Cacao et café : la jeune filière toujours debout après Chido, grâce aux producteurs

Neuf mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, la jeune filière cacao et café de Mayotte tente de se relever. Plantée depuis à peine cinq ans et encore peu structurée, elle a perdu près de la moitié de ses arbres. Ce 25 septembre, Valérie Ferrier, animatrice de l’association Café Cacao Maoré, s’est rendue sur la parcelle du producteur Nabouhani Ahamada pour faire un état des lieux, et relancer progressivement la fabrication.

Après plusieurs minutes de route, au bout d’une piste sèche et cabossée, la parcelle de Nabouhani Ahamada apparaît au milieu de la forêt, sur les hauteurs de Bouyouni. « Il n’y a plus beaucoup d’arbres, on aperçoit les collines autour, ça fait bizarre », remarque Valérie Ferrier, animatrice de l’association Café Cacao Maoré et gérante de la société de transformation Le Banga au Chocolat. C’est la première fois qu’elle rend visite à l’agriculteur depuis le passage du cyclone Chido, le 14 décembre dernier.

Chido, un énième défi pour la jeune filière

Cacao, café, Banga au chocolat, Café Cacao Maoré, Mayotte
Nabouhani Ahamada sur sa parcelle à Bouyouni. Lui et les 27 autres producteurs de l’association Café Cacao Maoré ont perdu de nombreux arbres.

Autrefois cultures de rente coloniales, au même titre que la canne à sucre ou les bananes, le café et le cacao font partie de l’histoire et du patrimoine de Mayotte. L’association, créée en 2020, vise à relancer cette filière longtemps abandonnée. Au total, 28 agriculteurs, dont Nabouhani Ahamada, se sont engagés dans la production de ces denrées à travers le territoire, pour diversifier leurs cultures et générer un revenu supplémentaire.

Mais après le Covid et les mouvements sociaux, le cyclone Chido a accentué les difficultés et freiné la structuration de la filière. L’association n’est pas rentable et survit grâce aux subventions, notamment celles du Département. « Ce qui est dommage, c’est que le cyclone est arrivé juste au moment où les arbres étaient à maturité. Il faut trois ans pour qu’un cacaotier produise des cabosses. Désormais, il faut tout recommencer », explique Valérie, fatiguée par neuf mois éprouvants, mais toujours déterminée à poursuivre ses efforts.

Nabouhani Ahamada est le plus important producteur de l’association, avec près de 700 kilos de cabosses par an, sur les 2 tonnes que collecte l’association. « Le vent s’est engouffré, tout mon banga a été cassé, je dois tout reconstruire. Je produis 7 variétés différentes et je vends 2 euros le kilo de cabosses, ça commençait à devenir rentable pour moi », indique le producteur, qui vit sur sa parcelle où il pratique aussi l’élevage et le maraîchage.

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Il faut attendre 3 ans pour qu’un jeune cacaotier puisse faire des cabosses.

Sur son terrain, les grands cacaotiers, parfois hauts de plus de huit mètres, sont à terre. Lorsqu’elles ne sont pas dévorées par les rats et les makis, quelques cabosses restent visibles le long des troncs. Ces derniers, de couleur noire, commencent à être parsemés de petits gourmands (ramifications), signe qu’ils ne sont pas totalement morts. « On ne sait pas si ces pousses vont pouvoir produire des cabosses dans le futur, il faut examiner chaque arbre pour établir un état des lieux complet », constate Valérie.

Avant de repartir, l’animatrice récupère deux sacs de cabosses auprès du producteur pour les transformer dans son atelier, signe d’espoir quant à la reprise de la production.

Sauver et replanter : un travail colossal en marge des exploitations principales

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Le cacao représente près de 30% du chiffre d’affaire de l’exploitation de Valérie Ferrier. En 5 ans la filière commence à se structurer petit à petit, malgré les difficultés.

Sur sa parcelle de Combani, nommée Kanga Maoré, qu’elle gère avec Laurent, le constat reste difficile : il n’y aura pas de production de cacao cette année. « J’ai environ 400 arbres, répartis entre un verger avec d’autres fruitiers — citronniers verts, papayers, mangoustaniers, corossoliers — et une parcelle en agroforesterie. Même à terre, ils n’étaient pas tous morts. On ne sait pas encore comment ils vont évoluer, c’est incertain », observe Valérie. Les quelques cabosses restantes serviront à produire de nouveaux plants dans les pépinières. Les caféiers, eux, sont déjà en fleurs et la récolte est prévue pour juin/ juillet prochain.

« Après le cyclone, il a fallu s’occuper du reste de nos exploitations, reconstruire les serres… Il y avait tellement de choses à faire. Ce n’est que depuis quelques semaines que nous avons fait l’état des lieux de nos plantations de cacao et de café, et nous les avons réorganisées. Nous avons constaté que nous avions perdu 40 à 50 % des arbres ».

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Il faut trois cabosses pour faire 100 grammes de chocolat.

L’association a répondu à l’appel à projets de la Fondation de France et obtenu une aide de 17.000 euros. « C’est bien, ça va nous permettre de racheter du matériel, comme des tarières, et de replanter des arbres. Cette année, nous avons pour objectif de mettre en terre 1.000 plants », ajoute Valérie.

Café mais aussi chocolat, de l’arbre à la tablette, elle peut tout faire dans son atelier de transformation. « Nous torréfions les fèves, nous les séchons, les décortiquons, les broyons, les pressons et les conchons. Nous avons tout l’équipement nécessaire », souligne-t-elle fièrement.

« Quand on voit les fruits revenir, ça donne de l’espoir »

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Les machines du laboratoire sont miraculeusement intactes, ce qui laisse présager une reprise rapide de la production.

Véritable miracle, les machines n’ont pas été endommagées malgré les nombreux dégâts et la fabrication peut reprendre. « Sur le moment, j’avais l’impression que tout ce que nous avions construit depuis vingt ans avait disparu. C’est un traumatisme qui revient par vagues : certains jours sont positifs, d’autres non », confie Valérie, émue. « Mais maintenant cela va dans le bon sens et on espère enfin pouvoir passer un cap. Les gens cherchent des produits locaux à offrir ou à rapporter, et la demande est réelle. Nous faisons aussi beaucoup de pédagogie : les écoles visitent notre laboratoire, nous travaillons avec des pâtissiers et le lycée hôtelier de Kawéni, et nous participons aux évènements comme la fête de la vanille. Tout cela montre le véritable potentiel de ces produits ! »

« Certes nous avons été sinistrés, mais 50 % des plants tiennent encore. Quand on voit les arbres repartir, les fruits revenir, et Nabouhani livrer ses cabosses, c’est hyper encourageant, ça donne de l’espoir », relève Valérie, « on redémarre. C’est ça être agriculteur : on a ça dans le sang, on replante, on recommence ! ».

Victor Diwisch

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