À seulement quinze jours du premier tour de l’élection présidentielle à Madagascar, deux candidats sont entrés en campagne. Il s’agit du président sortant Andry Rajoelina et le candidat Siteny Randrianasoloniaiko qui a claqué la porte au sein du Collectif des « Onze candidats ». Les deux hommes investissent les régions et les villes pour séduire les électeurs. Le premier tour de l’élection est prévu le 16 novembre prochain. Le second tour est fixé au 20 décembre. Les autres candidats de l’opposition continuent, eux, à réclamer des garanties de transparence, sans parvenir à rallier vraiment les Malgaches à leur cause.
La campagne électorale se poursuit encore à Madagascar
La presse malgache semble dubitative quant à la victoire du combat mené jusqu’ici par l’opposition qui exige le respect des règles démocratiques et électorales avant de battre campagne et participer au vote, le 16 novembre. Des observateurs de la vie politique malgache s’interrogent sur l’attitude des candidats qui, pour certains, en restant toujours muets, apporteraient un soutien implicite à Andry Rajoelina. «Aucun des membres du Collectif des candidats n’a déclaré qu’il allait boycotter le vote», écrit L’Express de Madagascar.
L’ancien chef de l’Etat, Marc Ravalomanane, candidat, reste lui aussi muet alors que ses irréductibles pensaient qu’il allait faire pression sur l’actuel président, grâce à son carnet d’adresses, pour contraindre Andry Rajoelina à créer les conditions d’une élection libre et transparente. «Les onze ont annoncé qu’ils ne prendraient pas part à la campagne avant d’obtenir des garanties sur un déroulement transparent du scrutin. La question de l’éligibilité de M. Rajoelina reste aussi sur la table », souligne le journal Le Monde qui, citant la revendication de l’opposition « doit être exclu de l’élection en raison de sa nationalité française, acquise en catimini par naturalisation en 2014, celle-ci ayant entraîné automatiquement, selon elle, la perte de sa citoyenneté malgache ».
Des griefs que l’opposition compte bien exploiter pour évincer le candidat du TIM et l’exclure du vote. Car c’est tout l’enjeu de ce scrutin. L’opposition craint que le président sortant profite des moyens du pouvoir pour se faire réélire. Des suppositions rejetées par l’entourage du président qui affirment dans un meeting à Antsirabe que «seuls les votes des Malgaches comptent», balayant ainsi les accusations de la nationalité acquise, des fraudes organisées et de corruption planifiée.
Une tension toujours palpable
Tout a commencé après que le président du Senat, Herimanana Razafimahefa, sous pression du gouvernement malgache a décidé de renoncer au poste de président par intérim alors que la constitution malgache précise bien qu’en cas de vacance du pouvoir ou de démission du président, les fonctions de ce dernier sont assurées par le président du Senat. Mais le pouvoir malgache craint que l’homme fasse « mauvaise compagnie » et compromettre la réélection d’Andry Rajoelina. Après sa renonciation, la Haute cour constitutionnelle (HCC) a mis en place un gouvernement collégial dirigé par l’actuel premier ministre Christian Ntsay. Une décision qui a suscité la colère de l’opposition. Celle-ci a appelle les Malgaches à descendre « pour défendre le droit et dénoncer les entorses à la loi » par Andry Rajoelina.
La tension reste toujours vive à Madagascar à l’approche de la date du 16 novembre. Des marches pacifiques sont régulièrement organisées, entrainant des altercations avec la force publique. Le Collectif des « Onze » reste déterminé à en découdre avec les forces de l’ordre avant une possible manifestation à la Place du 13 mai. De nombreuses réunions préparatoires ont eu lieu ces derniers jours, d’après Midi Madagasikara. «C’est un début de semaine fébrile que les acteurs de la vie politique vivent. Après le week-end agité que l’on a connu, on est en droit de se demander quels événements vont se succéder », écrit le journal malgache en Une de sa version numérique de ce mardi 31 octobre.
De nombreux analystes restent circonspects quant à l’éventuel scenario de 2004 où la Grande Ile avait été plongée dans une quasi guerre civile ayant fait des dizaines de morts. Il pourrait y avoir des échauffourées de quelques jours mais le niveau de tensions ne pourrait pas être la même que celle de 2004, analyse Garry Fabrice Ranaivoson, journaliste de L’Express de Madagascar, connu pour ses analyses fines sur la vie politique malgache. «Des candidats finiront par se prêter au jeu, se désister ou se rallier à l’un à l’autre candidat», estime-t-il, reconnaissant toutefois « un possible climat d’agitation avant et après le scrutin».
A.S.Kemba