Les contrats de convergence dans les territoires ultramarins épinglés par la Cour des comptes

Dans un rapport publié la semaine dernière, la Cour des comptes critique sévèrement les contrats de convergence (CCT) dans les Outre-mer. Selon la Cour, ils ont hérité "des faiblesses des contrats de plan État-régions (CPER)" qu’ils ont remplacés, « sans amélioration significative ». Et Mayotte ne fait pas exception.

Des orientations mal définies et peu claires

La Cour des comptes a constaté que « Les ambitions stratégiques conférées par la loi aux CCT sont restées sans portée concrète. Les plans de convergence, quand ils ont été élaborés, (…) s’apparentent à des catalogues d’orientations et d’objectifs généraux peu contestables, couvrant tous les champs de l’action publique, mais ne comportent ni hiérarchisation, ni chiffrage, ni cibles définies. Si l’engagement financier de l’État a été significativement augmenté, les contours incertains du périmètre contractuel et l’intégration des plans d’urgence consécutifs à des crises ne permettent pas d’apprécier la portée réelle de cette augmentation, au-delà des effets d’annonce ».

Et les magistrats de la rue Cambon ajoutent que les crédits sont « souvent utilisés par l’État ou les collectivités comme moyen d’affichage de dépenses sans rapport avec le contrat (…) et sont très majoritairement concentrés sur des infrastructures de base ».

Pierre Moscovici est le Premier Président de la Cour des comptes (crédit: Cour des comptes)

Pour la Cour, ces infrastructures « relèvent davantage d’un rattrapage ou d’une mise à niveau que d’une véritable politique de convergence et de transformation », regrette-t-elle, tout en poursuivant que « rien n’a de fait été mis en œuvre pour faire des CCT davantage qu’une présentation synthétique de politiques sectorielles juxtaposées sur les territoires ».

Par ailleurs, les magistrats de la Cour des comptes déplorent que « le pilotage effectué par les préfectures se borne le plus souvent au suivi de consommation des crédits, sans réelle coordination entre les autres services de l’État ». Il faudrait pourtant « qu’un minimum d’attention soit apporté au suivi de l’exécution et à l’animation de ces contrats (…) Ni la Direction générale des outre-mer (DGOM) ni les préfectures n’ont mis en place de moyens spécifiquement affectés à cette mission », critiquant ainsi le fait que « chaque préfecture élabore ses propres tableaux, sur un simple tableur, et les alimente selon des méthodes qui lui sont propres ».

La Cour estime donc que les contrats de convergence ont « hérité des faiblesses de suivi et de pilotage des CPER ».

À Mayotte l’éducation est la principale priorité pour le territoire

Les crédits du CCT ont été largement concentrés sur quelques priorités, correspondant à des besoins premiers de l’île, relève la Cour.

rentrée scolaire, Mamoudzou, école primaire
À Mayotte, où la moitié de la population est âgée de moins de 18 ans, l’éducation et l’accompagnement vers l’emploi des jeunes générations constitue un enjeu central pour l’équilibre social et économique du territoire.

Ainsi, l’éducation mobilise à elle seule plus de la moitié des crédits de chaque génération de CCT, pour répondre au grand retard d’équipement en collèges et lycées, aggravé par la très rapide croissance démographique. « L’État a gardé la compétence en matière de construction d’établissement du secondaire, auxquels il a consacré 334 M€ dans le premier CCT (2019-2022), (auxquels se sont ajoutés par avenant 83 M€) et 523 M€ dans le second (2024-2027). De plus, sur les crédits du programme 123, 40 M€ sont consacrés à des subventions aux communes pour la création de classes en école primaire, 5,7 M€ à la création d’un internat et 2,2 M€ à des installations de formation agricole ».

L’eau et l’assainissement constituent la deuxième priorité du CCT. Mayotte cumule en effet les difficultés en approvisionnement, du fait d’une ressource en eau insuffisante, de l’expansion démographique, de la faiblesse du niveau de vie et « d’une gestion désastreuse du service pendant les années 2010… Un premier contrat de progrès entre les institutions de l’État concernées, le département et le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (SMEAM) a été signé en 2018, suivi d’un second en 2022. Le deuxième CCT poursuit l’effort, l’État finançant le contrat de progrès à hauteur de 86 M€, dont 40 M€ du programme 123, auxquels s’ajoutent 6 M€ pour la gestion des eaux pluviales ».

Le troisième domaine recevant d’importants financements est celui des infrastructures routières, auxquelles ont été allouées dans le premier CCT 31,5 M€ du programme 203 et 23,5 M€ du programme 123. « La réalisation des projets ayant pris du retard, une partie importante des crédits a été réaffectée à l’occasion de l’avenant. L’effort a cependant été poursuivi lors du deuxième CCT, qui consacre 102 M€ de crédits d’État aux infrastructures de transport, dont 48 M€ sur les crédits du programme 123. Globalement, la mise en œuvre du CCT atteint un taux de 95 % d’engagements et 61 % des crédits de paiement », constatent les magistrats de la rue Cambon.

Un manque de suivi de la part des services de l’État

Dans le cadre de la préparation du CCT 2024-2027 pour Mayotte, la Cour note que « la préfecture a pris le parti de se concentrer sur un nombre réduit de projets et de priorités. De plus, l’utilisation de ‘fiches mesures’ a été systématisée : les projets ne sont plus individualisés, ce qui doit offrir une souplesse de gestion destinée à contrebalancer les difficultés rencontrées localement dans la définition et la conduite des projets ».

La Cour regrette néanmoins que la dimension stratégique des CCT n’a pas été utilisée à Mayotte : « le plan de convergence n’a pas été élaboré, car il aurait fait doublon avec le plan pour l’avenir de Mayotte, et les indicateurs n’ont pas été mis en place. Le CCT est strictement considéré comme un outil budgétaire, donnant un cadre d’élaboration et de suivi budgétaire des programmes d’investissement public sur l’île ».

Selon la préfecture, la coordination entre services de l’État et avec les collectivités est régulière et fluide, indique la Cour. Mais pour les magistrats, « elle est cependant peu documentée, et ne repose pas sur les instances prévues par le CCT, qui ne sont pas réunies. Le comité de programmation ne traite en fait que des crédits du programme 123 », constatent-ils. Et de poursuivre que « La négociation prévue avec les collectivités s’est révélée comme un exercice largement formel sans réelle concertation ni vision stratégique pour le territoire, partagée par l’ensemble des co-contractants. Les masses budgétaires, en hausse par rapport aux CPER que les CCT remplacent, sont complexes à appréhender tant par les évolutions périmétriques que par le recours excessif aux crédits « valorisés », dont la majorité n’a aucun lien direct avec les montants effectivement contractualisés dans les CCT », conclut ainsi la Cour.

Face à cette critique des CCT par la Cour des comptes, remettant en cause le manque de suivi de la part de la Direction générale des Outre-mer (DGOM) et des préfectures en Outre-mer des CCT, le sénateur de Mayotte, Saïd Omar Oili, a demandé une rencontre avec le Directeur général des Outre-mer, Olivier Jacob, car il s’est dit « très inquiet à la lecture des conclusions de l’analyse très pertinente de la Cour ».

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