Le recensement exhaustif de la population débutera à Mayotte le 27 novembre prochain et se poursuivra jusqu’au 10 janvier 2026. Un chantier de grande ampleur, qui mobilisera près d’un millier de personnes sur le terrain, et dont la préparation se joue déjà depuis plusieurs mois au sein de l’Insee et des 17 communes de Mayotte.
Ce lundi 22 septembre, la Ville de Mamoudzou a accueilli la dernière session de formation destinée aux coordonnateurs communaux, marquant ainsi la fin d’un cycle entamé dans toutes les municipalités. Au total, 70 coordonnateurs ont été formés à travers le territoire, un chiffre beaucoup plus important que les derniers exercices non-exhaustif, signe de l’ampleur de la tâche.
Les coordonnateurs : un maillon central de l’opération

Les coordonnateurs communaux jouent un rôle clé dans le dispositif. « C’est l’interlocuteur direct des agents recenseurs, recrutés par les mairies, mais aussi des superviseurs de l’Insee. Ils ont donc un rôle central dans la déroulement de l’opération de collecte », explique Muriel Granjon, cheffe de la division recensement au service régional à Mayotte.
Chaque commune dispose d’un nombre variable de coordonnateurs, allant de quatre pour les plus petites à une vingtaine pour Mamoudzou. Leur mission est d’autant plus cruciale qu’ils devront veiller au bon déroulement de l’opération sur des territoires très contrastés, entre zones rurales, villages traditionnels, quartiers informels et espaces résidentiels.
Dans les prochaines semaines, ces coordonnateurs accompagneront à leur tour la formation des 800 à 1.000 agents recenseurs qui seront mobilisés sur l’ensemble du département.
La formation des coordonnateurs, organisée sur une journée, abordait à la fois les aspects pratiques et juridiques : formalités, confidentialité des données, rôle de coordination et organisation de la collecte. Elle leur a également appris à repérer les logements de leur secteur avant le lancement officiel. Un module était enfin consacré à l’application numérique « Omer », grâce à laquelle ils pourront suivre en temps réel l’avancée du recensement et contrôler la couverture des enquêtes.
Les inquiétudes du terrain

Ces sessions de formation ont aussi été l’occasion de partager les inquiétudes que les équipes pourraient rencontrer sur le terrain. Parmi les principales : l’insécurité, qui reste une préoccupation majeure ; la saison des pluies, qui pourrait compliquer les déplacements ; et les vacances scolaires, susceptibles de fausser les données si certaines familles sont absentes de leur domicile.
Pour les rassurer, Essabiyou Djafalo, directeur de l’attractivité et des études statistiques de la Ville de Mamoudzou, a tenu à préciser, « si un secteur présente un problème d’insécurité, il pourra être mis de côté puis couvert ultérieurement. Quant aux absences liées aux vacances ou aux contraintes climatiques, des méthodes de calcul spécifiques permettent de corriger ces biais et d’assurer la fiabilité des résultats ».
En parallèle des formations, une vaste enquête cartographique a été menée entre avril et août afin de recenser les logements existants. Cette étape, désormais achevée, est actuellement en cours de validation par les communes, qui ont jusqu’en octobre pour confirmer ou corriger les adresses repérées.

Ce travail préparatoire est indispensable pour garantir l’exhaustivité du recensement. Toute omission ou erreur pourrait fausser les résultats et donc affecter les politiques publiques qui en découlent.
Il est également primordial à la bonne tenue de l’opération, qui se déroule dans un calendrier très précis, sans marge de manœuvre possible, notamment avant les élections municipales. « Le recensement s’inscrit dans un calendrier légal très strict. Nous n’avons pas le droit à un jour de plus que la période fixée, du 27 novembre au 10 janvier 2026″, insiste Muriel Granjon. « Une telle récolte avec un calendrier et une formation expresse on n’a jamais fait ça à l’Insee », souligne Bertrand Kauffmann, chef de projet pour le recensement 2025 de Mayotte.
Des résultats attendus fin 2026
A cela s’ajoutent de nombreux enjeux politiques et sociaux. Le dernier recensement exhaustif de l’Insee avait été réalisé du 5 septembre au 2 octobre 2017, dénombrant 256.518 habitants. Depuis, les estimations annuelles ont progressé : au 1er janvier 2024, la population de Mayotte était estimée à 321.000 personnes, selon l’Insee.
Ce chiffre est jugé sous-évalué par de nombreux habitants, élus et associations, qui estiment que la population réelle se situerait entre 400.000 et 500.000 personnes. Cette divergence s’explique par la présence de personnes en situation irrégulière, l’habitat informel avec une forte mobilité des habitants, ou encore la défiance envers les agents recenseurs, un phénomène accentué après le passage du cyclone Chido.

Au-delà de la statistique, ces écarts ont un impact politique et social : l’État se base sur les chiffres officiels pour dimensionner les services publics, tandis que les élus locaux dénoncent une sous-estimation qui minimise les besoins en éducation, santé et sécurité. À Mayotte, la population n’est donc pas seulement un chiffre, mais un véritable enjeu politique et institutionnel. Les résultats sont donc très attendus.
Une fois la collecte terminée en janvier prochain, les données feront l’objet d’un long travail de traitement et d’analyse par l’Insee. Les résultats définitifs du recensement seront publiés à la fin de l’année 2026.
Victor Diwisch