La loi 3DS, pour Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et portant diverses mesures de Simplification de l’action publique locale a été publiée le 21 février 2022. Le projet de loi contenait 83 articles, que le parlement a enrichi, puisqu’il en compte désormais 271, un « texte fleuve », selon certains. C’est l’occasion de souligner le rôle des députés et sénateurs, pour ceux qui en doutaient encore… et, à la veille des législatives, de leur signaler qu’on en attend encore et toujours davantage !
La loi, fruit d’un travail sur deux ans, semble conforme aux espérances, « cette réforme apporte des avancées utiles aux communes et aux intercommunalités », a commenté l’Association des Maires de France (AMF), tel que le rapporte le président du Centre National de la Fonction Publique territoriale (CNFPT). L’organisme a une nouvelle fois traduit la loi pour que le commun des élus mortels puisse s’en approprier le contenu, en livrant un guide de 60 pages.
Nous passerons rapidement sur la Différenciation, elle concerne bien sûr Mayotte, qui est logée à la même enseigne que les autres collectivités. Elle mentionne notamment qu’un retour en arrière est possible sur le secteur du tourisme, qui avait été transféré aux communautés de communes ou d’agglomérations. Désormais, les communes touristiques pourront récupérer cette compétence. Certaines comme Bandrélé, avaient investi le champ avant le premier transfert (sentier de randonnée des Crêtes, etc.), une discussion sur une reprise éventuelle pourra donc être engagée avec l’interco.
Nous avions rapporté la possibilité offerte au conseil départemental par la loi 3DS de récupérer la gestion de certaines routes nationales, les 4 RN pour Mayotte. Les élus se disaient frileux… quelques jours plus tard, leur propre réseau départemental leur donnait des sueurs froides du côté de Soulou-Tsingoni !
La calamité se rajoute à la catastrophe
Un chapitre est consacré à l’Outre-mer qui bénéficie déjà de conditions dérogatoires sur certains domaines comme le foncier.
Tout d’abord, sera expérimenté dans les territoires ultramarins « l’état de calamité naturelle exceptionnelle », lorsqu’un « aléas naturel d’une ampleur exceptionnelle a des conséquences de nature à compromettre gravement le fonctionnement des institutions et présente un danger grave et imminent pour l’ordre public, la sécurité des populations, etc. » Il n’empêche pas la déclaration de catastrophe naturelle qui déclenche la prise en charge par les assurances. Est intégrée la sensibilisation des élèves sur les risques naturels majeurs et celle des salariés des entreprises par leur organisation interne.
Le gros chapitre reste le foncier au regard des situations de blocage qui perdurent dans les outre-mer, notamment à Mayotte. La dérogation sur la prescription acquisitive est confirmée chez nous, qui permet à tout résident d’un terrain depuis plus de 30 ans de l’acquérir, moyennant certaines garanties, et même pour les cas antérieurs à 2008 (amendements Thani), année de promulgation de la loi sur la prescription acquisitive.
Elle entérine aussi la prolongation de l’existence de la Commission d’urgence Foncière (CUF) qui ne muera en Groupement d’Intérêt public qu’au 1er décembre 2023 (et non fin 2022 comme initialement indiqué). La loi légalise aussi la possibilité pour les collectivités territoriales, et non plus seulement les particuliers, de solliciter la CUF pour avis… Ça sent les recrutements pour étaler les demandes !
Autre possibilité offerte par la loi 3DS, la propriété des voies privées qui sont ouvertes à la circulation publique, peut être transféré, après enquête, dans le domaine public.
Wanted héritier de terrain !
Face au besoin conséquent de logements, une disposition permet de libérer du foncier : un référent chargé du recensement des propriétés en indivision sera nommé dans chaque communauté de communes ou d’agglomérations des territoires ultramarins. Il sera notamment chargé de rechercher les héritiers ou les indivisaires. Rappelons que le règlement des indivisions est facilité par la loi Letchimy à partir du moment où 51% des propriétaires sont d’accord entre eux.
A propos des besoins en logement, on y lit que Mayotte n’est pas isolée : un inventaire dressé au 1er janvier 2020, pointe 1.111 communes qui ne respectent pas leurs obligations en matière de logement social.
Les évaluations environnementales nécessaires aux opérations d’intérêt national (OIN, toujours pas désignée à Mayotte), pourront être confiées à l’Etablissement public foncier et d’aménagement (EPFAM).
En matière de formation professionnelle, chaque région d’outre-mer, département pour Mayotte, pourra bénéficier d’un établissement public intercommunal placé sous la tutelle de la collectivité.
La loi entérine les modifications des règles relatives à la création des pharmacies à Mayotte, (amendements Thani, saisi par le maire Ambdilwahedou), en conditionnant leur ouverture à un quota de 7.000 habitants, et non 7.500 dans la commune ou dans le secteur sanitaire, et en réduisant de deux ans les délais d’instruction des dossiers d’ouverture. Le territoire comptait en décembre 2021, 24 officines de pharmacie.
On le voit, nous ne sommes pas dans un nouvel acte d’évolution de décentralisation, mais sur un ensemble de petites mesures collant davantage aux réalités des territoires.
Anne Perzo-Lafond