Les exploitants de Mbouanatsa souhaitent retrouver le cours de leur… eau ! 

Les adhérents et sympathisants du Groupement intercommunal des agriculteurs du sud de Mayotte (Giasm), aux côtés des acteurs de la Fédération mahoraise des associations environnementales (Fmae), organisaient ce samedi 26 aout, une randonnée découverte un peu spéciale ayant but d'introduire les prémices de leur projet de réhabilitation d’un ancien captage, relatif à la rivière de Mbouanatsa et ce, à des fins agricoles.

À la genèse de tout cela qui remonte à 2017, la simple et triste constatation de ce qui a été et de ce qui n’est plus notamment en matière de paysage et tracé hydrique. Une désolation plus que d’actualité et ce, à échelle territoriale mais également internationale. Afin d’enrayer ce phénomène, les propriétaires et exploitants de la zone ont décidé de se réunir et d’acter ensemble ce qui pourrait de nouveau être en matière de gestion de la ressource en eau pour un usage alternatif, à la crise que l’on connaît, propre à l’irrigation concernant une surface globale de près 60 hectares, avec, de surcroît d’autres aspects environnementaux et préventifs qui s’y greffent.

La sécheresse et le réchauffement climatique sont des faits mais des facteurs humains amplifient ces phénomènes notamment au niveau de l’appauvrissement hydrique des sols. Ici, l’intensive culture des bananes (illégale ou non), bien trop gourmande en eau, provoque une érosion prématurée des sols qui n’est plus à prouver

De l’idée à la technicité 

Le Giasm, c’est une trentaine de membres qui fédère les 4 territoires sud, aussi composé de cultivateurs non-professionnels, comme il est cas dans notre village de Mbouanatsa. Un village qui s’étant de la mer à des montagnes en amont, d’une altitude excédant les 200 mètres et prenant justement son aquatique et douce source en ces dernières.

Les représentants et responsables du Giasm. Au milieu, en polo bleu, O. Ali Mari, le président et à ses côtés (t-shirt gris) Latufa MSA, coordinatrice à la Fmae

Pourtant, depuis quelques décennies, il semblerait qu’un tas de facteurs notamment liés à l’agriculture non conscientisée, aux pertes de pratiques traditionnelles, à l’urbanisation, à la sécheresse, aux défrichement et culture sauvages aient quasiment, voire totalement, rendu obsolète l’ancien captage construit dans les années 80 — désormais à l’état de semi ruines —  et qui alimentait à l’époque le village en eau brute. 

C’est donc dans cette efficiente volonté de mutualiser l’aspect terrain tout en sollicitant une approche plus technique, aussi nourrie d’ingénierie, que le groupement précité s’est rapproché de la Fmae : « C’est un peu comme dans une compétition sportive. Il y a à la fois la tête et les jambes. Nous n’avons pas la prétention de détenir les contacts nécessaires appropriés ou encore moins le savoir, raison pour laquelle la gestion de ce projet par les équipes environnementales nous est indispensable pour fructifier notre très grande motivation » indique Ali Hamada, propriétaire exploitant à l’origine de cette initiale impulsion.

(au centre, de g. à droite) V. Maire (assis), chef de l’unité Police de l’Eau et Environnement à la Dealm et A.Hamada (veste militaire), passionné et soucieux du futur de sa terre et de son village

Un projet plurilatéral 

À la baguette de cette noble et plutôt novatrice aventure, Latufa MSA, coordinatrice de cette mission au sein de la Fmae pour laquelle la Communauté de communes du Sud et le Département ont respectivement octroyé 20 000 euros et 150 000 euros : « Là où ce projet est pertinent, c’est qu’il a vocation à s’inscrire dans le temps et qu’il se compose de plusieurs volets. En plus de la restauration et du réaménagement de ce cours d’eau, nous souhaitons, d’une part, mettre en place tout un plan de reboisement de chaque côté des berges de ce dernier et, d’autre part, accompagner les propriétaires concernés vers une agriculture durable au moyen de formations mais également d’actions de sensibilisation que eux mêmes pourront initier auprès d’autres, habitants du village inclus ».

