Neuf mois après le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi, la délégation mahoraise du Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT), en partenariat avec le réseau des Directeurs Généraux des Services des collectivités locales, a organisé un séminaire intitulé « Crise et résilience : retour d’expérience pour mieux se préparer localement ».

La première journée s’est tenue ce jeudi 18 septembre au lycée des Lumières de Kawéni et a réuni les DGS, les agents territoriaux et plusieurs partenaires clés de la gestion de crise, tels que les CCAS, le SIDEVAM, le SDIS ou encore le RSMA.
À travers des présentations, des tables rondes et des témoignages, le séminaire permet de revenir sur la gestion du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi afin d’identifier ce qui a bien fonctionné, ce qui a manqué et les leçons à tirer. « En réunissant les acteurs locaux, l’idée est de se rappeler ce qui s’est passé avant, pendant et après Chido et Dikeledi, pour préparer dès maintenant la prochaine période cyclonique », souligne Asdjathy Saïd Ali, directrice adjointe en charge de la formation au CNFPT.
« Jusqu’ici, nous n’avions pas pleinement conscience des risques qui nous entouraient. Chido a mis à nu à la fois les vulnérabilités du territoire et les limites des capacités d’action des acteurs, c’est important de pouvoir en discuter. Certes les déchets sont toujours présents, les stigmates de Chido aussi, cela peut paraître précoce d’organiser ce temps d’échanges maintenant, mais il est crucial de mieux se préparer à la suite dès maintenant, pour encaisser les futurs chocs, car ils arriveront ».
A Mayotte une gestion de crise qui repose principalement sur les autorités locales

À Mayotte, la gestion de crise est particulièrement complexe. L’île, éloignée de la métropole et de l’Union européenne, repose sur les autorités locales pour apporter une réponse immédiate. « En métropole, la gestion de crise est structurée et fluide, avec un système pyramidal mobilisant rapidement l’État et l’Union européenne, comme lors des feux de forêt dans le sud. À Mayotte, plusieurs éléments de cette pyramide sont absents, et tout repose sur le local », explique Ludovic Blay, expert en gestion de crise auprès du cabinet ATRISC.
En attendant la création de pont aérien, l’arrivée des renforts, il est primordial que les autorités locales puissent apporter des réponses adaptées à la population. Pour se faire, Ludovic Blay a insisté, devant les DGS, sur l’importance d’avoir un plan communal de sauvegarde (PCS) à jour et efficace pour savoir comment réagir en temps de crise. Un tel document a pour but d’organiser la prévention, la protection et la mise en sécurité de la population et des biens d’une commune face aux risques majeurs et aux situations d’urgence. « Ce plan est fondamental, il n’est pas juste là pour répondre à une obligation légale, il doit pouvoir être utilisé, il doit avoir été testé et approuvé dans le cadre d’exercices, de mises en situation réelles », note Ludovic Blay.
Autre volet important selon l’expert, la prise en charge des spécificités de Mayotte et de sa population. « Les crises amplifient les problèmes sous-jacents de Mayotte, comme la précarité ou encore le manque de confiance de la population, la gestion de crise ne peut pas se faire comme en métropole », précise Ludovic Blay. Des spécificités que connaissent bien les élus locaux, qui sont présents à Mayotte généralement depuis plus longtemps que les représentants de l’Etat à la préfecture, et sur lesquels ils doivent s’appuyer pour mieux orienter et protéger les habitants.
Mieux préparer la prochaine saison cyclonique

Pour mieux anticiper la saison cyclonique, Ludovic Blay a proposé plusieurs mesures : assurer une communication claire et rassurante pour faciliter le confinement dans les refuges, constituer des stocks d’eau potable, de vivres et de chlore, organiser le déblaiement post-crise avec agents et citoyens, former élus et agents à la gestion de crise, multiplier les exercices pratiques de plus en plus complexes et inventorier les PCS et les Plans d’Intervention Communaux (PICS).
« Il est aussi important de capitaliser sur la mémoire collective pour que les familles comprennent les risques et se préparent efficacement », ajoute-t-il, citant l’exemple des indicateurs de crues installés sur les murs des communes après de fortes inondations.
Enfin, il rappelle que « la crise est un événement à part, qui nécessite une organisation adaptée. Il faut aider la population, même lorsque les équipes sont elles-mêmes touchées ou non formées. La gestion de crise, c’est avant tout du bon sens ».
La matinée s’est poursuivi avec une table ronde regroupant plusieurs acteurs dont les DGS de Mamoudzou, de M’tsangamouji, l’adjoint au maire de Sada, mais aussi les représentants du SIDEVAM, du SDIS et du RSMA. Leurs témoignages ont permis de se replonger dans les heures qui ont précédé et qui ont suivi le passage du cyclone Chido, le 14 décembre dernier.

« Il aurait fallu beaucoup mieux anticiper le cyclone, vérifier tous les abris d’urgence, multiplier les moyens de communication avec la population, mettre en place des stocks d’eau, de rations, de bâches, et faire de la formation dans les différents quartiers », confie Ismaël Chakrina, adjoint au maire à la mairie de Sada. « Désormais il faut multiplier les exercices pour se préparer aux cyclones et aux tremblements de terre, mieux intégrer les inégalités dans le plan de gestion, prévoir aussi un plan déchets et un plan pour la santé mentale des habitants ».
« Evènement après évènement, la gestion de crise s’apprend », remarque Ludovic Blay, « mais il faut aussi pouvoir mettre les mots sur ce qui se passe et tirer les leçons, afin d’avoir un minimum de réflexes pour apporter des réponses efficaces lorsque la crise survient ».
Victor Diwisch