Républicains, socialistes, démocrates, indépendants ou bien écologistes, ils sont au total 8 députés*, issus de la Métropole et des départements ultramarins à avoir co-signé, 2 jours avant la Journée mondiale de l’Eau, leur engagement à travers cette proposition de « loi constitutionnelle transpartisane » afin d’acter et de reconnaître officiellement, tel un droit humain fondamental, inscrit dans la législation française, le Droit à l’Eau et à l’Assainissement.
En effet, passant outre le plein calendrier des historiques préludes et sous-ramifications juridiques en la matière remontant à 1979, nous retiendrons que c’est à l’impulsion initiale bolivienne, et reconnue comme telle par l’Assemblée générale des Nations Unies (122 voix pour, 41 abstentions et aucun vote contre), que la résolution 64/292 s’est inscrite officiellement dans le marbre international, le 28 juillet 2010, légitimant « le droit à une eau potable salubre et propre comme droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’Homme », comme l’avait indiqué à l’époque Catarina de Albuquerque, première Rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit à l’eau potable et à l’assainissement. Un droit d’accès quotidien suffisant, compris entre 50 à 100 litres d’eau par personne, pour un usage domestique et personnel dont la source se veut à moins d’un kilomètre de l’habitat et dont le débit minimum peut garantir une collecte n’excédant pas les 30 minutes.
De l’International au National
Parmi les pays des respectifs continents sud-américain, asiatique ou encore africain, ayant présenté favorablement leur voix pour l’adoption de cette résolution, figuraient 11 pays de l’U.E. dont l’Espagne, l’Italie, la Belgique, l’Allemagne ou encore la France. Soit aujourd’hui un total de 178 États ayant reconnu ces droits et étant tenus de les garantir à minima sur leur propre sol. Malheureusement, il n’existe aucun traité international qui contraint ou pénalise les potentielles inactions constatées ce qui limite légitimement la pleine concrétude de cette mise en application, aussi juridique, à travers le globe. Fort heureusement, sans nécessité d’avoir systématiquement recours à de l’approche punitive pour des prise de conscience et mise en action, nombreux sont les pays et/ou instances régionales et internationales à avoir inscrit dans leurs respectives constitutions ce droit à l’accès à l’eau. Convention américaine et Charte arabe dédiées aux Droits de l’Homme, Charte de l’eau du Bassin du Niger, Colombie, Bolivie, Afrique du Sud, Kenya, Uruguay, Slovénie, Maroc ou encore l’Égypte.
Et la France dans tout ça ?
Le sommaire article L.210-1 du Code de l’Environnement fait état de l’Eau tel « un patrimoine commun de la Nation » garantissant son utilisation « à tous et chaque personne physique » pour un usage alimentaire et hygiénique « dans des conditions économiques acceptables ». En somme, un promptuaire peu exhaustif d’un droit vital que dénoncent justement nos 8 mousquetaires de l’Eau, armés de leur louable proposition de loi constitutionnelle et soulignant, par la même occasion, l’absence totale de la mention liée à l’assainissement.
Bien qu’il soit noté dans le communiqué officiel de ces mêmes parlementaires — adressé à la Presse — des améliorations législatives notables au regard de cette transposition internationale à échelle franco-française, il n’en demeure pas moins que les bases juridiques en la matières sont encore trop évasives ou insuffisantes. Et c’est à ce motif, en faveur du plein Droit à l’Eau que les députés signataires tendent à inscrire dans le bloc constitutionnel cet article unique, sous forme additionnelle à la Charte de l’Environnement déjà existante, par l’introduction d’un article 1-1 : « le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain, essentiel à la pleine jouissance de la Vie et à l’exercice de tous les droits humains« .
