Le CESEM planche sur les développements de l’agriculture et des logements qui se partagent 374 km2

Comme il l’a fait sur plusieurs thématiques telles que l’Education nationale ou la santé, le Conseil économique social et Environnemental de Mayotte (CESEM), publie deux rapports : l’un sur « L’agriculture mahoraise dans la dynamique de l’autonomie alimentaire », l’autre sur « L’adaptation des programmes de logement au contexte mahorais ». Deux mamelles du développement du territoire.

On ne sait s’ils l’ont fait exprès mais les membres du CESEM ont choisi deux secteurs majeurs qui se font une guerre du foncier à Mayotte : l’agriculture et les construction de logements. Le besoin avait été estimé par le préfet Colombet à 30.000 logements pour les 10 prochaines années. Le CESEM table sur un besoin de 10.000. Or, en 2020, seuls 250 logements sont sortis de terre, ce qui incitait le CESEM à s’autosaisir.

Le rapporteur Hamidou Madi M’colo précisait que depuis, Action Logement avait rejoint la SIM (Société Immobilière de Mayotte) comme 2ème bailleurs social. Les deux opérateurs ont enclenché la vitesse supérieure, « nous tenons nos engagements », a récemment indiqué Ahmed Ali Mondroha, DG de la SIM.

Encourager l’auto-construction

Néanmoins, de nombreux points sont à améliorer à l’échelle du territoire, note le CESEM qui vise les politiques de logement. Alors de 40% des résidence principale sont des habitations en tôle en 2017, « une urbanisation qui grignote progressivement le espaces agricoles et protégés », et que 48% de la population est de nationalité étrangère, donc sans accès aux politiques publiques, l’instance de gouvernance locale de la politique de logement, le Conseil Départemental de l’Habitat et de l’Hébergement (CDHH) doit demander « une adaptation des normes nationales et européennes ». Il est préconisé à la fois davantage d’accompagnement de l’Etat, à la fois que ce dernier « n’impose pas sa politique aux collectivités locales ».

Un des programmes de logements menés aux Hauts-Vallons

On ne saurait trop inciter à regarder du côté des trois villages qui bénéficient de l’ANRU, Kawéni, Koungou et Dzaoudzi, et observer comment le duo « politiques publiques-élus » a fait évoluer les modes de construction, en se concentrant sur les exemples les plus réussis.

Sont également préconisés la prévention de construction illégale sur chaque commune, qui demande volonté politique et d’importants moyens. Parachever le cadastre pour garantir aux communes les recettes fiscales, accompagner les privés sur le dépôt de permis de construire. Une mesure sort du lot qui va permettre de lutter contre la marchandisation du sommeil : encourager l’auto-construction encadrée pour les particuliers propriétaires qui pourraient bâtir sur leur terrain et louer légalement leurs biens. Enfin, parmi les nombreuses préconisations, la mise en place d’un Observatoire des coûts de la construction « pour une meilleure maîtrise des prix ». Consulter la Synthèse étude logement

L’ère des services a tué dans l’œuf l’agriculture à Mayotte

Autre rapport qui ressemble à un « marronnier » chez les acteurs locaux – un sujet redondant – celui qui vise l’autosuffisance alimentaire par le développement agricole. Son rapporteur connaît bien le sujet pour être président de la Chambre d’Agriculture, de la Pêche et de l’Aquaculture de Mayotte (CAPAM). Anthoumani Saïd est aussi celui qui est à l’initiative de la venue de la délégation tanzanienne à Mayotte sur le développement de l’axe agricole. Un acteur qui a du mérite de continuer à y croire tant Mayotte est hors norme. Théoriquement, le développement économique d’un pays commence par l’activité primaire (agricole), puis en cherchant à mécaniser, on bascule vers l’activité secondaire (industrielle), pour enfin déboucher sur un développement assumé avec une activité tertiaire (les services). Or, si comme le dit le rapport « l’agriculture est une activité profondément ancrée dans la vie de la population mahoraise », elle a très peu franchi dans le passé cette activité quotidienne de culture de jardin. Parallèlement, en tant que collectivité française, l’ère de l’administration et des services s’est multipliée, induisant des rêves d’intégrer le conseil départemental plutôt que de suer à cultiver sa terre.

Le nombre de pistes reste insuffisant pour raccorder les agriculteurs au réseau routier

Résultat, « la consommation locale repose essentiellement sur les importations alimentaires. » Comment faire pour inverser la tendance ? C’est tout l’enjeu que doit relever Anthoumani Saïd. Il rapporte que « l’agriculture mahoraise intègre peu à peu les progrès techniques », mais non sans casse, puisque cela sous-entend de rendre son exploitation intensive, donc de s’endetter pour acheter de la terre… on a vu les possibles dégâts en métropole. Le modèle de référence reste le petit chef d’exploitation aidé de sa femme. Avant même de voir plus grand, aménager des pistes, raccorder les exploitations à l’eau et l’électricité relèvent du conseil départemental à travers le Fonds d’électrification rural, ce qu’ils « tardent à réaliser ».

Une filière peut faire le coq

Alors, on peut parler d’agrotourisme, l’agripreneuriat, mais pour y arriver il faut s’attarder sur le petit agriculteur dans sa campagne et lui proposer un accompagnement administratif, technique et financier. Ce qui est également le rôle de la CAPAM, mais aussi de la DAAF (Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt). On en est encore à se dire qu’il faut que les agriculteurs s’installent sur leur exploitation, ne serait ce que pour contrer les vols.

Le poulet, une des filières structurées

Les filières de pointe en terme de modernité sont celles de l’élevage. « Grâce à un regroupement de producteurs, des structures industrielles de production du poulet de chair et de lait caillé ont vu le jour ». Des unités de transformation de fruits et légumes sont en phase test. Le président de la CAPAM nous confiait son souhait de développer les filières d’épice, notamment grâce au partenariat avec ses collègues tanzaniens.

Deux convictions fortes ressortent de ce rapport, indiquait-il : « l’autosuffisance alimentaire est possible à Mayotte et les agriculteurs ne sont pas suffisamment aidés politiquement et encadré administrativement ». Treize préconisations sont émises, déclinées en sous chapitre dans le rapport. Consulter la Synthèse autonomie alimentaire

Puisqu’il était question de volonté politique, rapportons l’introduction d’Abdou Dahalani, président du CESEM, sur les risques naturels et plus précisément l’enfoncement des terres qui provoque l’envahissement marin des littoraux. « Il existe un fonds vert qui permet aux collectivités de mettre en place des infrastructures contre le recul du Trait de côtes, mais une seule communes mahoraise sur les 16 concernées, l’a demandé. Le bateau va partir sans les communes de Mayotte. » Même déception chez le géographe Saïd Saïd Hachim, « à la suite des séismes, on pouvait prétendre au fonds Barnier pour ceux qui ont vu leurs habitations fragilisées, mais aucune commune ne l’a demandé. »

Et parce que cela fait bien longtemps que Mayotte n’a pas fêté son agriculture, revenir à l’organisation d’un Salon dédié avec vente de ses produits, serait un bon retour aux sources.

Anne Perzo-Lafond

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