Les plages de Charifou sont tristement réputées pour le braconnage de tortues. Selon le Parc Marin de Mayotte, qui a effectué plusieurs survols en ULM, ces plages représentent 11% des traces de pontes de toute l’île. Aussi, le Remmat organise chaque année un recensement et un ramassage sur un site différent afin de transmettre aux pouvoirs publics, aux associations, aux différents organismes et acteurs du territoires, des données fiables. « Le dernier recensement effectué sur cette plage remonte à 2015, indique Émeline Regnault coordinatrice et membre du Remmat. L’idée est de couvrir un maximum du territoire pour identifier les principaux lieux de braconnage et ainsi mettre en place un plan d’action avec les autorités grâce aux remontées de terrain que nous avons ».
Une formation pour être habilité au recensement et au ramassage
Les tortues vertes sont une espèce protégée. Les membres du Remmat sont les seuls à pouvoir et à avoir l’autorisation de manipuler des tortues ou leur carapace. Pour cela ils ont suivi une formation d’une journée sur la réglementation, les espèces, les différents cas, l’identification des lieux de pontes, … Et ont par ailleurs signé une charte. « Les membres du Remmat figurent sur un arrêté préfectoral les autorisant à manipuler des tortues, raconte Émeline. L’année dernière nous avons été alertés sur environ 150 cas de tortues qui ont été signalés au Remmat. Malheureusement 90% sont mortes dont 80% à cause du braconnage. Le reste était des tortues en détresse qui étaient soient blessées, soient coincées… ».
Ainsi, lorsque les bénévoles découvrent une carapace ou des ossements, ils prennent des photos et des mesures afin d’alimenter les données puis ils marquent et enregistrent les coordonnée GPS afin que des membres du Parc Marin puissent venir les récupérer. « Les carapaces que nous avons marquées aujourd’hui seront récupérées aux alentours du 6 novembre par des agents du Parc Marin selon une procédure particulière », assure Émeline.
L’objectif de cette opération de recensement et de ramassage est donc d’une part de s’assurer d’un suivi sanitaire face aux cadavres en décomposition, d’autre part d’établir des données fiables pour les pouvoirs publics et les organismes afin d’agir pour la protection de ces espèces, mais aussi et surtout de sensibiliser la population aux enjeux de la survie des tortues, car comme le souligne Émeline : « Une tortue vivante vaut plus qu’une tortue morte ! »
Un arrêté de protection pour les tortues
Aussi, depuis l’année dernière, la préfecture a mis en place un arrêté de protection du biotop sur les principales plages de pontes de l’île. « Les plages de Moya et Papani en Petite-Terre, ainsi que Saziley et les 4 de Charifou ont fait l’objet d’une réglementation spécifique car elles représentent à elles seules près de 70% des pontes de tortues dans toute l’île. Aussi il est interdit de s’y trouver de 18h à 6h, de mettre de la musique ou encore de bivouaquer sous peine de sanctions », rappelle Émeline.
Durant cette matinée de samedi ce sont ainsi 835 kg d’ossements et de carapaces qui ont été ramassés. « Nous avons recensé 19 carapaces cette année sur 3 plages de Charifou et plusieurs centaines de kilos d’ossements, dont 415 kg rien que pour Charifou 3. C’est énorme ! L’année dernière, nous étions certes sur un autre site, mais nous n’avions comptabilisé que 9 carapaces, ce qui était déjà trop, déplore Émeline. Cela montre bien que les plages de Charifou sont un site avec beaucoup de braconnage ». Même si les braconniers encourent de la prison ferme et plusieurs dizaines de milliers d’euros d’amende, cela ne les empêche pas de prendre des risques pour notamment revendre la chair de tortues. Mais ce que la plupart des gens ignorent c’est que « Même fraiche, la chair de tortue peut être mortelle à consommer puisqu’elle contient des bactéries avec des toxines dans la viande », explique la coordinatrice du Remmat.
La bonne nouvelle, si l’on peut dire, c’est que concernant les tortues malades ou en détresse le centre de soins dont la première pierre a été posée en juillet en Petite Terre, va voir le jour d’ici l’années prochaine, sous l’impulsion de l’association Oulanga na Nyamba. « Cela permettra de prendre en charge les tortues 24h/24 et 7j/7 », se réjouit Émeline.
Enfin, le festival Laka qui aura lieu le week-end prochain va permettre de sensibiliser et d’impliquer la population mahoraise concernant la fragilité de sa biodiversité.
B.J.
Contact : REMMAT– Numéro d’urgence échouage : 06 39 69 41 41.