C’est avec une bonne heure de retard que Gérald Darmanin et Jean-François Carenco sont arrivés au RSMA de Combani. Après avoir passé en revue les troupes, les ministres ont remis des décorations à plusieurs fonctionnaires des forces de l’ordre pour leur engagement, leur bravoure et leur courage face à des situations périlleuses. Ils ont ainsi salué leur « sens élevé du devoir et leur remarquable professionnalisme ». C’est le cas d’Élisabeth Hans-Refior qui travaille à la Police aux frontières (PAF) à l’aéroport de Dzaoudzi depuis maintenant cinq ans et qui grâce à son travail a permis d’intercepter de nombreux migrants. « J’en ai encore la gorge nouée, raconte-t-elle toute émue. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour ma famille, mes enfants et pour moi. Il est vrai que j’ai eu beaucoup de chance dans ma carrière, on m’a toujours poussé de l’avant. Aussi c’est une sacrée reconnaissance ! », confie-t-elle. Puis les deux ministres se sont adressés aux forces de sécurité de l’île en les remerciant pour le travail qu’ils accomplissent au quotidien, notamment pour mener à bien l’opération Wuambushu.
Une seconde phase de Wuambushu va être mise ne place d’ici septembre
« La lutte contre l’immigration clandestine, l’insécurité et l’insalubrité des logements est toujours notre priorité », a rappelé le ministre de l’Intérieur. Puis il annoncé que l’opération allait se prolonger d’au moins un mois en attendant de proposer au Président de la République, Emmanuel Macron, une seconde phase qu‘il devra valider. « Ce sera en quelque sorte une nouvelle formule, on pourra peut-être l’appeler Shikandra 2. Je vais la proposer au Président d’ici quelques semaines, indique Gérald Darmanin. Pour cela nous allons solliciter davantage les moyens d’autres ministères comme ceux de la Santé, du Logement, de l’Armée mais aussi de la Justice ». Le ministre de l’Intérieur a ainsi maintenu que la pression contre l’immigration irrégulière, l’insalubrité, les marchands de sommeil, l’agriculture et la pêche illégales allait continuer crescendo. De plus il s’est félicité du travail de la police qui a permis d’arrêter plusieurs dizaines de chefs de bandes qui terrorisent les Mahorais.
« Les autorités ont recensé 57 chefs de bande, à l’heure où je vous parle 47 ont déjà été arrêtés et remis à la justice. Nous allons continuer dans cette voie », assure-t-il. Même s’il reconnait que les débuts de l’opération Wuambushu ont connu des « difficultés techniques, juridiques et diplomatiques. Mais au final c’est la volonté politique qui l’a emporté. Aussi, nous devons procéder à une judiciarisation des objectifs pour mettre les personnes en prison, a-t-il complété. Nous allons continuer à soutenir les fonctionnaires de Mayotte, ils ont le soutien entier de l’État. On connait les difficultés de la population mahoraise, on vous aime, on va s’en sortir », a-t-il lancé. Puis il est revenu sur le bilan sécuritaire et les remontées de terrain. Ce sont ainsi pas moins de 450 policiers et gendarmes qui sont présents, en plus, dans l’île depuis maintenant cinq ans. « Certes, ce n’est pas assez » reconnaissent les deux ministres. Le résident de la Place Beauvau a aussi rappelé les défis auxquels Mayotte est confronté. « C’est un archipel magnifique mais qui connait des difficultés pour son développement économique, liées notamment aux problèmes d’insécurité, d’immigration irrégulière et d’habitats insalubres. Nous allons changer de braquet et mettre beaucoup plus de moyens judiciaires ».
Ainsi concernant l’immigration clandestine, ce sont environ 25.000 personnes qui ont été expulsées de Mayotte en 2022. Cela représente 66% du total des expulsions françaises. Mais comme l’a souligné Gérald Darmanin, même si l’opération Wuambushu a patiné au début, « Le plus important, c’est le choc psychologique. C’est la septième fois que je viens ici à Mayotte. Nous mettons en place d’énormes moyens pour lutter contre les difficultés. Les Mahorais doivent savoir que L’État se mobilise pour eux, même si c’est difficile », a-t-il insisté.
Un premier bilan de Wuambushu contrasté
Concernant le bilan chiffré des deux premiers mois de l’opération Wuambushu, le ministre de l’Intérieur est un peu plus évasif. On sait que l’opération dans sa forme actuelle sera donc prolongée d’un mois et qu’à ce jour 250 logements insalubres ont été détruits. « Nous avons pour objectif d’atteindre la destruction de 1000 logements d’ici la fin de l’année afin de casser la dynamique des constructions illégales. Pour cela nous devons procéder à des relogements de familles », a-t-il précisé. Mais le ministre s’est refusé à donner le chiffre exact de reconduite à la frontière. « Je ne veux pas pratiquer la politique du chiffre. Je l’ai promis aux chefs de gouvernements des États voisins. Mais on est sur la même tendance qu’en 2022 et même plus. Il y a eu des jours sans arrivées de kwassa-kwassa à Mayotte. A titre d’exemple il y a eu trois fois moins d’arrivées sur l’îlot de Mstamboro grâce aux radars, aux interceptions et au travail de la Légion étrangère ».
Gérald Darmanin est aussi revenu sur les relations diplomatiques avec Moroni. « Le président, Emmanuel Macron, a rencontré le Président Azali. Ce sont des relations franches et de confiance. Moi-même j’ai de bonnes relations avec mon homologue Comorien. Nous devons travailler ensemble », a-t-il indiqué. Le ministre de l’Intérieur se rendra ainsi au courant du mois de septembre dans les pays d’Afrique de l’Est, notamment au Burundi ainsi qu’en Tanzanie afin de renforcer la coopération avec ses pays.
Le premier flic de France a aussi évoqué la construction d’une seconde prison et d’un deuxième Centre de rétention administratif (CRA) sur Grande-Terre. « Le problème pour l’instant c’est que nous n’avons pas de foncier. J’en appelle d’ailleurs à la population et aux élus sur ce sujet. Le financement est là et disponible, mais nous ne pouvons pas construire sans terrains. Nous devons aussi donner des moyens à la population pour le développement économique de l’île à travers notamment le tourisme, l’agriculture, le logement. Mayotte doit pouvoir se tourner vers l’avenir. Pour cela il faut retrouver une démographie raisonnable, maîtrisée afin que les Mahorais aspirent à la stabilité ». Gérald Darmanin a promis de revenir sur l’île en septembre afin de « refaire des réunions avec les différents services et d’effectuer un bilan ». En attendant, la « loi Mayotte » devrait être présentée d’ici quelques jours, le 6 juillet, à la Première ministre, Élisabeth Borne, en vue de son adoption par le Parlement.
B.J.