Port de Longoni : une nouvelle couche avec la décision de l’Autorité de la concurrence ?

Après la résiliation de la Délégation de Service Public ordonnée dans un an par la justice, l’Autorité de la concurrence doit se prononcer "d'ici la fin de l'année" après que son rapporteur a notifié deux griefs : l’abus de position dominante, et des conditions « inéquitables » d’exercice imposées aux importateurs mahorais.

C’est un des nombreux autres volets des dérives constatées au fil des années dans la gestion du port de Longoni : l’accusation d’abus de position dominante en matière de gestion et d’exploitation des infrastructures portuaires de Longoni « en mettant en œuvre un ensemble de comportements visant à accaparer les marchés de la manutention portuaire », dixit le libellé du rapporteur de l’Autorité de la concurrence en février 2024, qui pointait un 2ème grief, celui « d’avoir imposé aux importateurs mahorais un ensemble de conditions de transaction inéquitables. »

Les lecteurs du JDM en connaissent les détails puisque, alors que la Délégation de Service Public (DSP) était octroyée en 2013 par le Conseil départemental à Ida Nel, nous titrions dès 2014 sur sa tentative, avec succès, de modification du code APE de la société Mayotte Channel Gateway (MCG) lui permettant d’exercer la manutention en plus de la gestion, ce qui est absolument interdit par la loi. Elle commençait alors par initier la création d’une société, Manu Port, concurrente au manutentionnaire historique, la SMART, pour ensuite lui retirer son Autorisation d’occuper le Territoire (AOT) au port de Longoni, annonçant la mort de la société. Faits que nous avions résumés lors de l’annonce de la garde à vue de la femme d’affaires.

Et cela accompagné à chaque épisode de campagne de communication sur des médias acquis à sa cause, et pas toujours de manière désintéressée…

Un terrain favorable aux abus

Ida Nel, Mayotte, port
En pleine tourmente judiciaire, Ida Nel avait accueilli Manuel Valls au port en avril dernier

Un des derniers actes, et pas des moins spectaculaires, étant celui du faux arrêté de tarifs portuaires, reconnu comme tel par le tribunal administratif, et affichant des tarifs bien supérieurs à celui de 2012, émanant alors de la CCI. Il faut dire qu’il s’agissait de rentabiliser des grues et RTG pourtant achetés avec la défiscalisation, donc nos impôts, mais financés ainsi de multiples manières. Avec un discours tenu par la femme d’affaires destiné à pointer les protagonistes de l’Union Maritime de Mayotte (UMM) comme au centre des accusations « ils ne digèrent pas d’avoir perdu la DSP », quand ces acteurs portuaires ne demandaient que le respect de la loi. Il lui fut étonnamment très facile de se faire passer pour une victime, et de continuer à détourner les règles, au milieu de molles injonctions des élus départementaux, propriétaires du port.

En 2022, Ida Nel était donc placée en garde à vue pour fraude fiscale aggravée et blanchiment de fraude fiscale.

L’ancien directeur du port, et député Ibrahim Aboubacar s’était fendu d’une tribune accusant Ida Nel « d’abus de pouvoir condamnable » et l’ancien député Mansour Kamardine, alors à la tête du Conseil portuaire, avait accusé la femme d’affaires sud-africaine d’avoir privatisé les grues, bien que payées avec l’argent public.

Obstruction à l’Autorité de la concurrence

Grève des employés de la SMART en 2015 autour de la préservation de la manutention

Le château de cartes est bien en cours de destruction. Elle a débuté avec le remboursement des sociétés MIM, plus de 500.000 euros, et TILT, près de 800.000 euros, pour surfacturation par l’arrêté fantôme, à l’issue duquel le tribunal a prononcé la résiliation de la DSP au 1er septembre 2026. Et pourrait se poursuivre donc avec la décision à venir « d’ici la fin de l’année », de l’Autorité de la concurrence, annoncée lors de la présentation de son rapport d’activité 2024 et de sa feuille de route 2025-2026.

Impossible d’en connaître la teneur, puisque la défense a présenté ses arguments, mais on peut constater que les deux griefs du rapporteur général, celui d’abus de position dominante et celui lié aux tarifs abusifs, rejoint le jugement du tribunal administratif qui mentionne que « l’application de tarifs illégaux depuis 2016 a nécessairement eu des répercussions sur le prix des biens et des marchandises et porte ainsi atteinte au bon développement de l’île de Mayotte ».

Rappelons aussi que l’Autorité de la concurrence s’est vu empêcher d’enquêter, par « obstruction » de MCG, donnant lieu en décembre 2021, à une amende de 100.000 euros…

Anne Perzo-Lafond

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