À Bandrélé, l’EEAP Sayidiwa de l’ALEFPA, véritable lieu de vie pour les enfants polyhandicapés

Huit mois après son ouverture dans l'urgence de Chido, le 22 décembre, l'Établissement pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés (EEAP) Sayidiwa, à Bandrélé, commence à jouer pleinement son rôle. Les enfants accueillis, comme les professionnels qui les accompagnent, trouvent peu à peu leur rythme au sein de cette structure unique portée par l’ALEFPA. Le lieu offre la possibilité aux jeunes de vivre leur vie et aux familles de retrouver une forme de sérénité.

En début d’après-midi, ce lundi 21 juillet, l’heure est à la sieste à l’Établissement pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés (EEAP) « Sayidiwa », géré par l’Association laïque pour l’Éducation, la Formation, la Prévention et l’Autonomie (ALEFPA), à Bandrélé. Seule Nalah, 17 ans, est encore réveillée, assise dans son fauteuil roulant auprès de sa mère. Accueillie dans l’urgence suite au passage du cyclone Chido, dès l’ouverture de l’établissement le 22 décembre dernier, l’adolescente, atteinte d’une macrocéphalie, qui a causé des séquelles irréversibles sur son développement neurologique, se porte bien.

Bien plus qu’un centre de soins, un espace pour vivre

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La jeune Nalah, 17 ans, atteinte d’une macrocéphalie, fait des progrès au sein de l’établissement.

« Elle a fait d’énormes progrès, elle arrive à attraper quelque chose avec sa main pour manger, alors qu’à la maison elle ne pouvait pas le faire seule ! », constate sa mère, Hairia Issa, « sa tête était toujours baissée, et là ça va beaucoup mieux, elle arrive à bouger de gauche à droite ». « Après Chido je vivais dans un centre d’hébergement à Mtsangamouji avec ma fille, j’ai beaucoup souffert, et j’étais stressée. Quand l’ALEFPA m’a appelée pour m’aider et la prendre en charge j’étais soulagée », raconte la jeune femme de 29 ans, qui se déplace dès qu’elle le peut depuis Chembényoumba, pour voir sa fille. « Dieu merci, maintenant j’arrive à travailler, j’arrive à économiser, j’arrive à mieux m’occuper de mes autres enfants. Merci beaucoup à l’ALEFPA », insiste-t-elle.

Huit mois après son ouverture et cinq mois après son inauguration officielle par la ministre déléguée chargée de l’Autonomie et du Handicap, Charlotte Parmentier-Lecocq, l’établissement trouve son rythme de croisière. Les enfants suivis prennent peu à peu leurs repères, tout comme les aides-soignantes et les accompagnants éducatifs et sociaux (AES), qui ont appris à les connaître et à adapter leurs gestes au quotidien. Les enfants sont également suivis par des médecins, ce qui facilite leur prise en charge dans la durée. Au total, le site peut accueillir 12 enfants : 8 en accueil permanent et 4 en accueil alterné, réservé aux enfants suivis à domicile sur le terrain par l’équipe mobile, pour soulager les familles. 

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La directrice de l’ALEFPA Mayotte, Aïcha Boukir et Hairia Issa, mère de Nalah.

Mais bien plus qu’un centre de soin, l’établissement est un lieu de vie pour ses enfants qui peuvent s’y épanouir.

« Tous les matins, l’équipe arrive dès 6h30. On réveille les enfants, on fait leur toilette, puis on sert le petit-déjeuner. Ensuite, direction le salon pour diverses activités : musique, coiffures, massages et après le déjeuner, c’est l’heure de la sieste », explique Rasoua Houmadi, 28 ans, aide-soignante dans l’établissement, revenue de métropole après le cyclone pour participer à la reconstruction. « On a quatre enfants par soignant ce qui nous donne suffisamment de temps pour faire des activités et passer des moments avec eux. Avec quelques-uns, on peut sortir au restaurant, au terrain de foot, on va au centre commercial », ajoute Sandali Selemani, 31 ans, elle aussi aide-soignante.

« Ce sont des enfants qui ne se sont pas développés de façon classique, par exemple Nalah elle porte un corset parce que sa colonne vertébrale n’est pas droite, ses pieds également », relève Aïcha Boukir, directrice de l’ALEFPA Mayotte. « Le gros souci à Mayotte c’est que les enfants polyhandicapés ne sont pas appareillés et leur corps ne se développe pas correctement quand ils grandissent, quand on récupère des enfants de 15 ans non appareillés c’est très compliqué ».

Une première réponse efficace face au manque structurel du territoire

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L’ALEFPA dispose d’une équipe mobile qui se rend directement auprès des familles.

Car en plus de l’EEAP, l’ALEFPA a une équipe mobile qui se rend au chevet des enfants mais aussi des adultes polyhandicapés à travers le territoire. « Les 40 personnes suivies sont vues au minimum une fois dans la journée », précise Aïcha Boukir. Un suivi efficace, qui ne peut être aussi optimal qu’au sein du nouvel établissement, signe de la nécessité de renforcer le dispositif, et les demandes sont nombreuses. « Les familles ayant un enfant polyhandicapé rencontrent souvent des difficultés pour les nourrir ou les amener à l’hôpital. Ici, on constate une réelle amélioration, tant sur le plan physique que mental. Leur progression est impressionnante, et pour certains, on peut dire que leur prise en charge leur a sauvé la vie », remarque la directrice.

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Sandali Selemani et Zara Moussa Be, aides-soignantes au sein de l’établissement.

Dans plusieurs années, un second EEAP sera opérationnel au sein du futur pôle médico-social de l’association à Chirongui. Il aura une capacité de 56 places, 11 places pour adultes et 45 places pour enfants, et les travaux doivent commencer l’année prochaine.

En attendant, l’ALEFPA a surtout besoin de « ressources expertes », des professionnels qui peuvent améliorer les stimulations auprès des jeunes et pousser davantage leur développement, « un psychomotricien ça serait super », confie Aïcha Boukir. Elle espère aussi la mise en place de formations adéquates sur le territoire, pour professionnaliser le personnel déjà présent.

« On fait du bon boulot »

« Je suis fière de ce qu’on a fait avec ce dispositif et c’était pas évident », continue la directrice, « quand on a retrouvé toutes les familles après Chido c’était terrible, elles avaient besoin de reconstruire leur logement et de se relever mentalement, ce qui n’est pas simple quand on a un enfant dépendant à 100%”.

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Les enfants ont des journées rythmées avec des activités pour les stimuler, comme la musique, les massages.

« On a ouvert dans l’urgence et désormais on est sorti du pratico-pratique pour pouvoir pallier les priorités », renchérit Stéphanie Piffeteau coordinatrice au sein de l’établissement, « même s’il y a des hauts et des bas, je trouve qu’on fait du bon boulot ».

Une bonne énergie qui se voit sur le sourire de Mounaoir. A peine levé, grâce aux aides-soignantes, le jeune homme se dirige à l’extérieur du bâtiment avec l’aide de son fauteuil roulant automatique. Comme tous les jours, il traverse la rue pour se rendre à l’accueil de l’association afin de rendre visite au personnel, et se balader à sa guise, heureux d’être chez lui.

Victor Diwisch

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