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Sage-femme : un des plus beaux métiers sous valorisé ?

À travers les actuelles revendications menées conjointement par l’ensemble des associations, unions, collèges et ordres relatifs aux sages-femmes, c’est bien de la santé des femmes et de leur(s) enfant(s) dont il est aussi question. Car lorsque l’on s’occupe d’une femme enceinte, on engage aussi sa responsabilité pour la vie qu’elle porte en elle ou qu’elle vient de donner. Une responsabilité double parfois implicite pas toujours reconnue de manière pratico-officielle raison pour laquelle la profession se soulève afin de faire entendre jusqu’aux hautes sphères étatiques la légitimité de ses aspirations tirant vers une indispensable évolution.

5 mai, journée dédiée aux sages-femmes

Un statut un peu bâtard qui aspirerait à devenir celui de praticien hospitalier

Assimilées comme une profession médicale selon le Code de la Santé publique, elle-même rattachée aux fonctions du non-médical et ce, après 5 ans d’études, les sages-femmes de premier échelon peuvent prétendre à un salaire brut de 2 231 euros. Un programme d’études bien trop dense jusqu’à lors qui passera à Bac+6 en septembre 2024 au regard d’une indiscutable constatation faite quant aux compétences demandées par la profession, aux connaissances techniques amassées et à la pression psychologique subie par les étudiants. Une petite victoire légitimée mais qui soulève la question de savoir qui voudra être payé à peine 2 000 euros après un doctorat en maïeutique, en plus de la réalité même des nombreuses et évolutives demandes de terrain, comme le stipule Cloé Mandard, présidente du conseil de l’ordre des sages-femmes de Mayotte :

C. Mandard : « notre profession connait pour la 1ère fois une crise »

« Dans nos obligations de formation continue et ce cadre ’’non médical’’ de nos fonctions, les moyens allouées ne sont pas appropriés au regard des responsabilités et besoins qui sont les nôtres » introduit-elle avant de poursuivre : « Dans une configuration de post-accouchement par exemple, certes, il est dit dans les grandes lignes que la mère garde son nouveau-né hors, l’état de santé de cette dernière est certifié par la sage-femme; il est de ma responsabilité de dire si oui ou non la patiente peut réintégrer son domicile. Si 24H après il se présente une quelconque problématique de santé pour la maman et/ou son bébé, c’est directement moi qu’on viendra chercher ».

Une montée en compétence toujours pas officiellement reconnue 

Et surtout, basée au final sur une évolution ascendante en lien avec une succession de crises. Dans les grandes lignes, en 2009 était acté la responsabilité du suivi des consultations gynécologiques de prévention liée notamment au désert médical de la médecine de ville, s’en est suivie la prévention des conduites addictives, notamment la prise en charge, l’accompagnement et le sevrage tabagique des femmes enceintes ou encore la prescription de l’IVG médicamenteuse en janvier 2016 ou bien le droit de vaccination en août 2022 pour ne citer que cela… En somme, vous savez faire, vous devez faire, on vous le donne car de toutes façons, vous n’avez pas le choix ! Et bien qu’écrites dans les lois de Santé, ces compétences n’ont jamais vraiment été reconnues ni foncièrement majorées du point de vue pécuniaire comme le précise C. Mandard, sage-femme depuis près de 10 ans : « Oui, ces responsabilités qui grandissent relèvent de notre domaine de compétences et bien que cela soit amené de manière aussi discutable et peu valorisée on ne peut foncièrement les refuser car nous militons aussi pour le droit et la pleine santé des femmes mais cela se fait aussi au détriment de nos compétences publiques et établies ». À ces compétences implicitement imposées se greffe aussi le souhait de récupérer, pour raisons pratiques, d’autres responsabilités notamment le Certificat obligatoire du 8ème jour pour le nouveau né — toujours à l’unique charge et rédaction du médecin — sachant que, paradoxalement, les sages-femmes suivent en parallèle les enfants jusqu’au 28ème jour de vie.

Un désamour de la profession

Les conditions de travail se veulent de plus en plus compliquées pour les sages-femmes (DR)

C’est une première, une triste première. Depuis 2022 se présentent de plus en plus de postes vacants en formation sage-femme alors qu’il y a encore quelques années, les places étaient chères et les étudiants français se précipitaient aux portes de la Belgique pour y trouver une alternative transitoire. À cette disparition d’étudiants sur les bancs des écoles se greffe une désertification du corps médical concerné et notre département n’est pas épargné. Un département reconnu comme l’usine à bébés nationale avec un taux majeur frôlant les 11 000 naissances annuelles. Au 30 avril dernier, ce sont un peu plus de 2 700 accouchements qui ont été recensés sur notre île pour un centre hospitalier qui présente de compréhensibles conditions de travail amoindries sachant le sous-effectif notoire (moins de 100 sages-femmes pour 180 postes). Des conditions complexes qui avaient déjà été dénoncées en 2021 lors d’un mouvement social et qui avaient vu un départ conséquent de ces anciennes praticiennes (non praticiennes)… Pour pallier de manière parfois momentanément à ce sous-effectif, sous couvert de périodes de ’’pic’’ de l’activité, la venue de la fameuse Réserve nationale n’est pas des moindres mais c’est aussi grâce à la montée en puissance des installations du réseau libéral qui compte actuellement près de 37 sages-femmes que notre territoire se maintient.

Des revendications nationales qui font encore plus écho sur notre territoire

Parmi les autres demandes soulignées dans la proposition de loi écrite par les sages-femmes, pour la santé des femmes « une véritable politique de santé sexuelle et reproductive et le renforcement de la prévention par la mise en place de 3 rendez-vous de santé sexuelle aux différents âges de la vie ».

(DR)

Un projet de programme sur cette même Santé sexuelle reproductive, indiscutablement prioritaire ici, est actuellement en cours de rédaction par les services de l’ARS Mayotte mais le droit de consultation des sages-femmes semble être plutôt insuffisant aux dires de la présidente du conseil de l’ordre des sages-femmes, un triste constat qu’elle souligne aussi en lien avec les respectifs volets de périnatalité ainsi que de la santé de la femme de l’enfant pour lesquels il n’existe pas de département dédié : « C’est assez aberrant sachant que la moitié de la population est mineur et pour l’autre moitié, il s’agit d’une dominante féminine ». Une aberration qu’on peut entendre aussi au niveau national sachant la dernière révision des décrets, relatifs à la périnatalité, datant du 9 octobre 1998 et qui déterminent notamment le nombre des besoins en personnel dans les services, mais, léger détail, exclusivement en salle d’accouchement, hors depuis, les missions se sont quelque peu diversifiées… Bref, une énième preuve du plein sérieux, au regard des priorités des gouvernements qui se sont succédés, qu’il serait tout de même bon d’actualiser.

MLG

 

*Selon une récente étude lancée sur l’ensemble de la profession sage-femme, il apparait que 94% de ses compétences ne sont pas assez connues par le grand public et 96% pas assez valorisée. Ce sont donc près de 48% des sages-femmes qui ont déjà envisagé de quitter la profession au cours de la dernière année. Etude menée simultanément par l’ANESF, l’ANSFC, l’ANSFL, l’ANSFT, la CNEMa, le CNSF, l’ONSSF, l’UNSSF et l’Ordre des sages-femmes.

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