Lors du nouveau CIOM (Comité interministériel Outre-mer) – le dernier s’était tenu en 2019 – présidé par la Première ministre Elisabeth Borne en juillet dernier, plusieurs mesures de rattrapage de développement en outre-mer ont été évoquées. Parmi elles, un renforcement des moyens humains de contrôle de la Direction générale de la concurrence dans les DROM visant notamment les monopoles et ententes des entreprises sur ces marchés locaux.
Que les produits soient plus chers sur nos îles en raison des coûts de transports, c’est une chose, mais que le différentiel de prix soit plus que proportionnel à ce coût, c’est signifier que certains en profitent. Et même au-delà de la décence avait souligné la publication de l’INSEE Mayotte de 2016 sur l’année 2013, qui mettait en évidence que les marges des entreprises mahoraises étaient deux fois plus grandes qu’en France : 43% contre 21%. Deux secteurs étaient concernés, le commerce et la construction. « On peut donc dire qu’elles dépassent les problèmes liés à l’éloignement géographique ou à l’insularité », avait commenté le directeur local de l’INSEE à l’époque, Djamel Mekkaoui.
Depuis, aucune mesure n’a été rendue publique tendant à montrer une action visant à conjurer ce sort auquel est voué le consommateur mahorais.
« Mieux vaut tard que jamais ! »
Le dernier CIOM annonce donc vouloir s’attaquer à ce gros morceau. Celui qui en avait eu le courage, c’est précisément Victorin Lurel, alors ministre des Outre-mer sous François Hollande, qui avait permis la publication de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, qui porte d’ailleurs son nom. Elle interdisait notamment les exclusivités d’importation, non justifiées, dans les collectivités d’outre-mer, le précédent dirigeant d’une grosse entreprise mahoraise qui a fait récemment la Une pour son développement, l’avait appris à ses dépens.
C’est donc en fin connaisseur que le désormais sénateur de Guadeloupe salue en brin goguenard, la décision de la Première ministre de se pencher sur le sujet, « Le Gouvernement reconnaît enfin la nécessité de réguler les économies des Outre-mer, mieux vaut tard que jamais ! »
Dans un communiqué, il ne se prive pas de rappeler l’existence de sa loi et de celle sur l’égalité réelle votée en février 2017, « le président de la République et ses gouvernements disposaient pourtant dès leur arrivée aux responsabilités d’un arsenal d’outils législatifs et réglementaires pour réguler les économies ultramarines, contrôler les marges et lutter contre les pratiques monopolistiques et anticoncurrentielles à l’œuvre dans ces territoires depuis des décennies. »
Utiliser l’existant
On peut déplorer ce manque de mémoire législative qui permet de perdre du temps et de l’argent dans de nouvelles études, alors que beaucoup d’éléments sont encore sur le dessus du tapis.
Victorin Lurel invite par conséquent le gouvernement à « gagner du temps » en engageant dès à présent un travail conjoint avec le Parlement « pour actualiser les dispositions des lois de régulation économique et égalité réelle ». Et invite à reprendre les propositions du rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la vie chère dans les Outre-mer rendues publiques en juillet dernier, qui « constituent d’ores et déjà une excellente base de travail ». Il rappelle qu’il ne s’agit pas seulement de lutter contre les monopoles, « mais de mieux contrôler les marges pratiquées dans nos territoires et d’adapter leur régulation en fonction la conjoncture, en particulier en situation de forte inflation comme aujourd’hui ».
En ce qui concerne Mayotte, soulignons que les effectifs de la Direction de la concurrence et de la répression des fraudes, si ils ont été renforcés, sont encore en deçà des besoins, et nécessitera d’aller au-delà de l’accroissement de 10% en moyen humain annoncé.
Anne Perzo-Lafond