Les vestiges d’un bassin intermédiaire, complément bouché, sur le chemin de ce cours d’eau auquel s’est ajouté avec le temps un système D parallèle pour l’écoulement du peu d’eau disponible

Bien que l’usage de cette eau n’ait nullement vocation à la consommation humaine, ces aspirations de gouvernance et de partage s’inscrivent également dans les préconisations du Schéma directeur et d’aménagement et de gestion de l’Eau (Sdage 2022-2027), rattaché au Comité de l’Eau et de la Biodiversité; composante de la Direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer de Mayotte (Dealm). Raison double, d’autant plus sainement stratégique, d’inviter en ce samedi de présentation, différents acteurs des hautes institutions concernées telles que le département, la CCSud, l’Office nationale des forêts (ONF), la Direction de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt (Daaf), des acteurs associatifs composés de brigade verte ou encore la Dealm donc : « Ce qui est intéressant dans ce projet qui parait simple en apparence, c’est qu’il est multi-thématique. Dans son approche pilote au final, on aborde des aspects et enjeux actuels qui côtoient un petit côté patrimonial fort intéressant reliant directement l’agriculture et l’eau; ce qui est paradoxalement quelque chose de nouveau ici. Les problématiques notamment environnementales concentrées en un si petit territoire sont au final un échantillon révélateur de ce qui se passe à une échelle bien plus grande. Les potentielles difficultés qui seront rencontrées dans l’élaboration de ce projet voué à marcher seront fort enrichissantes, pouvant servir à d’autres territoires » souligne Guillaume Boisset, chef d’unité gouvernance et suivi de la ressource en Eau au sein de la Dealm.

(de g. à d.) G.Boisset (t-shirt bleu) de la Dealm et S.Said Halidi (polo kaki) de la Direction des ressources terrestres et maritimes (Drtm)

Les grandes lignes des prochaines étapes 

À la suite de cette matinée crapahutage et concrète découverte par le terrain donc, sera organisé d’ici un mois un comité de pilotage afin que soit échangées, entendues et centralisées, les différentes remarques, observations et données techniques relatives aux institutions et services présents ce jour afin d’actualiser également le plan de reboisement qui a commencé à être élaboré par les services de la Fmae afin de gagner au maximum du temps. À noter qu’une étude approfondie en matière de faune et flore — commandée par la Fmae afin d’appuyer l’expertise de ce projet — est actuellement en cours d’exécution par le cabinet Espaces et dont les conclusions devraient être livrées, justement en vue de ce comité.

L’exploration de la zone fut aussi l’occasion de découvrir les exploitations sauvages présentes qui contribuent à intensifier la non gestion de l’eau et l’appauvrissement des nappes phréatiques en plus du cours d’eau avoisinant ayant aspiration à être restauré et protégé

Un projet au final qui n’en est qu’à ses balbutiements néanmoins, déjà convaincants, et qui pourrait très largement, après besoins et aboutissants clairement définis, pouvoir prétendre à des compléments de financement, notamment nationaux voire européens. Et c’est en cela que cette gestion collective, faisant appel à la participation plus ou moins directe de différents acteurs incontournables de notre territoire est d’autant plus percutante, sachant toute la pertinente et louable essence environnementale qui s’y greffe.

L’installation sauvage, et en amont, d’élevages bovins à proximité des rives du chemin de ce cours d’eau sont un danger pour la qualité même de l’eau en raison de la pollution fécale que cela représente

Au regard de nos sols de plus en plus appauvris et comme l’importance des arbres et de la végétation de manière globale, n’est plus à prouver en termes de ramifications et d’infiltration souterraine de l’eau, et d’autant plus aux abords des points d’eau, c’est donc une première phase de plantation qui aura lieu entre décembre et mars 2024 prochains, comptant sur l’hydratation tellurique en amont, grâce aux 2 premiers mois de cette saison des pluies tant espérée (croisons les doigts).

