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Les taxis-motos à Mayotte : une légalisation de la filière est-elle possible ?

Depuis plusieurs années, la difficulté à se déplacer en taxi à l’intérieur de Mamoudzou a ouvert la porte à un marché parallèle clandestin : celui des taxis-motos. Décriés à juste titre par les taximen officiels, ils sont pourtant très utilisés par les piétons qui n’ont souvent pas d’autre choix que de les emprunter pour contourner les embouteillages ou rentrer chez eux passé 19h. Pourquoi alors ne pas créer une filière légale de taxis-moto comme il en existe plusieurs en métropole ? Eléments de réponse dans cet article.

Ils sont désormais partout : en plein centre de Mamoudzou devant la Copemay, à la sortie de la Somaco de Cavani ou tout simplement sur les routes à la recherche de clients :  les taxis-motos sont désormais un moyen banal de circuler dans le chef-lieu ! Leurs conducteurs sont tous des Africains du continent en situation irrégulière sur le territoire, avec le Congo en tête de lice. C’est donc une véritable économie parallèle qui s’est créée sur l’île pour venir combler le besoin de mobilité rapide des personnes non-véhiculées à l’intérieur de Mamoudzou. Un besoin que ne peuvent satisfaire les taxis officiels, tous en voiture et ne circulant ni dans certains quartiers ni après 19h. « Là où la demande n’est pas satisfaite, il y a évidemment un marché à prendre », admet Mohamed Hamissi, l’ingénieur mobilité à la CCPT à l’origine du projet Caribus.

Malgré le risque sécuritaire, nombreuses sont les personnes non-véhiculées à employer ce mode de transport illégal, faute d'une autre solution.
Malgré le risque sécuritaire, nombreuses sont les personnes non-véhiculées à employer ce mode de transport illégal, faute d’une autre solution (Image d’illustration)

Dans ce cas pourquoi ne pas monter une filière légale de taxis-moto sur le territoire comme il en existe déjà en métropole ? « C’est une question politique. A Mayotte il n’existe aucun texte règlementant le transport en deux roues. Dans la loi d’orientation des mobilités de décembre 2019, le sujet n’apparait pas. Cela relève d’une compétence ministérielle. En local, personne n’a le pouvoir de règlementer cela », nous explique le spécialiste en mobilité. Sollicitée, la préfecture s’est contentée de nous indiquer « qu’aucune demande n’avait pu être étudiée à ce stade car il n’y en a pas eu ». Côté Cadema, la question ne semble pas comprise. Côté taxis, elle provoque la colère : « Pas question de légaliser des véhicules de transport en plus, moto ou pas, alors que nous les artisans-taxis travaillons déjà à perte », a vitupéré Madi Baco, le président de la fédération des taximen de Mayotte. Bref, le sujet est épineux et semble vouloir être mis sous le tapis… il mérite pourtant d’être évoqué !

Une question étroitement liée à celle de l’immigration clandestine à Mayotte

En métropole il existe plusieurs entreprises légales de taxi-motos, situées principalement à Paris. Le site de Motolead précise néanmoins que le terme de « taxi-moto », qu’elle ne s’interdit pourtant pas d’utiliser, est abusif et que « en aucun cas ce type de transport ne pourra être considéré comme un taxi ». Le terme exact est celui de « transport à titre onéreux de personnes par véhicules motorisés à deux ou trois roues ». Une activité privée qui ne relève pas de la même législation que celle des taxis. Il est pourtant tout à fait possible d’en faire une activité légale à condition de remplir les conditions nécessaires et d’en faire la demande auprès de la préfecture. Mais, à Mayotte, la question des taxi-motos est étroitement liée à celle de l’immigration clandestine africaine. A juste titre d’ailleurs puisque ces personnes sont les seules à occuper le marché pour le moment. Mais cet aspect a bien souvent détourné nos interlocuteurs de la possibilité de créer une filière légale.

Mohamed Hamissi, ingénieur mobilité à l’origine du Caribus, a été le seul interlocuteur à accepter d’éclairer un peu notre lanterne sereinement sur le sujet des taxis-motos.

« Cette question soulève trop d’enjeux à la fois économiques et sociaux. Personne ne prendra le risque de vous répondre clairement », s’est esclaffé Mohamed Hamissi qui reconnaît pourtant qu’il y a là « un vrai sujet » puisque « concrètement beaucoup d’habitants recourent à ce mode de transport ». Le manque d’organisation de la filière des taxis à Mayotte et la congestion des routes offrent un contexte favorable au développement d’entreprise légales de transport en deux roues, mais personne ne semble avoir eu l’idée, ou l’audace, de se lancer dans l’aventure, laissant ainsi le champ libre aux personnes en situation irrégulière.

Madi Baco va quant à lui plus loin en affirmant que les scooters utilisés sont en réalité des véhicules de location louées par deux sociétés bien précises dont il n’a pas voulu toutefois révéler le nom. Le tout se ferait avec la permission officieuse de la préfecture afin de « détruire la filière taxis à Mayotte ». Des propos qui n’engagent évidement que lui. Il n’en reste pas moins que les contrôles de police sur ces véhicules sont sporadiques et n’arrivent pas à endiguer le flux du transport illégal en deux roues. Une activité particulièrement fructueuse puisque les tarifs des taxis-motos sont alignés sur ceux des taxis-officiels, les charges et les impôts en moins. « Le droit à la mobilité pour tous et partout n’est pas effectif à Mayotte, il est donc logique qu’un marché parallèle se soit créé. La nature a horreur du vide ! », conclut Mohamed Hamissi.

Nora Godeau

 

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