Said OMAR SAID est né le 2 janvier 1952 à Bandrélé. Il est membre de la famille d’Abdallah Houmadi qui fut à la fois son oncle mais aussi son maître. « Il a été mon enseignant lors de mes études en primaire pour les classes de CE1 et de CM2. C’est lui qui m’a donné le goût pour enseigner et c’est grâce à lui que j’ai pu avoir la carrière que j’ai eue », explique-t-il. Après avoir fait son premier CP (cours préparatoire) avec pour maître Younoussa Bamana à Bandrélé, Said OMAR SAID a été à Mtsamboro puis à Sada où il a suivi son oncle Abdallah Houmadi. « J’ai imité leurs qualités, ce sont ces maîtres qui m’ont donné l’envie d’apprendre. Je leur dois beaucoup », avoue-t-il.
L’enseignement pour vocation
Vers l’âge de 16 ans, son certificat d’études en poche, Said OMAR SAID décide de poursuivre ses études secondaires. Un peu trop âgé pour rentrer en 6e à Mayotte, il part pour Madagascar au collège privé de Majunga pour poursuivre ses études. Après trois années de formation, il passe le concours d’enseignement technique qu’il réussit et décide de retourner à Mayotte pour y être instituteur. Son premier poste sera à Bandrélé, dans son village natal, nous sommes alors au début des années 1970’. « Pour ma première année d’enseignement j’avais une classe de CP avec 54 élèves. A cette époque les classes étaient déjà surchargées. J’avais une certaine autorité mais surtout une discipline », raconte-t-il. A l’occasion de sa deuxième année d’enseignement, il est nommé directeur de l’école de Bandrélé tout en exerçant son métier d’instituteur en classe de CM2. Afin de canaliser et d’intéresser ses élèves, Said OMAR SAID avait une technique d’enseignement qui lui était propre.
« Étant natif de Bandrélé, les enfants de ce village étaient mes frères et mes sœurs, je ne pouvais donc pas les trahir. J’ai mis en place des règles et une discipline rigoureuse. Pour cela j’impliquais directement les parents, le fundi, les frères et sœurs dans la réussite éducative afin qu’ils collaborent tous. J’expliquais ainsi aux parents l’importance que leurs enfants fassent des études. – Vous êtes maître de nos enfants et de l’école, me répondaient-ils. Nous avons une totale confiance ! ». Pour la réussite de ses élèves Said OMAR SAID mettait tout en œuvre au point de se déguiser, parfois, le soir et faire des virées nocturnes pour que les enfants rentrent chez eux. « Je n’acceptais pas que les enfants errent dans le village à faire n’importe quoi… Ils devaient faire leurs devoirs ! A ma vue, ils rentraient chez eux. J’avais le soutien des parents, on faisait un travail en commun », poursuit-il.
Le maître d’école ne s’arrêtait pas là puisqu’il demandait aux fundi de faire une leçon de moral aux enfants dans les écoles coraniques mais aussi aux enseignants au sein de l’école républicaine. « La première chose que je demandais à mes collègues à l’école, c’est que dès la première heure une leçon de morale soit faite sur ce que l’on peut faire et ne pas faire. Ensuite venait la leçon de langage, j’exigeais qu’elle soit dispensée dans toutes les classes, et enfin une leçon de lecture et d’écriture. Lors de mon retour à Mayotte, après mes études secondaires à Madagascar, j’ai remarqué que les enseignants n’apprenaient pas à lire et écrire aux enfants mais ils leur faisaient faire des activités ludiques… J’étais furieux, j’ai donc repris les choses en main ! », s’exclame-t-il.