La zone concernée par ce projet est intéressante. Elle concerne à la fois des parcelles privées; d’autres appartenants au Département, le tout entouré par des forêts sous gestion de l’État

Et cette manip’, alliée à l’entretien et la protection des zones concernées, tout au long de l’année, et par les agriculteurs et les agents de la CCSud, sans compter la mobilisation attendue aussi de la population locale, devrait s’échelonner, à minima, sur 3 cycles de plantation : « Ces plans de reboisement font partie intégrantes des actions et missions du département, notamment au niveau des captages d’eau » nous précise Saitu Said Halidi, directeur agriculture, forêt et pêche au sein du CD avant de poursuivre : « Chaque année, nous reboisons entre 50 à 60 hectares et en ce sens, nous avons augmenter nos effectifs de surveillance qui s’élèvent actuellement à 40 agents, tout comme notre capacité de production des essences forestières de près de 100 000 plans par an, pour nos propres dispositifs bien sûr mais également mis gratuitement à disposition des associations ou autres projets de ce type par exemple pour justement accroître notre politique de protection des forêts. Nous accompagnons bien entendu la Fmae dans cet ouvrage, aussi sur le volet de la formation, en plus du soutien financier ».

Cette parcelle en hauteur, propriété du département, a été récemment et sauvagement défrichée

C’est donc nourrie d’une pleine motivation palpable et conscientisée que cette feuille de route Eau et Environnement du village de Mbouanastade, se pré-dessine pour les acteurs du Giasm, les résidants exploitant de cette zone de Mujini Mziwazia et de la Fmae, dans cette volonté d’offrir aux générations futures une terre viable, hydratée, fertile et reconnectée à son essentiel. Un essentiel aussi observé par d’autres syndicats agricoles de notre île, présents ce samedi, qui voient en ce projet une lumineuse idée d’adapter la chose en leurs respectives zones afin de replacer la Nature à sa juste et indispensable place prioritaire au regard d’un monde artificiel urbanisé qui, sans surprise et non-discutable, détruit plus qu’il n’apporte et la bétonnisation de nos espaces verdoyants (le BTP étant aussi l’un des plus gros consommateurs d’eau sur notre territoire, rappelons-le) ne saurait me faire mentir aussi en regard du réchauffement climatique.

Notre rédaction suivra de près les avancées hydro-préventives de ce projet.

 

MLG

Le contraste est ici visible entre la partie ombragée, en premier plan, encore dense, verte, sauvage et préservée et la culture de bananiers apportant lumière, chaleur et sécheresse. Il semblerait qu’il soit là aussi question qu’une plantation illégale
De chaque côté des bords du cours d’eau, la Fmae prévoit dans son plan de reboisement, de replanter des arbres dans une largeur de 10 mètres.
L’ancien tracé du cours d’eau dévoile par endroits quelques nappes d’eau stagnantes laissant présager bonne et hydrique augure pour la suite du projet
Ici, à près de 234 mètres d’altitude, on cerne mieux le dénivelé de la zone entremêlant donc approche forestière preservée, cultures agricoles privées et exploitations dans l’immédiat sauvages qu’il faut enrayer
L’ensemble de cette délégation découverte composée notamment d’acteurs institutionnels
En aval et contrebas, proche du littoral, cet ancien bassin de stockage d’eau qui était fort probablement aussi sur le tracé du cours d’eau
A mi-chemin de ce tracé du cours d’eau, en ces abords directs, on peut voir que l’essence forestière est encore relativement préservée
Dans son projet de réhabilitation et respect environnemental de son futur cours d’eau, le Giasm et la Fmae intègrent également les recommandations du Parc Marin sachant que ces eaux terminent aussi dans le lagon

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