La semaine dernière, plus d’une centaine de débats étaient prévue en milieu carcéral en France. Mayotte n’y a pas fait exception, et c’est la députée Ramlati Ali qui l’a animé, « un lieu que je connais bien, pour avoir élaboré le projet médical de l’unité de soin », glisse le médecin devant la petite porte du centre de détention. Ce vendredi, il s’agissait de « donner la parole aux incarcérés au même titre que les autres citoyens. »
Avec quelques médias, elle entre donc dans l’une des prisons les plus modernes de France. Inaugurée en 2014, le centre de détention affichait un gigantisme par rapport au précédent, qui fut vite comblé, « nous comptons 310 détenus, dont 20 mineurs et 2 femmes », relate Jean-Luc Golob, Directeur adjoint du Centre pénitentiaire. Si la capacité est de 278 personnes, il explique que la surpopulation affecte la maison d’arrêt, « comme dans toutes les prisons », mais pas le centre de détention, « soumis à des quottas ».
Après plusieurs sas séparant des couloirs lumineux, nous arrivons dans la salle en même temps qu’une vingtaine de détenus. Que des hommes, en cette journée de défense des droits des femmes, ce qui vaudra à Ramlati Ali de recevoir un bouquet de fleurs. Ils ont été choisis en fonction de leur volonté de porter une parole, et leur capacité à comprendre le français. Les débats se feront malgré tout principalement en shimaoré.
Des familles plongées dans les difficultés
Ramlati Ali rappelait les 4 thème du Grand débat : la transition écologique, la Fiscalité Démocratie et citoyenneté, et Organisation de l’Etat et des services publics. D’emblée le débat prenait un ton culturel, avec la première question d’un détenu qui déplorait que la culture locale bien que riche, soit « peu valorisée » en France. On apprendra plus tard qu’il fréquente assidument la bibliothèque. L’insuffisance d’infrastructures sportives, ou de prise en compte des projets, était ensuite au programme, dans l’optique de la réinsertion. « Nous manquons d’infrastructures, nous avons un manque d’ingénierie à tous les niveaux, il faut que Mayotte se réveille », avouait Ramlati Ali sans pouvoir apporter de véritables pistes de réponse.
Plusieurs d’entre eux déploraient que, « contrairement à ce qui se fait en métropole », leurs familles ne soient pas aidées : « J’avais une vie normale, et parce que j’ai fait une erreur, tous les miens se retrouvent en grande difficulté financière ». Après avoir salué « toutes les mamans qui nous regardent sur Mayotte la 1ère », un autre demandait à être étroitement accompagné à sa sortie, « sinon, je vais recommencer à faire des bêtises. »
Mayotte dans l’espace Schengen, une chimère ?
Celui qui avait posé la première question, réitérait : « Je pose la question pour un de mes collègues. Il est comorien et voudrait savoir si Mayotte peut intégrer l’espace Schengen, avec une libre circulation des personnes. »
Une tribune proposée à Ramlati Ali qui lâchait sa parole avec passion, comme jamais auparavant : « Pour commencer par l’amendement Kamardine qui voulait casser le titre de séjour d’exception, il n’était pas possible de l’intégrer au mien sur le délai d’intervention du Juge des libertés et de la détention, car du Sénat, il serait revenu à l’Assemblée nationale, dans une navette parlementaire qui allait bien au delà de la date du 1er mars d’entrée en vigueur de la loi. Mais surtout je veux le dire haut et fort, Mayotte n’est pas prête à cette ouverture sur la métropole ! Si on donne le signal de la fin de la carte de séjour d’exception, ce ne sont plus seulement les comoriens ou les malgaches qui vont venir à Mayotte, mais tous les Africains qui passent actuellement par la Lybie. Avons-nous cette capacité d’accueil ? Non ! »
L’élue ne condamne pour autant pas la mesure d’ouverture vers l’extérieur pour les étrangers, et l’encourage même, sous certaines conditions : « Il faut contrôler nos côtes. J’ai demandé au président de la République pourquoi les militaires présents à Mayotte, notamment la Légion, ne seraient pas affectés à cette tâche. Il m’a répondu qu’on pourrait mettre en place l’équivalent du plan Harpie de Guyane, avec la présence de militaires de la marine nationale en sécurisation de l’accès aux côtes. Ce n’est qu’après avoir consolidé cela, que la possibilité d’ouvrir le séjour vers la métropole pourra être faite. »
D’autres thèmes étaient abordés, comme l’accès aux logements sociaux, tournés pour l’essentiel vers les possibilités de s’en sortir, « après ». Avec une problématique à combattre en priorité tant que ces hommes et femmes sont incarcérés : l’illettrisme, qui peut être un facteur aggravant de récidive.
Anne Perzo-Lafond