Catherine Vautrin : « Il faut engager les actions de destructions-reconstructions dans les temps impartis »

C’est par l’escarpé quartier du Talus que la présidente nationale de l’ANRU et femme politique avertie, a découvert les spécificités de Mayotte. L’opération menée à Koungou est à la fois traditionnelle pour l’Agence nationale de la Rénovation Urbaine à la fois exceptionnelle ici au regard de l’ampleur du phénomène de l’habitat insalubre et des moyens naissants. Il faut donc faire preuve d’ingéniosité, ce que lui auront prouvé les acteurs.

Les ensembles de quartiers « spontanés » ont grignoté il y a des dizaines d’années les bords des routes, puis sont montés en hauteur avec des notion d’équilibre qui donne le vertige. C’est le cas du « Talus » à Majikavo Koropa, en face de la mosquée, dans la commune de Koungou. C’est une des zones visées par le programme de l’ANRU de Majikavo. Le 3ème du territoire, avec Kawéni et Dzaoudzi Labattoir.

Le maire de Koungou, Assani Saindou Bamcolo, recevait ce jeudi une invitée de marque en la personne de Catherine Vautrin, nommée depuis septembre 2022 présidente de l’ANRU. C’est une femme politique d’expérience, puisque la présidente de la communauté urbaine du grand Reims, a été secrétaire d’Etat chargée de l’Intégration et de l’Egalité des chances – elle avait travaillé sur le plan de Cohésion sociale avec Jean-Louis Borloo – puis celle des personnes âgées, sous le gouvernement Raffarin, et a bien failli être notre première ministre, avant que le président Emmanuel Macron ne choisisse finalement Elisabeth Borne.

Plusieurs réclamations parmi les habitants, pendant qu’une maman gravit la côte escarpée, sa fille sur le dos

C’est chaussée de tennis que la présidente de l’ANRU a gravi la pente cimentée, puis jonchée de pneus, du Talus, en passant à travers les cases en tôle pour accéder au sommet du quartier, bouteille d’eau en main accompagnée de sa directrice Anne-Claire Mialot. Cette fois, il y a un comité d’accueil tout le long du parcours : quasiment autant de pancartes que de marches sont brandies par les habitants du lieu, « Nous voulons la régularisation de ces terrains, et les autorisation pour construire », « démolition illégal sans relogement définitif, Déscolarisation de nos enfants », « Destruction massive chaque fois dans la zone et la commune, on en a mard », « Nous ne refusons pas de partir mais nous voulons des maisons où on peut vivre avec nos enfants ». L’une d’elle demande au conseil départemental de leur céder le terrain sur lequel se trouve sa case.

« J’ai encore en mémoire l’éboulement de 2018 »

La démolition avant reconstruction d’un quartier, c’est un choc à chaque fois pour ses occupants. Rupture du quotidien, possible changement d’école pour les enfants, etc. C’est pourquoi l’accompagnement social se muscle à chaque opération, « nous avons tiré des leçons de nos échecs passés », dira Mélanie Guilbaud, DGA Aménagement urbain à la mairie, issue de la DEAL. C’est elle qui a mené les dernières opérations de démolitions des quartiers Carobole, etc., et assisté aux représailles consécutives. Incendie de la mairie, du bâtiment de la police municipale, menaces envers les élus. Assani Saindou Bamcolo est d’ailleurs interpellé par un habitant qui se veut le porte-parole de ceux du Talus et s’éloigne quelque temps avec lui. « Je leur ai expliqué qu’on ne pouvait les laisser dans une telle situation, avec des menaces pour leur sécurité à chaque dépression. J’ai encore en mémoire l’éboulement de 2018 emportant toute une famille. » De plus, tous ne sont pas des administrés selon lui, « il y a des marchands de sommeil parmi eux, qui gagnent de l’argent sur la misère des autres. » D’autres sont en situation irrégulière, et savent qu’ils sont menacés d’expulsion lors de la démolition.

« Nous ne refusons pas de partir », explique cet homme qui a ensuite rencontré le maire

L’opération d’urbanisation transitoire commence à se roder à Koungou : avant la démolition, une enquête sociale est menée, pour reloger les habitants qui peuvent y prétendre. Et sur le terrain déblayé, une opération de construction de 60 logements sociaux est prévue par la SIM, la Société Immobilière de Mayotte. C’est facile sur le papier, beaucoup moins dans la réalité comme l’expliquent les différents intervenants à Catherine Vautrin.

