Mayotte : feu vert du Conseil constitutionnel à la loi de refondation

Le Conseil constitutionnel a validé la loi de refondation de Mayotte, incluant un durcissement des règles migratoires et des mesures contre l’habitat informel, malgré les critiques des députés de gauche.

Jeudi 7 août dans la soirée, le Conseil constitutionnel a validé, à quelques réserves près, la loi organique relative à Mayotte et la loi de programmation pour sa refondation. Présenté par le Gouvernement comme une réponse aux crises multiples que connaît le département, exacerbées par le passage du cyclone Chido le 14 décembre 2024, ce texte introduit un durcissement de certaines règles en matière d’immigration, des restrictions sur l’habitat informel et une réforme institutionnelle.

Saisi mi-juillet par des députés socialistes, insoumis et écologistes, qui demandaient la censure de plusieurs articles du volet migratoire, les « Sages » ont jugé ces dispositions conformes à la Constitution, estimant qu’elles répondaient aux « caractéristiques et contraintes particulières » propres à Mayotte. Manuel Valls, ministre des Outre-mer, a salué « une satisfaction majeure » et appelé à « avancer sans délai » dans la mise en œuvre de la réforme.

Immigration : des mesures durcies sous l’angle des contraintes locales

Les députés contestataires ciblaient en priorité l’article 5, qui prévoit qu’à Mayotte, un parent étranger d’un enfant Français ne pourra obtenir un titre de séjour que s’il est entré régulièrement sur le territoire. Ils y voyaient une mesure « manifestement contraire au principe d’égalité » portant également atteinte à « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Elections législatives 2024 à Mayotte
Le 6 février 2025, l’examen de la proposition de loi du groupe de la Droite républicaine (DR) visant « à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte » avait fait l’effet d’une bombe. Dominique Voynet, députée écologiste, avait critiqué cette loi, estimant que « la pression migratoire ne se régule pas en durcissant le droit du sol » et dénonçant une instrumentalisation politique qui occultait les véritables défis économiques et sociaux, notamment aux Comores, principal foyer migratoire. (photographie/crédits : AN)

Le Conseil a rejeté ces arguments, estimant que Mayotte est « soumise à des flux migratoires très importants » et que sa population compte « une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière ». Cette situation justifie, selon lui, des adaptations législatives permises par l’article 73 de la Constitution, qui autorise les lois et règlements à être adaptés aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d’outre-mer.

Deux réserves encadrent toutefois cette disposition. Elle ne s’applique pas de manière rétroactive : les parents étrangers entrés irrégulièrement avant l’adoption de la loi ne voient pas leurs droits remis en cause automatiquement. En revanche, dorénavant, pour obtenir un titre de séjour en tant que parent d’un enfant Français mineur à Mayotte, une entrée régulière sur le territoire est requise. Néanmoins, si le parent démontre qu’il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, l’administration est tenue de lui délivrer un visa de long séjour. Pour autant, l’État conserve la possibilité de régulariser d’autres situations au cas par cas.

Les Sages valident aussi d’autres dispositions : retrait du titre de séjour d’un parent dont l’enfant menace l’ordre public, centralisation à Mamoudzou des reconnaissances de filiation pour lutter contre les fraudes, et placement possible en rétention de mineurs accompagnant un adulte étranger expulsé.

Habitat informel : un arsenal inédit pour l’expulsion et la démolition

Avant même le cyclone Chido, l’association Solidarité Mayotte disposait de seulement 524 places, souvent saturées et attribuées temporairement dans des conditions précaires, laissant planer le doute sur l’argument de l’État pour justifier l’absence de relogement dans le département.

Par ailleurs, la loi entérine que les logements édifiés ou occupés sans droit ni titre, ou relevant de l’habitat informel, ne peuvent pas être considérés comme des logements « normaux » au regard des critères exigés pour bénéficier du regroupement familial. Autrement dit, pour qu’un étranger puisse faire venir sa famille à Mayotte, il doit disposer d’un logement conforme aux normes légales, ce qui exclut les habitats précaires ou illégaux.

L’article 18 autorise, jusqu’en 2034, l’évacuation et la démolition de ces habitations sans obligation préalable de relogement ou d’hébergement d’urgence, si l’administration prouve une impossibilité matérielle due aux conséquences du cyclone Chido de décembre 2024.

Le Conseil valide aussi des dispositifs permettant à la police judiciaire d’intervenir dans des locaux professionnels situés dans ces zones pour lutter contre le travail illégal. Il encadre toutefois ces mesures : les dérogations au relogement doivent rester exceptionnelles, et les visites domiciliaires ne peuvent être menées qu’en présence de « raisons sérieuses de penser » que la personne représente une menace pour l’ordre public.

Une Assemblée unique pour remplacer le Conseil départemental

En matière sociale, les Sages confirment l’extension possible de certaines prestations à Mayotte et la revalorisation du salaire minimum net. Sur le plan institutionnel, ils valident la création d’une Assemblée de Mayotte composée de 52 conseillers élus dans 13 sections, en remplacement du Conseil départemental. Selon leur décision, la répartition des sièges respecte l’égalité devant le suffrage et ne porte pas atteinte de manière excessive au pluralisme politique, même si certaines sections peuvent favoriser une liste dominante.

À l’issue de la décision, le ministre des Outre-mer a déclaré : « Cette validation constitue une satisfaction majeure qui nous permet de continuer à avancer sans délai dans la reconstruction et la refondation de Mayotte. L’essentiel est désormais la mise en œuvre avec une stratégie planifiée. Nous le devons aux Mahorais ».

Il avait déjà présenté le texte comme un « texte historique » engageant « près de 4 milliards d’euros sur six ans » et articulé autour de trois phases, après le passage de Chido : « l’urgence, la reconstruction et la refondation ».

Mathilde Hangard

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