Avec son propre record battu l’année passée, au regard de ses 10 730 naissances, Mayotte demeure donc incontestablement la première maternité de France, voire même d’Europe. Outre cette quantitative et impressionnante singularité numérique, d’autres facteurs principalement sociaux et sanitaires s’invitent à la fête, accentuant ainsi le challenge et la dichotomie entre les besoins réels et les moyens, notamment humains, disponibles sur notre territoire. Cette objective vision totalement conscientisée est justement le fruit d’un travail de réflexion collective, matérialisée par le tout premier Projet régional de Santé 2023-2028 porté par l’ARS Mayotte et son directeur Olivier Brahic. Présent à cette amorce de séminaire — estampillé journée une — ce dernier n’a pas manqué de rappeler que cette feuille de route — basée sur 7 axes majeurs plutôt pragmatiques — comprend des thématiques telles que le développement local de filières d’excellence, l’attractivité et la pérennisation des professionnels de santé sur l’île mais également l’amélioration et la sécurisation, de manière globale, des santés sexuelle, reproductive, natale et familiale locales.
Également dans le viseur de ce PRS étalé sur les 5 prochaines années, la nette amélioration du suivi prénatal qui demeure encore trop insuffisant ( en 2021, 33,6 % des femmes enceintes à Mayotte déclaraient avoir fait 3 échographies voire moins au cours de leur grossesse, contre 0,4 % en Hexagone ) et renforcer fortement le recours à la contraception ( 60,4 % des femmes enceintes à Mayotte avaient déclaré avoir déjà eu recours à une méthode contraceptive contre 88,2 % en Hexagone, toujours pour l’année 2021 ). « Il n’est pas du ressort de l’ARS, ni de choisir ni d’intervenir dans l’intimité des couples faisant le choix de fonder ou non une famille mais en revanche, il est de sa responsabilité de défendre l’effectivité d’un tel choix, de façon éclairée, dans le respect des volontés de chacune et chacun… ».
Diabète et grossesse, parlons-en
Bien qu’elles ne soient pas plus fréquentes qu’en Hexagone, les complications pendant la grossesse sur notre territoire peuvent relever de divers facteurs et notamment ceux ayant une incidence directe sur l’équilibre glycémique. Sans scoop, Mayotte présente un taux de diabétiques deux fois plus élevé qu’au niveau national (1 personne sur 10). Véritable enjeu local de Santé publique, il se présente là aussi des spécificités plutôt surprenantes au regard de certains profils, relativement jeunes, pouvant déjà souffrir de cette maladie métabolique à un stade avancé* aux dires du docteur Breno Speckhann, médecin généraliste à Mamoudzou et intervenant durant ce séminaire.
Même s’il existe à la base de fortes prédispositions et un terrain favorisant les grossesses à risque, notamment sur ce volet diabétique avéré pour diverses raisons — facteurs de l’hérédité inclus — il arrive qu’il se déclenche, durant la grossesse, une sorte de diabète surprise et temporaire, dit gestationnel. En effet, cette magie des fluctuations hormonales, physiques, physiologiques et surtout, dans ce cas précis, glycémiques peut avoir de graves incidences plus ou moins directes sur la santé de la maman mais aussi de son bébé. Malformations notamment cardiaques, manque de maturation physiologique et/ou pulmonaire due à un déclenchement avant terme pour cause de souffrance foetale diagnostiquée ou encore accouchement prématuré pour cause d’une augmentation anormale du liquide amniotique… Concernant les bébés de grande taille et macrosomes, là aussi facteur plus ou moins direct d’un diabète gestationnel, il apparaîtrait que cela ne pose guère de problème majeur sur notre territoire sachant que la majorité des accouchements se passent par césarienne, donc exit les potentielles complications par voie basse !
Quelles qu’en soient les prédispositions avérées ou non, il est impératif qu’un suivi appuyé et régulier durant la grossesse se fasse afin, justement, de contrôler ce taux de glycémie et définir par la suite le protocole/traitement adéquat (naturel diététique ou, si nécessaire, insulinothérapie).
Bien Manger, Bouger et Accoucher ?
