ressenti. Tous les agents de l’open-space ont été évacués et pris en charge par les services de secours. Le lendemain, la scène se répète, une agent de la CSSM est transportée aux urgences.
Que s’est-il passé exactement ?
Abdoul Hamidi Keldi, Directeur adjoint de la CSSM, présent au moment des faits, nous livre une chronologie précise des événements : « Rapidement, les collègues ont mis en doute la climatisation. Depuis quelques temps, nous avions un gros défaut de climatisation, une pièce était défectueuse et nécessitait d’être changée. La pièce qui était nécessaire n’était pas disponible à Mayotte. »
Faute d’une disponibilité de la pièce sur le territoire, les travaux de réparation de la climatisation ont été retardés jusqu’au week-end du 16 et 17 décembre dernier, où la climatisation a pu être réparée, soit quelques jours avant l’incident survenu mercredi 20 décembre.
« Lundi 18 décembre, la climatisation était à nouveau fonctionnelle. Nous l’avons remise en route progressivement, c’est-à-dire à 50% de ses capacités. La température dans les locaux était idéale. Tous les agents se trouvaient bien. Mais mardi 19 décembre, nous avons activé à 100% les capacités de la climatisation. La température était glaciale. Dans la nuit du mardi 19 au mercredi 20 décembre, des micro-coupures d’électricité ont eu lieu, le système de climatisation s’est coupé automatiquement, permettant d’éviter des avaries électriques. »
« Mercredi 20 décembre, les choses se sont à nouveau dégradées. Le personnel est arrivé dans les locaux de la CSSM, où il faisait très chaud. Manuellement, nous avons remis en route la climatisation et avons constaté que les agents pris de malaises et vomissements étaient assis en face de la sortie d’air. »
Cette situation a suscité d’abord des inquiétudes puis de nombreuses interrogations puisque la climatisation a été activée dans l’ensemble des bâtiments de la CSSM mais seuls quelques endroits des locaux ont été le théâtre de scène « d’étouffement », comme le raconte une agent de la CSSM.
D’après le Directeur adjoint de la CSSM, qui était dans son bureau au moment des faits, mercredi 20 décembre, « les sapeurs-pompiers ont réalisé des passages très minutieux jusqu’au sous-sol et ont affirmé qu’aucun danger n’avait été détecté dans les locaux de la CSSM. »
Le personnel a été invité à regagner les lieux dès le lendemain. Mais alors que les bureaux étaient calmes et que les agents démarraient leur journée de travail, jeudi 21 décembre, un agent de la CSSM fait une grave crise d’asthme et nécessite d’être transportée vers le Centre hospitalier de Mayotte (CHM).
Rendez-vous à la CSSM à distance ou reprogrammés
Suite à des échanges avec les représentants du personnel, la CSSM, la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte, a décidé de suspendre l’accueil du public au centre Kinga à Kawéni jusqu’au mardi 26 décembre. Toutes les demandes pouvant se traiter à distance ont été traitées par téléphone, pour les rendez-vous nécessitant un entretien en présentiel, d’autres rendez-vous ont été reprogrammés, par priorité en fonction de l’urgence de traitement.
Mais quelles seraient les causes possibles ?
Après avoir balayé de nombreuses causes à l’origine de l’incident, la thèse du gaz a été rapidement mise en avant. Pourtant, le Directeur adjoint de la CSSM a évoqué de récentes difficultés liées au système de climatisation dans les locaux de la CSSM.
Dès l’alerte lancée par la Direction de la CSSM, les sapeurs-pompiers sont intervenus pour secourir les agents et déterminer l’origine de cet incident. Les équipes du SDIS ont passé « au peigne fin » les locaux de la CSSM, à trois reprises mercredi 20 décembre, et une quatrième fois, jeudi 21 décembre 2023, durant plusieurs heures. Le capitaine Indaroussi Saïd du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Mayotte a affirmé que « l’ensemble du bâtiment de la CSSM, aussi bien les bureaux, les locaux techniques, les réserves, que toutes les gaines, ont été passés au peigne fin, mais tous les relevés de nos appareils de mesure se sont révélés négatifs« .
La thèse du gaz écartée ?
Le directeur adjoint de la CSSM a affirmé que « les sapeurs-pompiers sont passés partout, à l’aide de capteurs, aucune trace de gaz n’a été détectée. »
Pourtant, 10 personnes ont été prises en charge par les services de secours et transportées au CHM, dont une dans un état grave. Si vendredi 22 décembre, l’ensemble des agents pris en charge, avaient pu regagner leur domicile, le temps est toujours aux investigations.
D’après le Directeur adjoint de la CCSM, « les services du CHM ont immédiatement transmis des échantillons au Centre Anti-Poison et de ToxicoVigilance (CAP-TV) de Marseille, qui a examiné les prélèvements et a conclu qu’aucune intoxication à un gaz n’avait été détectée. »
Un défaut lié à la climatisation ?
Suite à la demande des représentants du personnel, la CSSM a sollicité des expertises sur les causes de l’incident auprès d’un cabinet d’expert.
A l’heure actuelle, pour le Directeur de la CSSM, « aucun élément ne permet d’identifier spécifiquement la cause de cet incident ». Néanmoins, les difficultés liées à la mise en place d’une climatisation fonctionnelle dans les locaux de la CSSM ces derniers jours, pourrait « inviter à réaliser des investigations sur le système de climatisation ».
En effet, un défaut d’entretien pourrait avoir de nombreuses conséquences sur la santé des individus. Dans certains contextes, les climatisations peuvent entraîner des infections au niveau du système ORL (oto-rhino-laryngologie), ces symptômes peuvent être amplifiés chez les personnes allergiques. Les climatisations peuvent ainsi conduire à la prolifération de virus, mais aussi de bactéries, la plus redoutée de toutes est la légionelle, qui peut provoquer des infections très sérieuses, telles que des pneumopathies.
La suite des investigations permettra d’y voir plus clair… ou de mieux respirer !
Mathilde Hangard
*Espace de travail collectif où les bureaux sont installés sur un plateau unique, non séparés par des cloisons