Aussi ses meilleurs souvenirs sont la réussite de ses élèves et notamment la réussite à l’examen d’entrée en 6e. « J’ai consacré tout mon temps à donner des cours et à faire ce que l’on appelle aujourd’hui du soutien scolaire l’après-midi, tout au long de l’année, après l’enseignement du matin ». Mais l’une de ses plus grandes fiertés, c’est lorsque sept élèves qu’il avait préparés pour l’examen du passage en 6e ont tous réussi. « J’étais très fier… Sur les sept élèves tous ont eu leur certificat d’études, du 100% ! ».
Une reconnaissance professionnelle mais aussi générationnelle
Grâce à ses méthodes d’enseignement, Said OMAR SAID a été distingué à de nombreuses reprises. Il a notamment été décoré de la médaille d’honneur du travail et a reçu les palmes académiques en 2008, lors de sa dernière année d’enseignement. Par ailleurs, et il reste modeste à cet égard, sa dernière note d’inspection faite par l’Éducation nationale était de 20/20 ! « C’était en 2003 », se remémore -t-il. Mais au-delà de ça, c’était son exigence à ce que les enfants écrivent. « Je demandais à mes adjoints qu’ils fassent de l’écriture dans tous les cours. Savoir bien écrire, c’est l’occasion que les enfants lisent, insiste-t-il. Je voulais que mes élèves réussissent et je ne voulais surtout pas qu’on me reproche plus tard le fait que je n’ai pas enseigné. Il était hors de question que je trahisse la confiance des parents et de l’Éducation nationale ».
Aussi certains de ses anciens élèves témoignent qu’il avait une façon de faire les choses hors du commun et transmettait des valeurs saines et traditionnelles, comme l’explique Ali Moussa MOUSSA BEN, maire de Bandrélé, qui a été son élève en classes de CP et de CM2. « Il avait une vision positive de la société. Il s’occupait de tout à l’école, des inscriptions, de l’enseignement, des élèves… Après les cours du matin qui se terminaient à 12h, il nous donnait des devoirs pour l’après-midi et à 15h il nous en donnait d’autres pour le lendemain. On était tout le temps en train de travailler. Il faisait aussi des rondes le soir vers 19h dans le village pour que les enfants rentrent chez eux. En outre, il allait voir les autres enseignants du primaire pour travailler avec eux et garantir la réussite des élèves en les accompagnant le plus possible. C’est une personne qui a passé sa vie à se soucier de l’avenir des enfants et de la jeune génération ».
Aussi, beaucoup d’élèves de l’île venaient à Bandrélé pour y être scolarisés et avoir Said OMAR SAID comme instituteur. « Il n’avait pas de manuel scolaire et à l’époque il n’y avait pas de lumière dans les classes… Il avait simplement son livre et sa lampe à pétrole. Avant chaque cours, il écrivait beaucoup, le tableau était plein d’écritures », se souvient Ali Moussa MOUSSA BEN. Le maire de Bandrélé se rappelle aussi de cette anecdote à l’époque où il a passé l’examen du passage en 6e : « Avant que je parte à Mamoudzou pour passer mon certificat d’études, il est venu me voir pour me coiffer et il m’a dit : C’est moi qui vais te coiffer et personne d’autre ! », raconte-t-il en souriant.
Une fois sa retraite prise, à l’issue de l’année scolaire 2007-2008, il y a eu un grand vide ont constaté ses anciens élèves et les habitants de Bandrélé. « Il n’y a pas eu de suite une fois qu’il s’est arrêté, pas de relai. Il n’y avait plus de soutien scolaire, le niveau et les résultats ont baissé et la délinquance a augmenté. On a remarqué que le niveau des enfants qui arrivaient au collège était en nette baisse. Aujourd’hui, les jeunes errent il y a des conflits inter villageois, il y a une perte des repères et des valeurs traditionnelles », déplorent-ils. D’où la nécessité pour la commune de Bandrélé d’organiser un madjilisse en l’honneur de Said OMAR SAID, pour ce qu’il a apporté à Mayotte, la réussite de ses élèves, la transmission des valeurs traditionnelles et un certain art pour la réussite éducative.
B.J.