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Mamoudzou

Car butiner n’aura jamais été aussi important…

Inauguration ce mardi, au sein du verdoyant parc forestier départemental de Coconi, du tout nouveau rucher pédagogique initié et installé par les équipes de la Fédération mahoraise des associations environnementales (Fmae), dans le cadre du Plan national d’actions 2021-2026, en faveur des insectes pollinisateurs, soutenu par l’antenne mahoraise de la direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer (Dealm).

Lorsque l’on évoque le fait de soutenir un projet, l’approche exclusivement pécuniaire est de prime abord ce qui nous vient à l’esprit. Pourtant, d’autres formes de soutiens notamment facilitateurs et logistiques sont tout aussi indispensables; chose qui est cas dans cette configuration de PNA où 24 000 euros annuels, pour 2023, ont donc été alloués par la Dealm à la Fmae; et du côté du Département, c’est une convention qui met à disposition son foncier forestier afin que puisse pleinement se déployer — dans un premier temps jusqu’en jusqu’en 2026 — ce chantier à la fois test et pilote en matière d’abeilles mais également de la pollinisation dans son grand ensemble.

(de g. à d.) Rachida Omar et Bibi Chanfi découvrant un échantillonnage d’espèces pollinisatrices présentes sur notre territoire

« Mayotte, c’est une île où la richesse de son patrimoine aquatique et de son lagon sont systématiquement mis en avant. Toutefois, Mayotte c’est aussi nos forêts encore préservées qu’il faut protéger et valoriser par une politique environnementale soutenue et d’autant plus, sachant leur indispensable utilité en matière de fil conducteur et de sauvegarde des ressources en eau. Être quelque part pionnier et parti prenant dans ce projet, c’est promouvoir le fait que l’apiculture est une filière noble et viable sur notre territoire » introduit Bibi Chanfi, 2e vice-présidente au Conseil départemental. Une filière bien plus importante que l’unique et simpliste approche d’une production de miel générant de manière plus ou moins directe un fort impact environnemental qui l’est désormais indispensable de sauvegarder.

Un Plan déployé sur plusieurs volets 

Lancé nationalement il y a près de 2 ans maintenant, le PNA en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation a bien entendu été décliné à échelle locale en fonction des configurations et besoins propres à chaque territoire, Mayotte inclus. Pour notre petit caillou encore sauvage et naturel à certains endroits, côtoyant un fort développement économique, ainsi que des urbanisation et explosion démographique, les axes majeurs se sont définis sur 3 volets relatifs à la Recherche et connaissance, aux actions de Sensibilisation et enfin aux mise en place et Structuration d’une Filière apicole.

Dans ce parcours pollinisateur, les invités découvrent la riche diversité de la flore qui compose ce parc. Véritable microcosme concentré de la végétation mahoraise, il est question de près de 150 espèces répertoriées

C’est donc au coeur du service des ressources forestières, propriété du Département, qu’étaient inaugurés ce jour tout un parcours naturel dédié aux insectes pollinisateurs ainsi que l’implantation de ruches test et vertueuses en bien des points : « Il faut savoir que cette parcelle mise à disposition est aussi un lieu stratégique pour notre arborétum départemental, permettant ainsi d’alimenter en graine notre pépinière servant de réserve pour les actions de reboisement », nous explique Rachida Omar, cheffe du Service des ressources forestières. « Les abeilles, dans leur action de pollinisation permettent justement de maximiser cette production de graines; c’est en quelque sorte un échange donnant donnant que nous mettons en place avec la Fmae. C’est de toute façon notre politique départementale que d’aider synergétiquement parlant ces associations environnementales dans leurs actions de sensibilisation et de large reconnexion à la Nature ».

Ici les convives sont invités à participer à la construction des futures ruches qui seront disposées dans le parc

Une reconnexion pédagogico-informative à la Nature par le biais d’ateliers et journées portes ouvertes qui auront vocation à accueillir le tout-venant ainsi que les groupes scolaires afin de ramifier ô possible le positif impact de sensilisation des petites bêtes dans leur habitat naturel ainsi que nos douces amies volantes au pyjama rayé jaune et noir.