Plus que jamais d’actualité, au regard de la campagne nationale souhaitant prévenir les risques de surpoids et toutes les ramifications sanitaires collatérales qui s’y greffent, il est un sujet qui a longtemps été biaisé par des idées reçues injustifiées (pléonasme) : celui de faire du sport durant sa grossesse. Extrêmement bénéfique sur les plans physique et physiologique, afin de prévenir la prise de poids et l’hyperlodose par exemple, il est une autre répercussion directe sur l’approche du bien-être mental. Comme ainsi rappelé par le docteur Alexis Jordan, gynécologue obstétricien au CHM : « Le suicide est la deuxième cause de mortalité au coeur de l’activité périnatale ». En effet, les changements hormonaux durant la grossesse ayant leurs répercussions quasi chimiques sur l’aspect neurologique, il se dessine un terrain naturellement favorable à l’anxiété et/ou la dépression, en plus d’une forme d’isolement social dû à l’arrêt de son activité professionnelle et peut-être même sportive; avec en prime une transformation corporelle pas toujours très bien vécue.
Pour prévenir tout cela : une seule solution non pas miracle mais sainement naturelle : faire de l’exercice ! Et pour celles qui diraient ’’mais moi je fais le ménage au moins 1 heure par jour, donc niveau sport, je gère ! ’’ Et bien les spécialistes s’entendent à dire : NON, carte rouge ! Les recommandations internationales tablent plutôt leurs directives sur 45 minutes d’activité réelles, au minimum 3 fois par semaine; le top étant 30 minutes de marche quotidienne et ce, tous les jours. Privilégiant les disciplines sportives sans à-coup (donc exit la course à pieds et le saut d’obstacles à poney, surtout à partir du 2ème trimestre !), tout est permis et il n’est jamais trop tard pour commencer, bien au contraire. Les règles d’or et conseils étant les suivants : une bonne hydratation avant et après l’effort, avoir toujours une barre aux céréales et/ou un petit encas (de préférence sucre rapide) pour prévenir l’hypoglycémie, ne pas dépasser 1 heure d’effort, être toujours en capacité respiratoire de pouvoir parler, stopper en cas de contractions répétées, bien se reposer et enfin, éviter l’activité en altitude supérieure à 2 000 mètres ( avec notre Mont Choungui qui culmine à 593 m on est sauvé !). Le but n’étant pas de se dépasser, de s’épuiser et de viser un record une seule fois, mais plutôt de garantir la saine pérennisation physique, au moyen d’une activité modérée et quotidiennement régulière.
Et les dangers pour l’enfant et la maman dans tout ça ?
Et bien justement, mis à part un potentiel risque d’entorse en lien avec l’assouplissement des tissus articulaires dû aux modifications hormonales, il n’y en a pas vraiment. Donc on vire les tongues au profit des baskets, on opte pour un terrain stabilisé, genre bord de mer à Bandrélé ou piste autour du stade de Cavani et en avant les bouénis ! Outre une meilleure posture — due à un gainage musculaire plus efficient — il y aura moins de douleurs dorsales (lombalgie), un système cardio-vasculaire bonifié tout comme l’équilibre glycémique, moins de nausées et/ou vomissements, une prévention des risques de constipation et sur le plan psychique, une nette diminution de potentiels ressentiments due à la conjointe production d’endorphine, de dopamine et même d’adrénaline.
Et contrairement aux croyances erronées qui ont encore la dent dure : non, le sport n’accentue pas les risques de fausse couche ou d’accouchement prématuré, bien au contraire ( il les diminuerait de 20 à 25% selon études ); ni la malformation du foetus et encore moins la tachycardie fœtale avérée ( pendant l’effort, le coeur du foetus peut augmenter de 6 à 10 battements par minute mais rien de grave en soi si le rythme de base revient 10 à 20 minutes après la fin de l’effort).
Au programme de ces 2 journées intenses et riches informativement parlant, l’intervention de spécialistes locaux mais également de confrères du CHU de la Réunion abordant de larges thématiques ayant des corrélations plus ou moins directes avec les enjeux globaux en périnatalité sur notre territoire. Et comme n’a pas manqué de le souligner Taslima Soulaïmana, Directrice régionale aux droits des femmes, dans son discours d’ouverture « Merci à Répéma pour sa forte mobilisation tout au long de l’année et ses acteurs de terrain sur ce sujet qui est essentiel (…) Œuvrer pour le droit des femmes c’est aussi évoquer leur santé et leur suivi ».
MLG