En 1953, face à la pénurie de logements, l’État et les Partenaires sociaux inventent un dispositif pour permettre aux salariés du secteur privé d’être logés dans de meilleures conditions : les entreprises de plus de 10 salariés versent chaque année une cotisation en fonction de leur masse salariale, c’est la Participation des Employeurs à l’Effort de Construction (PEEC) pour financer le logement des salariés à revenus modestes. En 2017, Action Logement est créée, elle collecte la PEEC et finance la construction du logement social et intermédiaire.
L’entreprise paritaire, présidée par Bruno Arcadipane (pour le Medef), assisté par Philippe Lengrand (pour les syndicats CFDT, CFTC, CFE CGC, FO et la CGT), est présente depuis novembre 2021 à Mayotte. Quelques mois après, elle créait une filiale immobilière, AL’MA, présidée par la patronne du Medef Mayotte Carla Baltus, destinée à booster la production de logements qui n’était jusqu’à présent que le domaine de la Société Immobilière de Mayotte (SIM). Le chiffre de 5.000 logements en 10 ans est annoncé.
Pour cela, il faut du foncier. C’est pourquoi la délégation nationale parcourt le territoire pour signer des accords avec tous les partenaires qui détiennent un stylo pour peu qu’ils soient propriétaires de parcelles. C’est notamment le cas du maire de Koungou, qui est surtout président de la communauté d’agglomération du Grand Nord de Mayotte (CAGNM). « La grande richesse, ce n’est plus d’avoir de l’argent, mais du foncier », relevait Assani Saindou Bamcolo, en accueillant la délégation ce vendredi. Cette dernière avait eu droit à un petit tour de (peut-être) futur propriétaire sur une partie de ce qui sera (peut-être) aménagée pour un projet pas encore finalisé.
Le SMIAM toujours un réservoir à foncier
Car l’essentiel n’était pas là, mais bien dans la signature d’une convention de partenariat avec le maire également président de la CAGNM « Par cette convention, Action Logement peut nous solliciter partout », nous indique le maire. Intéressant pour Action Logement, quand on sait qu’il s’agit de la 2ème plus grande commune de l’île, et de la 2ème communauté d’agglomération après la CADEMA.
La parcelle dont un bout a été visité par la délégation, qui passe par le marché de Koungou, et au bord de laquelle coule une rivière, s’étend sur 3,5 hectares. Le foncier est toujours détenu par le SMIAM (Syndicat Mixte d’Investissement et d’Aménagement de Mayotte), dont la dissolution impliquait de dispatcher hommes et terres à chaque commune, un travail de fourmi. Les cessions d’actifs se font lentement mais sûrement nous dit-on. Koungou devrait récupérer ce foncier, et donc permettre à AL’MA d’aménager en conséquence, et de construire environ 200 logements. Et les signataires du jour espèrent que cette opération va se multiplier au gré des 6 villages de la commune.
« Cette signature est l’aboutissement de plusieurs années de travail, elle doit nous permettre de construire davantage de logements pour arriver à loger les salariés au mieux et permettre aux entreprises de se développer », se réjouissait Bruno Arcadipane.
Rapprocher les salariés du lieu de travail
Un sujet particulièrement important à Mayotte où des salariés originaires de Kani Keli continuent à prendre la route le matin alors qu’ils travaillent à Kawéni, s’infligeant des heures de route. C’est un peu comme si un salarié d’une entreprise de Bordeaux, continuait à habiter Pauillac ou le Cap-Ferret et devait supporter réveil matinal et bouchons quotidiens. C’est plus compliqué à Mayotte où l’identification au village est encore très forte, mais pouvoir disposer de logement à proximité va changer la vie des salariés qui sont intéressés.
De son côté, Assani Saindou Bamcolo le répète à l’envi, il est preneur d’outils susceptibles de développer sa commune. Celui-ci en est un. Voilà qui donne une autre image de Koungou, elle qui sombrait dans la léthargie et la délinquance, conséquence de sa sortie de tous les dispositifs sociaux en 2014. On en paie encore le prix. C’est le même maire qui est en poste aujourd’hui, enchainant les signatures et annonçant un nouveau changement en cours, « j’ai renouvelé mon équipe municipale, en nommant notamment une nouvelle adjointe chargée de l’aménagement et du Logement, Yasmine Nidhoire ».
Car pour l’instant, l’effet boostant c’est l’ANRU, qui met les moyens pour une rénovation urbaine, qui permet à la mairie de se doter de compétences. Les trois villages classés comme Quartier Prioritaire de la Politique de la Ville que sont Majikavo Koropa, Koungou et Longoni sont particulièrement ciblés pour les constructions de logement.
Le partenariat était déjà en marche puisque Assani Saindou Bamcolo fait partie du conseil d’administration d’AL’Ma présidée par Carla Baltus qui souhaite sécuriser le maximum de foncier.
Si les maires sont regardés avec des yeux doux, c’est qu’ils vont plus facilement céder du foncier à prix abordable quand il s’agit d’aménager leur commune, que lorsqu’il s’agit de privés. D’ailleurs, la délégation d’Action logement va signer la même convention de partenariat avec la CADEMA, ainsi que la préfecture. Une rencontre est prévue avec le président du conseil départemental.
Ce samedi, ils ont pu visiter le projet enthousiasmant et en cours d’aménagement de l’écoquartier AL’MA avec un programme de 200 logements, équipements et commerces de proximité, dont des espaces sportifs et un parcours santé.
Anne Perzo-Lafond