Une lune de miel estampillée Fmae

Pour ce tout nouveau parc pédagogique et scientifique dédié notamment à l’étude de ces hyménoptères — famille des apoïdés/apoïda — finalement encore relativement méconnus en notre territoire, le captage de ces super-stars de la pollinisation, dans le cadre de ce projet, se fait principalement par 2 voies que sont la capture directement en des lieux où la présence de nos congénères dérange, et pour laquelle on demande justement une intervention de spécialistes (chez des particuliers, en des lieux publics ou bien écoles…) ou encore le captage par le biais de ruches-pièges, déjà compartimentées, positionnées stratégiquement en hauteur et imbibées de phéromones de synthèse ou encore naturelles telles que la citronnelle, véritable attrape-essaim : « Il faut comprendre que la notion d’abeilles domestiquées à Mayotte est quelque chose de très peu commun sachant que la quasi majorité de ces colonies vivent à l’état sauvage dans des troncs d’arbre, des habitats de fortune comme des débarras ou encore des amas de pneus ou cailloux. Les gens ont pour mauvaise habitude de les chasser par méconnaissance et peur, et les cultures par brûlis amplifient également de déclin » souligne Ali Madi, président de la Fmae.

Protocole de protection oblige, A. Madi nous offre une vue plongeante dans l’antre d’une des ruches composée déjà d’une impressionnante colonie

« Ce projet va nous permettre de véritablement étudier les abeilles. D’amasser des connaissances nécessaires pour se professionnaliser en la matière, partager et restituer ces données mais également les introduire comme outil de médiation auprès des agriculteurs, des politiques en encore des scolaires ». Une approche pluridisciplinaire des plus enrichissantes impulsée et coordonnée par le Fmae auprès de divers acteurs qui permet, de par sa thématique plutôt facile d’accès de souligner nombreux enjeux et interrogations — qui seront aussi répertoriés dans un guide technico-économiques — relatifs à l’Environnement comme le précise Anne Philipczyk, chargée de mission cohérence écologique auprès de la Dealm : « Pour avoir des pollinisateurs, il faut avoir un certain type de milieux. Se préoccuper des menaces qui pèsent justement sur ces milieux permet aussi de faire connaitre des espèces et micro-espèces qu’on ne voit pas forcement du premier coup d’oeil. Ce PNA est très intéressant dans son approche ouverte au grand public finalement ainsi que le développement d’outils, par les acteurs locaux, pour impulser cette dynamique de préservation propre à chaque espèce et, dans ce cas précis, les agents responsables de la pollinisation et les abeilles ».

Pour que la reine se sente bien, il doit régner à l’intérieur de la ruche une température ambiante de 36 à 37°C, un peu comme un corps humain. C’est par un mouvement de rotation que les ouvrières régulent cette atmosphère thermique

Piqûre de rappel et rapide présentation  

Comme dans toute monarchie, celle des abeilles tourne autour de la reine. God save the Queen pour une durée de vie avoisinant les 5 à 6 ans, contre 2 à 3 mois seulement pour les ouvrières lambdas du petit peuple. Plus grande que ses travailleuses et stériles disciples, au meilleur de sa forme, elle peut pondre jusqu’à 2 000 oeufs par jour. Un impressionnant palmarès qui ne peut tout de même faire oublier que l’union fait la force sachant son incapacité à se nourrir seule du fait de l’absence d’organes de succion.

Durant ses 20 premiers jours, l’ouvrière s’attèle graduellement à différentes tâches dans la ruche. Ça n’est qu’après cette période qu’elle deviendra butineuse. À noter que les abeilles en fin de vie vont justement mourir seule, hors de leur ruche

Vous me direz mais alors, comment devient-on reine ? Eh bien justement par la nourriture apportée lors de l’éclosion : « Lorsque les abeilles commencent à être à l’étroit dans leur ruche, car trop nombreuses, il est question d’un essaimage, c’est donc que la reine en place, moins productive ou en fin de vie, prend quelques ouvrières fidèles et part pour créer un autre essaim ailleurs. Les abeilles restantes vont choisir 3 à 5 larves pour justement succéder à cette reine. À la base, tous les oeufs sont identiques mais c’est à peu près 3 jours après l’éclosion, exclusivement nourris à la gelée royale* que la différence se fait » détaille avec passion le jeune agronome Sylvain Mesplou, originaire de l’Ariège, en Service civique au sein de la Fmae depuis près de 6 mois. 

