Vers 4 h du matin, mardi 15 juillet, un kwassa-kwassa en provenance d’Anjouan, avec 19 personnes à son bord, se rapproche de Sada quand il est repéré par la police aux frontières. La rencontre entre les deux embarcations tourne au drame lorsque ces dernières entrent en collision, faisant chavirer le kwassa-kwassa et tomber à l’eau les personnes à son bord : 17 individus sont secourus, 2 autres décèdent. Dans un communiqué de presse, diffusé dans la matinée, la préfecture indique que le kwassa-kwassa a effectué un refus d’obtempérer, ce qui a provoqué la collision.
Les filières d’immigration clandestine premières responsables

Au lendemain de l’accident, ce mercredi 16 juillet, lors d’une conférence de presse, le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, et le procureur de la République, Guillaume Dupont, tempèrent cette information, et indiquent attendre le résultat des enquêtes en cours qui doivent déterminer les circonstances de l’accrochage mortel.
Hier toute la journée et durant la nuit, deux avions de surveillance maritime, un hélicoptère et des intercepteurs ont quadrillé la zone pour vérifier si d’autres personnes étaient en situation de détresse, un dispositif qui a été levé ce mercredi, le préfet indiquant pouvoir considérer qu’il n’y a pas d’autres victimes.
« L’État condamne fermement l’attitude des filières d’immigration clandestine, qui sont les premières responsables de ce drame, que ce soit les personnes qui participent au départ des Comores ou à l’arrivée à Mayotte », insiste François-Xavier Bieuville, « une vie est une vie et on ne peut pas accepter que ces vies soient mises en danger de cette façon là ».
« Une enquête de flagrance a été ouverte pour homicide et blessure involontaire aggravée, pour aide à l’immigration et entrée irrégulière sur le territoire », précise Guillaume Dupont, « la peine encourue pour ces faits est de dix ans d’emprisonnement ». Pour le moment, le parquet ne connaît pas les rôles des personnes à bord de l’embarcation qui a chaviré. Aucune d’entre elle n’a donc été interpellée en tant que « passeur ». Les auditions menées actuellement doivent permettre d’éclaircir ce point.
Les passagers rescapés sont pour le moment placés en observation médicale et interrogés dans le cadre des enquêtes, ils seront ensuite « susceptibles d’être reconduits dans leurs destinations d’origine », indique le préfet.
De nombreuses interceptions ces derniers jours
« Les passages de kwassa-kwassa sont nombreux ces derniers jours. En deux jours, le parquet a été saisi pour trois affaires de ce type et les pilotes ont été incarcérés à la prison de Majicavo », souligne Guillaume Dupont. « Plus tôt dans la nuit, avant l’accident, deux kwassas ont été interceptés, il s’agissait de la troisième opération du jour », remarque le préfet.

« Nous observons des comportements de plus en plus agressifs de la part des kwassa et des passeurs qui n’hésitent pas à percuter les bateaux de la gendarmerie et de la police, et nous pouvons donc considérer qu’il s’agissait de comportements volontaires et donc de refus d’obtempérer, ce qui n’a pas été déterminé, pour le moment, dans l’accident de mardi », poursuit François-Xavier Bieuville. « Ce phénomène se développe, on le voit devant les tribunaux et le législateur a pris conscience de cela, la mise en danger de la vie d’autrui est lourdement sanctionnée par la loi », ajoute Guillaume Dupont.
Le préfet a également indiqué que les capacités de détection et d’anticipation ont été rétablies depuis le cyclone Chido, « à travers cette triste affaire nous démontrons notre capacité d’intervenir de nouveau à pleine compétence ».
Des opérations de recherche et de secours « non-offensive »
« La doctrine d’intervention du droit de la mer est une doctrine de recherche et de secours, nous n’avons pas une capacité à intervenir de façon offensive. L’intervention d’hier a été réalisée avec cette doctrine, et elle restera la même », relève François-Xavier Bieuville questionné sur le possible changement d’approche des intercepteurs à l’égard des kwassa-kwassa pour éviter de tels accidents. « On distingue les personnes qui sont sur le kwassa du passeur. Ce dernier doit être intercepté, mais les passagers doivent être secourus pour être extraits de cette circonstance du danger qui est le passage lui-même. C’est donc une opération de recherche et de secours et non une offensive ». Le préfet note tout de même que l’enquête doit permettre de vérifier si cette approche de recherche et de secours a été respectée ou non.

Le préfet a terminé la conférence de presse en évoquant l’opération « Mur de fer », lancée par Emmanuel Macron le 21 avril dernier lors de sa visite sur le territoire. « Le Mur de fer va nous permettre une meilleure anticipation, c’est-à-dire une meilleure capacité à voir plus loin pour détecter plus tôt et intervenir plus vite. Donc si un navire qui n’est pas dans nos eaux territoriales voit un intercepteur, cela peut le dissuader de faire demi-tour. Mais si ce bateau persiste à rentrer sur le territoire, nous pouvons arriver sur zone plus rapidement. Avec ce travail d’anticipation et de détection on multiplie les chances d’éviter les accidents ».
Victor Diwisch