Les DOM plus que jamais représentés
À l’occasion du 22 mars dernier, Journée mondiale de l’eau, en lien notamment avec la Conférence des Nations Unies sur ce même sujet, qui s’est tenue en son siège à New-York, les responsables des grandes ONG françaises ont tenu à faire entendre leurs voix auprès du Gouvernement français sachant que, rien qu’en Métropole, le manque de raccordement à l’eau potable représente 400 000 personnes en habitat précaire selon le collectif La Coalition Eau** et une situation encore plus alarmante dans nos départements ultramarins notamment sur notre île où il est répertorié que plus de 30% de la population n’a pas accès à l’eau courante (2,2 milliards dans le Monde selon l’OMS) et que 46% des usagers réunionnais sont alimentés par des réseaux qui ne garantissent pas une sécurité sanitaire suffisante. À ces difficultés sociales, s’amplifie le caractère purement sanitaire; dans le Monde, 297 000 enfants de moins de 5 ans (données Unicef) meurent chaque année des suites de complications infectieuses et bactériennes causées par l’ingestion d’une eau insalubre et/ou d’une pratique hygiénique inadéquate.
Ces chiffres, dans l’immédiat, ne peuvent être officiellement relevés sur notre territoire mais il va sans dire que le Plan eau DOM du Gouvernement, lancé en 2016, présente encore de grosses lacunes dans la mise en place globale des différents axes prioritaires relatifs à ce « Droit à l’Eau ». Absence ou accès payant de bains-douches et WC publics, inexistence de fontaines à eau potable dans l’espace public, mauvaise qualité de l’eau potable etc…
« L’accès à l’eau n’étant pas garanti en Guadeloupe, je ne peux qu’aller dans le sens de cette proposition de loi. J’ai l’espoir que la population guadeloupéenne se saisira de ce texte afin de faire valoir ses droits », déclare Olivier Serva, député Libertés, indépendants, outre-mers et territoires.
L’île de la Guadeloupe où plus de 60% de l’eau est perdue avant d’arriver en robinet et près de 70% des stations d’assainissement sont non conformes, impactant le bon fonctionnement des structures publiques tels que les établissements scolaires ou encore les hôpitaux, qui subissent de manière quasi-quotidienne des coupures d’eau, en plus d’une pollution massive avérée au pesticide Chlordécone dont la traçabilité eut été également répertoriée dans les eaux embouteillées. Même problématique en Martinique qui fait aussi face une tarification parfois excessive pour ses habitants pas toujours en mesure de payer leurs factures.
Et c’est notamment en ce sens que la législation nationale, connue sous le nom de Loi Brottes, visant à protéger l’ensemble des foyers français (et pas seulement les plus démunis) contre une potentielle coupure d’eau du gestionnaire et/ou propriétaire et ce, durant toute l’année en cas de factures impayées, est remise en avant aussi dans le cadre de cette défense des Droits de l’Eau et des diverses complexités qui l’englobent, que les députés signataires aspirent à une pleine conformité de la Charte de l’Environnement comme le souligne Mansour Kamardine : « L’eau est un bien commun, universel et vital dont il est nécessaire de rendre le droit d’accès opposable, par son intégration au bloc constitutionnel à travers la charte de l’Environnement ».
Un droit et une pleine retranscription de cette résolution 64/292 des Nations Unies et des lois internationales qui les précèdent, remontant à plus de 40 ans en arrière, qui font d’autant plus écho sur notre territoire sachant tous les aspects sociaux, éducationnels, sanitaires et environnementaux que cela comprend au regard du Cycle de l’Eau dans son approche la plus élargie et pourtant, toujours aussi fragile, non-acquis et à l’avenir plus qu’incertain. Merci à nos députés de rappeler aux hautes instances étatiques le caractère essentiel de ce droit humain relevant juste de ce qu’est l’essence même de la Vie.
MLG
Données et informations ONG, Coalition Eau, ONU, OMS, Unicef
*Les 8 députés signataires sont : Gabriel Amard (LFI-Nupes / Rhône), Chantal Jourdan (Socialistes-Nupes / l’Orne), Mansour Kamardine (LR / Mayotte), Marcellin Nadeau (Gauche démocrate-Nupes / Martinique), Hubert Ott (Démocrates Modem / Haut-Rhin), Marie Pochon (Écologistes-Nupes / Drôme), Olivier Serva (Libertés, indépendants, outre-mers et territoires / Guadeloupe) et Anne-Cécile Violland (Horizons / Haute-Savoie).
** La Coalition Eau regroupe des ONG engagées dans les secteurs de l’eau de l’assainissement « afin d’accélérer la mobilisation de la société civile en faveur d’un accès facilité à cette ressource essentielle pour toutes et tous »®