Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse… L’ivresse d’une joie commune au regard de cette victoire individuelle, certes, mais de ce légitime bonheur partagé par l’ensemble de la filière mahoraise de production de vanille. Tels les Jeux Olympiques du goût, là où d’autres territoires affichent leur actuel et large palmarès de médailles, Mayotte quant à elle peut être fière d’avoir été récompensée en la seule et unique catégorie pour laquelle 3 producteurs ont concouru lors de cette 59ème édition du Salon international de l’agriculture.
Petit à petit la vanille bourbon (re)fait son nid
Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis l’année 2018 et ses 15 petits kilos de vanille noire produits, la restructuration et harmonisation globale de la production, qui se voulait de surcroît vieillissante, en a parcouru du chemin. Et elle ne cesse de s’accroitre tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Étalé sur près de 15 hectares, l’ensemble des 38 exploitations de notre île a recueilli pour cette dernière année plus d’une tonne de vanille verte ce qui représente, une fois les gousses séchées, 400 kilogrammes de produit fini exploitable. Tel un label créé en 1964, le terme de « vanille bourbon » désigne l’origine océanique indienne du fruit des fameuses orchidées, appelé Vanilla planifolia, qui est l’une des espèces de vanilles les plus exploitées au Monde.
Ainsi, au même titre que des cépages similaires dans l’appellation vinicole, nous serons d’accord qu’une syrah de la Vallée du Rhône, n’aura jamais la même palette gustative qu’une syrah de l’état du Victoria australien (aussi appelé shiraz). Il en va de même pour notre gastronomique épice noire de luxe qui comprend donc des labels en fonction des zones géographiques d’exploitation et qui regroupe, à échelle internationale, 3 variétés cultivées : la Vanilla planifolia, la Vanilla tahitensis et enfin la Vanilla pomona.
Un monopole polynésien en matière de récompenses françaises !
Parmi les principaux producteurs de vanille se trouvent le Mexique (dont l’état de Tabasco est à l’origine historique et ancestrale de toutes les productions de vanille au Monde), mais aussi l’Indonésie, le Costa Rica, l’Ouganda, la Réunion, les Comores, Mayotte et enfin Madagascar qui détient le monopole de plus de la moitié de la production mondiale. Tous ces pays cultivent la Vanilla planifolia qui est considérée comme la meilleure vanille au grand dam de leurs lointaines cousines Vanilla pomona cultivée aux Antilles et la fameuse Vanilla tahitensis qui est la vanille tahitienne décrochant pourtant chaque année les médailles d’or au sacro-saint graal Concours Général Agricole. Comment l’expliquer, outre le fait que Tahiti soit le 1er producteur français ultramarin, loin devant tous les autres territoires ?
Selon l’ingénieure agronome, Julie Moutet, coordonnatrice de l’association Saveurs et Senteurs de Mayotte, il serait bon de revoir le protocole de dégustation du jury, tout comme sa composition qui, pour le moment, se limite à tremper sa gousse de vanille uniquement 5 minutes dans du lait chaud avant appréciation et qui ne comporte pas suffisamment de producteurs dans ses rangs. Un protocole donc plutôt restrictif qui ne met pas assez en valeur la vanille bourbon au profit de nos amis tahitiens qui valident tout de même, et totalement, cette requête de modernisation et restructuration car là aussi est toute la force de la chaine de production de la vanille de France : une pleine solidarité bienveillante et une complémentarité valorisée dans le savoir faire.
La vanille de Humblot fait de la résistance
Couronnée d’argent, la Vanille Flagrans Planifolia du producteur Foundi Madi, originaire de Tsingoni, est un gage de reconnaissance qualitative mais aussi de valorisation pour l’implication, la motivation collective qu’il insuffle et l’éternel passionné qu’il incarne à travers les années et ce, bien avant la restructuration de la filière de production mahoraise de 2018.
« Je suis très fier » nous indique-t-il ému avant de poursuivre «…mon souhait profond c’est que cet art perdure et que nos enfants et petits enfants soient attirés pour poursuivre cette noble culture de vanille qui est la nôtre ».
Cette vanille justement singulière dans sa manière d’évoluer. En effet, là où de nombreuses vanilles se fragilisent de plus en plus en raison notamment des changements climatiques globaux et se voient même, pour certaines, menacées d’extinction, la vanille endémique des Comores et de Mayotte, arrivée dans l’archipel vers la moitié des années 1800, aussi appelée vanille de Humblot, est une sorte de noble chiendent aux allures de cactus effeuillé qui supporte très bien les grandes sécheresses et ne développe aucun virus contrairement à ses cousines du Monde ! Qu’il est bon de souligner cette énième richesse locale que notre département se doit de protéger. Un département très à l’écoute qui s’est engagé à agrandir au sein même du pôle excellence de Coconi les parcelles octroyées à la production locale de vanille qui a pour objectif de pousser sa prochaine récolte à 2 tonnes.
MLG