Tribunal judiciaire : 7 mois de prison avec sursis pour le couple marchands de sommeil

Un couple comparaissait ce mardi pour l’aide à l’entrée ou au séjour irrégulier d’un étranger en France et pour soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indignes. Il leur était reproché d’être de potentiels marchands de sommeil.

Pas moins de 11 personnes vivaient sur une parcelle située à Pamandzi avant que les gendarmes ne découvrent la situation très précaire et indigne dans laquelle habitaient ces gens. Le couple vivait dans une maison alors que les 9 autres personnes s’entassaient dans 3 baraquements en tôle avec seulement un point d’eau et un point d’électricité. La plupart de ces personnes étaient en situation irrégulière.

Plusieurs attestations d’hébergement afin de pouvoir être régularisé

Le « pot aux roses » est découvert en novembre 2023 alors que de nombreux enquêteurs, venus de métropole pour lutter contre l’habitat indigne, se rendent compte de plusieurs éléments suspects. En effet, 11 personnes avaient déclaré vivant à la même adresse. La justice suspectait donc le couple de donner de fausses attestations d’hébergement à ces personnes en vue qu’elles obtiennent leur régularisation.

Les installations illégales, et les branchements sauvages constituent un danger quotidien pour la population (illustration)

Interrogée durant l’audience de ce mardi, la femme explique que c’était des membres de leur famille qui vivaient avec eux. « On leur a juste donné des factures ! Certains habitaient là, d’autres non », avant de reconnaitre devant le tribunal qu’il s’agissait bien de « faux » afin que ces personnes puissent obtenir des papiers auprès de la préfecture. « Ce sont donc bien des faux, de fausses déclarations, insiste la présidente. – Oui ».

Son époux a également reconnu une certaine négligence et de la naïveté. « Certains étaient d’anciens élèves mais ils n’ont jamais habité chez moi. L’attestation d’hébergement est une pratique courante à Mayotte… cela permet de s’inscrire à l’école, d’ouvrir un compte bancaire, de s’inscrire à la préfecture, à la mairie, etc. En délivrant ces attestations je ne voyais pas le mal », indique-t-il devant le tribunal, et de mettre en exergue l’hospitalité mahoraise. « Je ne comprends pas pourquoi on nous reproche d’accueillir des gens de passage, ça se fait beaucoup ici de rendre service. On ne savait pas qu’on était en faute ».

Des mouvements bancaires et des transferts de fonds suspects

La présidente du tribunal a interrogé le couple sur leur niveau de vie et leurs revenus qui ne correspondaient pas réellement à leurs déclarations visiblement. « D’où vient cet argent si vous ne faites pas payer de loyers pour loger ces personnes ? », interroge la présidente. L’homme, professeur contractuel de français et lettres modernes au sein de l’Education nationale, justifie les sommes par un prêt bancaire qu’il a souscrit ainsi que de nombreuses heures supplémentaires effectuées. Concernant les transferts de fonds, il avoue en avoir envoyé à plusieurs de ses maitresses ainsi qu’à des membres de sa famille, sa mère, ou encore une cousine vivant à La Réunion. Le couple estimait ainsi ses revenus officiels à 3.000 euros par mois.

Ces explications n’ont vraisemblablement pas convaincu la vice-procureure. « Certes, la situation à Mayotte comporte certaines spécificités… mais quand on regarde les éléments du dossier on est au-delà de la simple hospitalité ! », a-t-elle lancé. Pour elle, ces personnes étaient hébergées en échange d’argent. « Madame a reconnu que les attestations étaient fausses pour que les personnes puissent être régularisées. De plus on a retrouvé de l’argent liquide chez vous. Quant aux virements sur les différents comptes bancaires, je doute que ce soit la même famille ».

La loi nouvelle porte des sanctions pouvant aller jusqu’à 7 ans de prison et 200.000 euros d’amende (C. pén. art. 225-14 modifié)

Puis la vice-procureure a souligné les conditions indignes dans lesquelles vivaient ces gens : « un seul point d’eau et d’électricité pour 9 personnes sans compter l’insécurité avec des fils électriques qui pendaient partout ». Avant d’ajouter d’un ton solennel : « depuis quand les bailleurs gardent les papiers d’identité des locataires ? Pourquoi avoir confisqué les papiers et les livrets de familles ? Dans quel but ? ».

Considérant que le couple était des marchands de sommeil, elle a requis 8 mois de prison avec sursis, 3.000 euros d’amende et la confiscation des scellés numéraires trouvés sur place, dans la maison du couple.

Pour leur avocat Me Andjilani, ce couple n’avait rien à faire devant ce tribunal… et a plaidé « l’hospitalité mahoraise ». « A Mayotte, les gens sont solidaires entre eux, il y a de la générosité et heureusement car ce territoire en a besoin…Concernant la même adresse pour les 11 personnes, on connait les problèmes de logement à Mayotte et il est très fréquent que plusieurs personnes vivent à la même adresse ici. C’est un territoire compliqué avec ses spécificités… ». Par ailleurs, il a versé au dossier un courrier de l’ARS datant d’il y a quelques semaines justifiant que le couple avait fait beaucoup d’efforts pour améliorer la situation dans les logements, de ce fait, il a demandé la relaxe pour ses clients.

Après avoir délibéré, le tribunal a finalement condamné le couple à 7 mois de prison avec sursis.

B.J.

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