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Mamoudzou

Prison ferme pour l’ancien maire de Chirongui : des radiations frauduleuses d’électeurs pour bien peu de résultat

L’ancien maire de Chirongui, Andhanouni Saïd, était convoqué hier devant le tribunal de Mamoudzou pour répondre des faits de « radiation indue et frauduleuse d’un électeur sur une liste électorale ». Il était absent à l’audience mais représenté par son avocat maître Moussa. Deux autres accusés à qui il était reproché les mêmes faits ont comparu à la barre et ont tenté de s’expliquer devant le tribunal.

Une condamnation de plus pour l’ancien maire de Chirongui, Andhanouni Saïd. L’année dernière il avait déjà été condamné au pénal à 15.000 euros d’amende, une inéligibilité pendant 10 ans avec exécution provisoire et 5 ans d’interdiction d’exercer toute fonction publique, notamment pour des voyages douteux, favoritisme et dépenses illicites aux frais du contribuable. Cette année, rebelote pour l’affaire concernant des radiations frauduleuses d’électeurs.

Ce sont ainsi officiellement 73 personnes qui ont été radiées des listes électorales avant les élections départementales de juin 2021. Ce nombre atteindrait

Le tribunal judiciaire dans la zone industrielle de Kawéni

même les 239 selon l’avocat de la partie civile, maître Tesoka, qui a déploré que le scellé renfermant tous les autres cas n’ait été « égaré » par le tribunal. « Ce sont près de 180 radiations douteuses qui étaient recensées », indique l’avocat.

« Il fallait dégonfler les listes électorales »

Tout commence en juin 2021 quand maître Tesoka est saisi par des électeurs floués. Il adresse alors un courrier au maire de Chirongui lui indiquant que 73 personnes ont saisi la justice pour pouvoir voter et demandent leur réintégration sur les listes électorales. La fraude n’avait pour autre but que de faire gagner un binôme, favorable au maire, représenté par une de ses adjointes et du député LR de Mayotte Mansour Kamardine aux côtés de Tahamida Ibrahim, au détriment d’un autre duo représenté par l’ancienne majorité municipale. Pour cela, il fallait écarter tous les électeurs liés à l’ancienne équipe et ceux liés à l’opposition municipale.

Les conseillers municipaux avaient eu pour consigne de recenser tous les électeurs de leur quartier qu’ils ne connaissaient pas, d’en faire une liste et de la transmettre au maire. Si la personne était inconnue, elle était automatiquement radiée sans autre forme de procédure. « Les listes électorales avaient été gonflées par l’ancienne municipalité, il fallait les dégonfler », explique l’ancien collaborateur du maire, son bras droit. Une vingtaine de personnes habitant le même quartier avaient ainsi été radiées du fait de leur soutien à l’ancien édile.

De gauche à droite : Maître Idriss et maître Tesoka

« Vous savez que pour procéder à une radiation, seul le maire peut le faire et suivant la procédure du code électoral, rappelle la présidente du tribunal, Chantal Combeau. Cela peut être dû à un décès, un changement d’adresse, … Toute radiation doit être justifiée et portée à la connaissance des intéressés, chose qui n’a pas été faite dans ce cas précis. –  Ce n’est pas moi qui ai radié les personnes, je n’en avais pas le pouvoir. J’ai suivi les instructions du maire, j’étais son collaborateur. J’ai juste assisté aux réunions, répond l’ancien bras droit du maire. – Vous saviez que c’était frauduleux de radier sans raison légitime. – Beaucoup de gens radiés n’habitaient plus les villages et tous n’ont pas été radiés. Le maire est un ordonnateur, c’est lui qui décide. – Pourtant selon vos propres mots, le maire aurait demandé aux élus de la majorité de « toiletter » leur liste électorale afin de la rendre convenable pour le maire. Il s’agissait donc bien de faire gagner le camp du maire en radiant un grand nombre d’électeurs qui auraient voté contre son binôme », insiste la présidente. – J’ai simplement assisté aux réunions », maintien le prévenu.

« J’avais peur d’être mise au placard »

Puis c’est au tour de l’ancienne responsable du service état-civil de la mairie de Chirongui d’avancer à la barre et de s’expliquer. « On m’a demandé quelles étaient les étapes pour radier, raconte-t-elle. Monsieur le maire m’a donné une liste manuscrite avec des noms de personnes pour chaque village qu’il fallait radier. Et il m’a dit de brûler les étapes ». Ainsi lors de la commission pré-électorale d’avant les élections, elle est arrivée avec une liste de plus de 200 noms qui avaient été radiés. « Saviez-vous que c’était illégal ? Demande la présidente. – Je m’en doutais un peu. – Pourquoi avez-vous accepté alors ? – Je l’ai fait par peur d’être mise au placard. J’ai pris sur moi. Je ne voulais pas me retrouver exclue à ne rien faire. Je suis coupable indirectement. Je regrette, je ne suis pas une politicienne », explique-t-elle.

Aussi dans cette histoire les personnes radiées n’étaient pas choisies au hasard mais en fonction de leur bord politique. De nombreuses personnes opposées à l’équipe municipale ont ainsi été indument radiées. Dans ses déclarations Andhanouni Saïd a tout nié, les personnes qui le mettent en cause mentent, selon lui.

L’audience a duré plus de trois heures

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais lors des élections départementales, le binôme soutenu par Andhanouni Said est arrivé en tête au second tour avec seulement 38 voix d’avance « sur 7000 votants ! », rappelle Me Tesoka. « Il fallait que le binôme gagne les élections départementales. La mairie de Chirongui avait un intérêt dans cette histoire. Sans les radiations cela ne passait pas. Le maire avait tout risqué pour eux. Dans cette affaire aucune procédure du code électoral n’a été respectée, pas d’information et pas de notification pour les personnes radiées. Qui plus est, elles l’ont été car elles avaient des liens avec le camp adverse. La liberté de suffrage, c’est la démocratie. Ce n’est pas une petite affaire, il y a atteinte à des principes de la Constitution, notamment la liberté pour chaque individu de pouvoir voter », a plaidé Me Tesoka demandant des peines d’amende pour les différents protagonistes.

En outre, le résultat du scrutin ayant été contesté, une élection partielle a été organisée l’année dernière et pour le coup le binôme sortant a été battu avec plus de 300 voix d’écart…

Quant au procureur, dans son réquisitoire, il a fait valoir que par le passé c’était les morts que l’on faisait voter… « Ces pratiques frauduleuses doivent être éradiquées. Il n’y a pas de démocratie sans sincérité du vote. C’était des radiations ciblées », a-t-il argué.

Après avoir délibéré, le tribunal a reconnu coupable Andhanouni Said et l’a condamné à 12 mois de prison ferme (aménageables), cinq années d’inéligibilité et la perte de ses droits civiques durant cinq ans. Le bras droit du maire a été relaxée « au bénéfice du doute ». Quant à l’ancienne responsable du service état-civil de la mairie de Chirongui, elle a été condamnée à 6 mois de prison avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et 1000 euros d’amende.

B.J.

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