Le 29 septembre 2025, à la télévision nationale, le président Andry Rajoelina a annoncé la dissolution de son gouvernement, répondant à la pression des manifestations qui secouent Madagascar depuis plusieurs jours maintenant. Ces mobilisations, principalement menées par la jeunesse malgache, dénoncent les coupures récurrentes d’eau et d’électricité, symboles d’un État défaillant et d’une gestion publique contestée. Malgré ce geste, la colère ne retombe pas : les revendications dépassent le simple changement de gouvernement et pointent du doigt la corruption et les inégalités persistantes.
Une jeunesse en colère

Depuis le 25 septembre, des milliers de jeunes manifestent dans les rues d’Antananarivo et d’autres villes du pays. À l’Université d’Ankatso, des étudiants ont investi les lieux pour faire entendre leur mécontentement face aux coupures d’eau et d’électricité, qui paralysent le quotidien. Les forces de l’ordre ont répondu par des tirs de gaz lacrymogènes, des arrestations et, selon le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme, « au moins 22 décès » ont été recensés.
Malgré la violence, la détermination des manifestants reste intacte. Les revendications s’étendent au-delà des services de base : la jeunesse exige la démission de Rajoelina et du président du Sénat, ainsi que la mise en place de réformes profondes et une lutte concrète contre la corruption qui gangrène l’État. Le mouvement, inspiré par la génération Z d’autres pays, utilise les réseaux sociaux pour organiser et amplifier sa mobilisation.
Une dissolution « symbolique » ?

Face à l’intensification des manifestations, le président Andry Rajoelina a annoncé la dissolution de son gouvernement, y compris du Premier ministre Christian Ntsay, en poste depuis 2018. Il a promis de former un nouveau gouvernement dans les trois jours, invitant les citoyens, notamment les jeunes, à soumettre leurs candidatures (RFI).
Si ce geste vise à apaiser la colère, il est largement perçu comme symbolique. La population malgache reproche au président une gestion opaque et clientéliste. Comme l’avaient révélé nos confrères de l’OCCRP, des membres du Gouvernement sont accusés d’avoir perçu des paiements pour favoriser certains amendements constitutionnels, tandis que les richesses minières, dont l’or et les pierres précieuses, sont exportées de manière inégale, laissant une large partie de la population dans la précarité.
Par ailleurs, Rajoelina serait soupçonné de préparer une modification de la Constitution pour briguer un troisième mandat, accentuant la méfiance et la colère populaire.
Un contexte socio-économique difficile

Madagascar reste l’un des pays les plus pauvres du monde. En 2023, le PIB par habitant était de 448 USD, et 75,2 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté, avec des disparités criantes entre zones rurales et urbaines. Les infrastructures sont défaillantes : réseaux routiers, accès à l’eau potable et électricité sont limités, accentuant la fragilité sociale et économique. Les coupures récurrentes d’électricité et d’eau illustrent l’incapacité de l’État à répondre aux besoins élémentaires de sa population.
Pour les jeunes, elles symbolisent un avenir bouché, où le chômage et le manque d’opportunités rendent chaque journée incertaine. Dans ce contexte, l’exemple du père Pedro, qui avait transformé une décharge en villages, dispensaires et écoles, reste un rappel que des alternatives de solidarité et de résilience existent. Il insistait notamment sur le fait que sans lutte effective contre la corruption, le pays ne pourrait jamais sortir durablement de la pauvreté, soulignant l’importance d’une gouvernance transparente et responsable pour l’avenir de Madagascar.
À Mayotte, les habitants font déjà face à des pénuries d’eau quotidiennes : robinets vides, discussions tendues dans les quartiers et inquiétude grandissante face à une absence de communication institutionnelle. Comme à Madagascar, l’accès aux services essentiels y est devenu un enjeu central.
Mathilde Hangard et A.S Kemba