Le contrôle des comptes et de la gestion de la commune de Koungou a été ouvert en juin 2022, et débouchait sur deux analyses : la première sur la gestion des moyens et de la politique scolaire, qui soulignait un sous-investissements de 26 millions d’euros contre 56 millions prévus sur la période 2018-2021, « moins de la moitié du plan pluriannuel d’investissement(PPI) », avait critiqué la Chambre. Nous avions titré sur une commune riche qui doit investir dans ses infrastructures.
La deuxième vient d’être rendue publique et les magistrats de la Chambre froncent les sourcils : « L’examen d’un échantillon significatif de marchés passés par la commune a révélé des procédures peu respectueuses de la règlementation en matière de commande publique. »
Est dénoncé en premier lieu « une méconnaissance des principes de la commande publique », avec un « défaut de transparence des procédures ». C’est gênant. Plusieurs déficiences sont pointées de passation de marchés, « sans montant minimum et sans montant maximum pour les fournitures de bureau et fournitures scolaires », « avec un déficit de publicité », c’est-à-dire que l’offre a été insuffisamment publiée afin que les différentes sociétés se positionnent. Une non-mise en concurrence qui peut annuler la procédure de passation. Et qui incite donc les entreprises lésées à déposer un recours.
Une formation en management… mal managée
C’est d’ailleurs ce qui a pu se passer pour l’édition 2018 du festival de Koungou. Un marché a été conclu avec une association pour un montant de 84.019 euros. Mais la mise en concurrence est difficile à apprécier, « en l’absence de pièces », et avec des critères de classement des offres nébuleux, « au détriment de la transparence dans l’annonce des modalités de jugement des offres lors de la consultation ».
Autre exemple, en 2018 la commune de Koungou a confié à un cabinet la réalisation d’une « mission d’accompagnement des élus en relations-communication publiques et des cadres en stratégie de management » pour un montant de 24.800 euros. « Il apparaît que le titulaire du marché a été désigné sans publicité́ ni mise en concurrence (…) le contrat de prestation de services n’explicite ni sa méthodologie de réalisation des prestations, ni son planning d’intervention détaillé, ni l’organisation déployée pour exécuter la mission. » Plutôt nébuleux.
D’autre part, la Chambre souligne que l’analyse des offres doit s’effectuer « de manière objective et non-discriminatoire » en appliquant strictement les « règles du jeu » définies dans les documents de consultation. Or, sur plusieurs opérations, ce n’est pas le cas : les travaux de voiries et réseaux dans le cadre de la RHI du Talus de Majikavo, où l’ensemble des candidatures n’a pas été analysée, ou encore sur les études et la maitrise d’œuvre pour les équipements multisports et la voie d’accès à Trévani.
La commune affirme cocher les cases
En conséquence, il est demandé à la commune de respecter « immédiatement » les règles de publicité du code de la commande publique, et d’adopter un règlement de la commande publique dès 2023.
Pour sa défense, le maire de Koungou plaide la difficulté à recruter à Mayotte. En effet, si sur préconisation de la Chambre, la commune a créé en 2020 un service de la commande publique, inexistant auparavant, le directeur à peine nommé n’est resté en poste que quelques mois, et celle qui lui a succédé a été « transférée dans un autre service ». On ne sait si des facteurs endogènes ou exogènes sont à l’origine de ce turnover, mais une nouvelle responsable serait en poste depuis le 4 mai 2022.
La CRC invite la commune à ne pas rester sur une « position attentiste » car la prise en main de la fonction achat ne peut être circonscrite aux trois personnes composant actuellement le service dédié́ et la direction associée.
Empêchant toute projection et gestion efficace des marché, l’absence de recensement des besoins de la commune est soulignée, « elle favorise la pratique illégale du fractionnement des achats ».
Comme pour la première analyse, le maire Assani Saindou Bamcolo s’explique et surtout, assure que quatre des recommandations sur les cinq émises sont en cours de mise en œuvre. Il s’agit comme le souligne la Chambre, de l’adoption d’un règlement de la commande publique, de la conservation des pièces ayant contribué à la passation du marché, mais aussi « du règlement de la commission d’appel d’offre voté ce 25 juin 2023 en conseil municipal, et de la mise en conformité des règles de publicité sur les marchés de la commune. » Il restera à mettre en œuvre le recensement des besoins de la commune.
A.P-L.