Lorsque l’on évoque les termes traditionnel, alternatif ou encore énergétique, la triste pensée du charlatanisme nous saute instinctivement à l’esprit. Une réputation plus ou moins justifiée au regard de regrettables faits divers qui est aussi répandue chez les thérapeutes prophétiques, plus communément appelé les râqis. Et c’est bien pour montrer saine patte blanche, en plus du souhait d’offrir plus de visibilité à leur discipline, que les praticiens concernés ont souhaité se regrouper en Union afin de donner crédibilité, transparence et poids à leur corps de métier.
Quelques explications introductives
Cette médecine douce musulmane se veut d’en venir à bout des maux de toutes sortes relatifs à ce qu’on peut communément appeler dans le jargon concerné le mauvais oeil, le djinn, le sihr ou autre épreuve traversée par un individu qui le confronte à une perte d’espoir et/ou un vide intérieur.
Une fine frontière qui s’approche de la notion psychologique mais qui se veut surtout d’accompagner la personne en question dans un cheminement de (re)connexion spirituelle. Car même si le râqi ne relève guère du psychologue, il est avant tout homme de foi sur les principes du Coran donc. Et pour bénéficier de ces soins, nul besoin d’être de confession musulmane justement, comme nous l’explique Karim Sohbi, praticien depuis plus de 20 ans et installé depuis 2017 à Acoua : « Dans ma carrière, j’ai déjà soigné des personnes non-pratiquantes mais aussi issus d’autres religions. C’est ouvert à tout le monde. Le principe étant de parler à quelqu’un qui a ni plus ni moins qu’une croyance, quelle qu’en soit son appartenance. Le langage se veut tout aussi simple. C’est par cette croyance que l’on met en place des échanges et que l’on va chercher en profondeur les choses et ce, dans tous les aspects de la Vie pour en faire resurgir la révélation divine ». Par une introduction verbale thérapeutique, se greffent d’autres process de guérison tels que les massages énergétiques, l’approche coranique et sunna des plantes et végétaux ou encore la Hijama qui est la pose de ventouses stérilisées afin, quelque part, de détoxifier et purifier le sang chargé en énergies basses et sombres. Ces process se veulent accompagnés de la lecture de versets du Coran afin d’amplifier l’énergie prophétique de la guérison.
Autre point qu’il est important de préciser, d’autant plus dans cette volonté de lutte contre les pratiques douteuses et discutables, un vrai râqi professionnel et nourri de saine déontologie, n’acceptera jamais de toucher et manipuler une patiente. Il peut l’accompagner dans une approche d’échanges, de diagnostique global de son mode de vie et de médiation mais il l’orientera vers une homologue féminine si soins manipulatoires il doit y avoir et vice versa.
Etat des lieux de notre territoire
Sur Mayotte, les vrais râquis issus de formation professionnelle sont à peine une petite dizaine. Et c’est justement parce que cette petite dizaine souhaite faire entendre le sérieux de ses pratiques qu’il a été créé l’Union des râqis-thérapeutes et que cette appui du Conseil cadial était grandement attendu.
Par cette convention, les thérapeutes signataires s’inscrivent dans une démarche d’intégrité, d’hygiène, de respect du patient, de sa dignité et de la préservation de son intimité le tout, sans discrimination aucune. « Par cette unification, le Conseil cadial reconnait la légitimité de notre profession et nous accompagne dans cette volonté de clarté et d’agrémentation afin justement de protéger la population contre les abus de confiance et les mauvais charlatans », nous précise Karim Sohbi avant de poursuivre :
« Les praticiens ayant suivi une formation et proposant des soins, en respect de la charte déontologique, pourront prétendre à cet agrément après une période de suivi et de contrôle continu, bien entendu. Je l’ai moi même obtenu il y a peu. C’est une fierté. Par ailleurs, la création de cette Union de professionnels se veut aussi de proposer officiellement une formation reconnue. Il s’agit d’un module intensif sur une période de 6 mois où la pratique constante et intensive est de mise. Les potentiels râqis qui exercent déjà de manière non reconnue sont justement invités à se rapprocher pour clarifier ou parfaire leur statut. Pour exemple, il existe officieusement des femmes pratiquant la roqya mais aucune n’est répertoriée officiellement. Si les gens n’ont rien à se reprocher, autant qu’ils se rapprochent de nous, qu’ils soient répertoriés… ».
Dans ses souhaits d’ouverture transparente et plus marquée auprès de la population, l’Union des râqis a également aspiration à se rapprocher des institutions publiques pour envisager, par exemple, de travailler dans le milieu carcéral mahorais, au contact des jeunes délinquants afin d’aplanir et chercher en profondeur les raisons de leur colère et d’exulter cette violence bien trop systématique… Et pourquoi pas ?!