À la fois cruelle et incroyable, cette loi de la Nature et de nos amies les abeilles est donc définie par la qualité de leur primo-nourriture. La première larve à éclore ira tuer ses  potentielles concurrentes congénères, encore dans leur cellule et assurera ainsi sa place de monarque. Après 2 à 3 jours de repos bien mérités des suites de ces épiques et macabres festivités, elle s’envolera très rapidement pour une virée nuptiale de courte durée destination séduction et accouplement avec près d’une dizaine de mâles de la colonie avant, là aussi, de les tuer et retour au royal banga pour une vie d’intense et loyale ponte. Cette même reine sera l’unique à consommer tout au long de sa vie cette gelée royale pendant que les autres travailleuses adopteront, après leurs 3 jours de vie post-éclosion, une alimentation à base de miel et de pollen.

Un miel est défini comme mature lorsqu’il est operculé (c-a-d que l’alvéole est refermée). Le nectar initialement chargé en eau sera ventilé et séché au moyen des battements d’ailes des ouvrières. Le sucre concentré doit atteindre 20° d’humidité pour être operculé et stocké, donc récolté. Ces alvéoles maintenant sèches sont le résultat d’une ruche abandonnée à la hâte par la colonie pour cause d’invasion de fourmis

Après avoir été posées il y a près de 2 semaines, au niveau de nos 3 ruches principales, il semble que ça soit un franc succès. À noter que sur les 3, une colonie s’en est finalement allée pour cause de fourmis venues s’introduire. Les équipes de la Fmae travaillent donc déjà sur une amélioration préventive de leur système pour éviter que ce phénomène ne se reproduise.

Naïlane Attoumani Attibou, secrétaire général de la Fmae montre ici différents types d’organisation interne de ruches

C’est donc un démarrage encourageant et concret qui s’acte en ce lancement enfin officiel de ce rucher tant attendu, offrant plus amples visibilité, vigilance et connaissance de cette micro-créature au final, tant adulée à travers les siècles au regard des vertus ancestralement reconnues quant à son miel, tant dans l’approche civilisationnelle que religieuse. Et nos 71 adhérents sympathisants du réseau des apiculteurs Fmae ne peuvent qu’approuver confiant à notre rédaction que même des foundis se rapprochent de plus en plus d’eux afin d’en connaitre davantage sur la production de cet aliment majeur vanté dans le Coran pour ses multi-bienfaits. Chapeau bas la Fmae ! À n’en pas douter que nos mahoraises stars ailées du Bzzz feront bientôt le Buzz et ça n’en sera qu’amplement mérité.

MLG

 

*Aussi appelé lait d’abeille et exclusive nourriture de la reine, il s’agit d’une substance de couleur blanchâtre et nacre, gélatineuse produite par mélange de pollen et d’une sécrétion issue de glandes contenues dans la tête des abeilles.

Exemple d’une installation de ruche piège
Les futures ruches pièges fin prêtes à être installées dans des arbres

 

 

Les ruches sont compartimentées par cadres
Pour que les ruches artificielles soient le plus attractives possibles, elles sont frottées avec de la citronnelle et pulvérisées de phéromones
Pour ce projet, il est également question d’attraper d’observer voire même, avec extrême parcimonie, de collecter des espèces pour échantillonnage. Ici Sylvain Mesplou montre sa technique statique de tente et son filet mobile
Parmi les espèces pollinisatrices très actives se trouvent les papillons. La Science implique aussi de tuer,  »avec respect », quelques espèces pour être inventoriées
Ruche traditionnelle mahoraise faite de tressage et de bouse de vache
Le fameux or noir mahorais aux reflets caramel. Un concentré explosif en bouche et 100% naturel

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