Pression présidentielle

Tout d’abord, il faut s’approprier le terrain. Certains sont communaux, d’autres départementaux, d’autres encore sont en indivision, la Commission d’Urgence Foncière (CUF) se penche sur la viabilisation foncière, mais n’est opérationnelle que depuis quelques mois sur la délivrance d’actes de notoriété.

Ensuite, il faut sécuriser la zone qui est souvent en risque éboulement ou autre. La DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Alimentation et du Logement), entre en jeu : « Il a fallu stabiliser le terrain du Talus, ce qui s’avère beaucoup plus couteux que la construction de logements. Pour cela, il fallait de l’ingénierie, et c’est aussi ce que nous apporte l’ANRU, avec huit postes créés sur les trois opérations du territoire, dont deux à Koungou », nous explique Jérôme Josserand, Directeur adjoint de la DEAL.

Tout doit se faire dans un temps contraint de « destruction-construction », comme le rappelle le maire, « car nous avons un besoin urgent de la construction de ces logements pour les administrés ». Avec une pression du président de la République pour que tout soit dépensé en temps voulu, complète Catherine Vautrin : « Emmanuel Macron a rappelé que nous avions 14 milliards d’euros pour toutes l’ensemble des opérations nationales, et qu’il fallait engager l’ensemble des actions. C’est aussi pour cela que je suis là ».

Formation des adultes et aides aux devoirs des jeunes

Une des habitations de relogement temporaire, « après, les habitants ne veulent plus en sortir! », rapporte Mélanie Guilbaud

Les logements transitoires eux, sont prêts. Des petites maisons avaient été inaugurées il y a deux ans sur les hauteurs de Bandrajou, « est-ce que les gens qui y habitent s’y sentent bien ? », s’enquiert Catherine Vautrin. La visite de l’une d’elle et les échanges avec l’hôtesse des lieux lui apportera une réponse, avec la chambre des enfants à l’étage et la pièce principale en rez-de-chaussée, « c’est sûr qu’elle est plus en sécurité ici ».

Ceux qui ont pu faire jaser dans le quartier, ce sont les Algeco montés en trois mois en bas de Majikavo Dubaï, « nous ne voulons pas être dans des containers », avait affiché une habitante. Mais ils sont maintenant terminés, et offrent une cuisine commune avec plaques à induction, réfrigérateur-congélateur pour chaque familles, un bloc sanitaire avec douche.

Surtout, un accompagnement social est prévu par l’association Mlezi maore : « Les dix familles qui vont intégrer ces logements ont fait l’objet d’une enquête approfondie. Nous avons défini avec chacune d’elles le reste à charge à payer en loyer qui avoisine en moyenne 50 euros. Mais l’objectif c’est de les suivre pour qu’elles travaillent et puissent ensuite être éligible à l’intégration des logements SIM. Nous sommes en hébergement d’insertion. D’autre part, une salle commune est prévue pour les élèves afin de leur proposer une aide aux devoirs. C’est une première à Mayotte ! », nous indique Jocelyne Larue-Joachim, Directrice de Pôle Solidarité de Mlézi. L’ensemble a été monté à proximité du Talus pour qu’il n’y ait pas de rupture scolaire.

Catherine Vautrin se lave les mains dans la cuisine commune dotée de 10 plaques à induction

Une bonne partie des habitants sera relogés dans de la famille, d’autres reconstruiront une case plus loin.

L’ANRU accompagne financièrement l’opération de Majikavo Koropa à hauteur de 28 millions d’euros, qui comprend l’opération quartier fertile (500.000 euros), et l’Etat de son côté débourse 45 millions d’euros pour la construction de logements, d’écoles, etc. La DEETS est également de la partie pour avoir proposé des logements d’urgence à travers son parc, et pour avoir pris le premier arrêté d’insalubrité irrémédiable délivré sur l’île il y a quelques mois sur une maison de marchands de sommeil « elle hébergeait une centaine de migrants africains », à Majikavo Dubaï, non loin de la nationale.

Alors que le territoire ne savait pas quel bout prendre ces zones d’habitat insalubre, l’ANRU permet d’envisager un avenir meilleur pour tous, et en important des compétences, agit comme un tremplin pour les communes bénéficiaires.

L’aménagement du bloc d’Algeco de logements temporaires est terminé

Anne Perzo-Lafond

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