Ce mardi 6 septembre, à 8.000 km de Mayotte, le quotidien Sud-Ouest titrait « La forêt à nouveau ravagée par le feu dans le Médoc ». C’est un été noir, de la couleur des troncs d’arbre par lesquels les flammes sont passées, qu’a vécu le Sud-Ouest de la France, et on en parle encore au présent. Pas seulement pour l’incendie qui ravage actuellement Vendays-Montalivet (Médoc), mais aussi, parce que ce n’est pas tout à fait fini sur le front d’une des deux zones particulièrement touchées en juillet-août, selon les sapeurs pompiers de Mayotte partis en renforten août dernier.
Ils étaient de retour ce mardi, et un accueil était organisé par le colonel Olivier Neis qui dirige le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) de Mayotte, dans le hall de l’aéroport. A ses côtés, le lieutenant Maoulida Abdou était à la fois ému d’être ainsi entouré, et fier de ce qui a été accompli. Nous les avons interrogés sur cette première pour le département.
Qui a pris l’initiative de cet envoi de renforts mahorais ? Combien d’effectifs sont partis, et sur quel incendie en Gironde ?
Olivier Neis : Lorsque j’ai entendu le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin demander que les entreprises libèrent les pompiers volontaires pour agir sur les deux incendies qui ne parvenaient pas à être maitrisés, je me suis dit, « pourquoi pas les Outre-mer ? » J’en ai fait part à notre direction générale à Paris qui a donné son accord. J’ai indiqué que le SDIS de Mayotte pouvait mettre 10 sapeurs pompiers professionnels à disposition, La Réunion a fait pareil, et une délégation océan Indien a été constituée, envoyée sur l’incendie de Landiras, en Gironde, le plus destructeur*. Nous avons effectué une petite sélection pour être sûrs qu’ils allaient tenir 3 semaines.
L’incendie de Landiras est-il définitivement éteint ?
Maoulida Abdou : Il n’y a plus de flammes, mais par endroit, le feu continue de se consumer sous terre. Tant qu’il n’y a pas de grosses pluies, il faudra rester vigilants. Celles qui sont tombées il y a quelques jours n’ont pas suffi à tout éteindre. Ça a été notre rôle, être engagé jour et nuit pour éviter les reprises dans la tourbe** ici et là. C’est un travail de fourmi, il faut inonder chaque parcelle sur laquelle on a un doute.
Cela a du être formateur ?
Maoulida Abdou : Nous avons appris énormément, et sur plusieurs plans. En matière opérationnel, nous avons découvert des techniques nouvelles pour nous. Et une indispensable vigilance. Un jour, j’ai dit à mon chef de colonne, ‘on a bien travaillé là, c’est bon’, il m’a répondu, ‘attention, avec ce genre de feu, ça n’est jamais gagné’. On y est retourné, et on a constaté que c’était reparti, comme si nous n’avions rien fait !
Sur le plan humain aussi, nous avons beaucoup échangé avec les SDIS des autres départements, mais aussi, avec des pompiers allemands, italiens ou polonais, venus en renfort.
Olivier Neis : En même temps, la méthode de travail mahoraise de lutte contre des feux de brousse a payé, ils ont gratté la tourbe à Landiras comme ils le font pour l’humus ici, jusqu’aux racines, pour éviter que ça reprenne. Et sur le plan humain, oui, j’ai l’impression que ça a fonctionné entre les effectifs mahorais, réunionnais et la vingtaine de polynésiens qui étaient regroupés dans le même secteur.
Qu’est ce qui a été le plus difficile à gérer ?
Maoulida Abdou : Ça n’a pas été le travail, car nous étions bien préparé. Sur 21 jours, nous avons travaillé 17 jours non-stop du matin au soir. Le plus dur, c’était l’éloignement avec la famille. Tous les soirs, je faisais une réunion avec mon équipe, c’était un travail très intéressant, nous sommes fiers de l’avoir fait.
Olivier Neis : J’ai des retours très positifs de leur action depuis la métropole. Ces jeunes du SDIS, c’est le rayonnement de Mayotte là-bas.
Maoulida Abdou : Je retiens la fierté d’avoir représenté mon île dans la lutte contre les incendies en France métropolitaine.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* Le feu a englouti 14.000 hectares de végétation à Landiras, et 7.000 ha à La Teste-de-Buch, également en Gironde
** La tourbe est une matière formée par la fossilisation de débris végétaux sur plusieurs dizaines voire centaine d’années